Sur le terrain, l’armée russe progresse inexorablement. À Kiev, un scandale de corruption fragilise le pouvoir.
La guerre en Ukraine entrant bientôt dans sa cinquième année et atteignant probablement un point culminant, il est temps de passer en revue la situation.
Cet examen s’articule sur trois vecteurs : la situation sur le champ de bataille, le scandale de corruption qui secoue Kiev et les perspectives de réussite du plan de paix de Trump.
Le fil conducteur de ces trois vecteurs est le rôle joué par la Fédération de Russie et le spectre de Vladimir Poutine.
Observons séparément ces vecteurs avant de les réunir à la fin.
Sur le terrain
La situation sur le champ de bataille est simple.
La Russie gagne résolument la guerre et, désormais, elle est prête à s’emparer de tout le territoire à l’est du fleuve Dniepr, principale voie fluviale séparant l’est et l’ouest de l’Ukraine.
Le Donbass est composé de deux provinces (oblasts) russophones situées dans l’est de l’Ukraine, appelées Donetsk et Lougansk. La Russie a formellement annexé le Donbass à la Fédération de Russie, bien que les forces armées ukrainiennes continuent de se battre pour le conserver.
La Russie a remporté une série de victoires clés à Marioupol (2022), Bakhmout (2023) et Avdiïvka (2024). Une vaste contre-offensive des forces armées ukrainiennes a totalement échoué en 2024.
Les États-Unis et l’OTAN n’ont rien apporté à l’Ukraine. Les véhicules de combat (chars Abrams, Challenger, Leopard et véhicules militaires blindés de combat Bradley) ont été calcinés sur le champ de bataille. Les capacités de brouillage GPS de la Russie ont désactivé les systèmes de guidage de l’artillerie de précision. L’avantage initial de l’Ukraine dans le domaine des drones a été écrasé par la mobilisation de la Russie et sa capacité à produire des milliers de drones par mois.
Les avions de combat F-16 sont facilement abattus par les systèmes anti-aériens avancés de la Russie. Les systèmes anti-missiles Patriot se font éradiquer par des missiles hypersoniques russes que l’Occident ne possède pas.
L’Ukraine a réussi à attaquer certaines infrastructures énergétiques en Russie, mais c’est insignifiant et facilement réparé. En attendant, tout le réseau électrique ukrainien est gravement endommagé par les drones et missiles russes, alors que le vent glacial de l’hiver commence à souffler.
Et maintenant, la Russie a pris Pokrovsk, une ville de taille moyenne de l’est du Donbass, plus proche du fleuve Dniepr. Ce n’est pas la taille de Pokrovsk qui est importante, mais son rôle de plateforme logistique majeure pour les transports ferroviaires et routiers.
Pokrovsk est un centre de distribution pour presque toutes les activités des forces armées ukrainiennes dans la région du Donbass. Par conséquent, certaines poches de résistance dans d’autres villes telles que Kramatorsk, Sloviansk et Lyman ne sont plus approvisionnées en nourriture et en munitions, et sont rapidement encerclées.
Un prélude à la victoire
Pokrovsk est considérée comme la porte d’entrée sur le Donbass et la clé permettant à la Russie de s’emparer du reste de la région. La prise de Pokrovsk offre à la Russie un nouveau tremplin lui permettant de s’emparer d’autres villes majeures de la région
Dans le même temps, les Russes ont encerclé une autre ville majeure au nord, appelée Koupiansk, proche de la source de la rivière Oskil, non loin de Kharkiv, la capitale de la province. Quand Koupiansk tombera, cela ouvrira la voie vers Kharkiv. Les Ukrainiens ont déjà déclaré qu’ils en évacuaient les civils.
Ces manœuvres d’encerclement s’ajoutent à un mouvement en tenaille au centre du Donbass, se concentrant sur Kostiantynivka, Yablunivka et Toretsk.
Les Russes livrent de grandes offensives au nord, au centre et au sud du Donbass, tandis que les forces armées ukrainiennes s’effondrent en raison du manque de nourriture, de munitions et d’effectifs. D’ici l’hiver, il n’y aura pas grand-chose pour bloquer une avancée rapide des Russes vers le Dniepr.
Au-delà, les Russes envisageraient la prise de Kharkiv, d’Odessa et d’une partie de Kherson, sur la rive occidentale du Dniepr. Ainsi, les Russes contrôleraient totalement Donetsk, Lougansk, Zaporijjia, Kherson et toute la côte de la mer Noire. Il ne resterait rien à l’Ukraine – excepté un État enclavé, les villes de Kiev et Lviv.
Les Russes n’ont jamais eu l’intention de conquérir toute l’Ukraine. Ils veulent sécuriser les zones russophones et des points stratégiques le long du fleuve Dniepr et de la côte de la mer Noire.
La Russie – avec sa population beaucoup plus importante, son économie plus forte, sa technologie plus avancée, sa mobilisation totale sur l’effort de guerre, ses réserves d’or, et l’échec complet des sanctions économiques occidentales – est sur le point d’atteindre ces objectifs.
La corruption à Kiev
Alors que les Russes avancent, Kiev s’effondre sur le plan politique. Un grand scandale de corruption a éclaté, impliquant les principaux leaders politiques entourant Zelensky. Les accusations concernent des versements de rétro-commissions et de pots-de-vin effectués par les entreprises énergétiques.
Un personnage clé proche de Zelensky a déjà fui en Israël (qui n’a signé aucun traité d’extradition). Le numéro deux de Zelensky, Andrii Yermak, vient de démissionner. Ces scandales éclaboussent Zelensky.
Mais le véritable scandale, c’est qu’ils n’aient pas été révélés plus tôt. La corruption perdure en Ukraine depuis plus de trente ans.
Les trois options de Trump
Et cela nous amène au processus de paix en cours actuellement…
Les principaux négociateurs de la Maison-Blanche – Steve Witkoff, assisté de Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, et du secrétaire d’État Marco Rubio – viennent juste de rencontrer Poutine à Moscou, après des discussions avec Zelensky et les alliés de l’OTAN, notamment le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne.
Le plan de paix de Trump, en 28 points, s’est amorcé il y a quelques semaines. Ces points ont été réduits au nombre de 19 après des discussions avec Zelensky. Le texte exact de ce plan n’a jamais été divulgué, son élaboration est toujours en cours.
En gros, on sait qu’il impliquerait de céder le Donbass, Zaporijjia et Kherson à la Russie, jusqu’au fleuve Dniepr. La Russie renoncerait à une petite partie du territoire ukrainien dans la région de Sumy, qui n’a jamais fait partie des revendications russes. La Russie cesserait également de convoiter Odessa. L’Ukraine accepterait de ne jamais rejoindre l’OTAN et de conserver une sorte de neutralité entre ouest et est.
La liste des demandes de la Russie pour cesser la guerre n’a pas vraiment changé depuis la période précédant la guerre. Elle comprend la démilitarisation, la « dénazification », la neutralité, aucune adhésion à l’OTAN et la protection de la population russophone. Comme Zelensky s’en est pris à l’église orthodoxe en Ukraine, la liste de la Russie a intégré la protection de cette église.
Le plus grand changement intervenu dans la position russe, c’est l’annexion de territoires ukrainiens à la Fédération de Russie.
La Russie a débuté la guerre avec la Crimée et a rapidement élargi le territoire pour inclure le Donbass. Plus la guerre dure longtemps, plus la Russie annexe des territoires. On ne devrait pas s’attendre à ce que la Russie restitue tous ces territoires, excepté Sumy. Aujourd’hui, la Russie revendique des territoires ukrainiens jusqu’au fleuve Dniepr qui n’ont pas encore été occupés, mais qu’elle compte occuper dans le cadre de l’offensive en cours.
La position de la Russie est très proche du plan en 28 points initial de Trump, assez proche pour qu’un accord soit conclu.
Le problème, c’est que l’OTAN et Zelensky ont modifié l’accord de Trump au cours des deux dernières semaines de négociations. Ces changements incluent la présence de troupes sur le terrain, notamment une force de maintien de la paix composée de troupes de l’OTAN, ainsi que des garanties de sécurité qui obligeraient les membres de l’OTAN à venir en aide à l’Ukraine si les Russes devaient mener une action militaire à l’avenir.
Bien entendu, l’action militaire russe pourrait facilement être provoquée par des opérations secrètes ou des attaques de drones ukrainiennes.
Bref, les apports ukrainiens au plan initial de paix reviennent à intégrer l’OTAN sans y adhérer officiellement et posent les bases d’une nouvelle guerre. Ce serait comme les accords de Minsk I et II qui n’ont jamais été appliqués comme prévu.
L’équipe de Trump est prise entre le marteau et l’enclume. Si elle défend le plan de paix intégrant les changements ukrainiens, la Russie refusera. Si elle accepte la position russe avec de légères concessions faites par Moscou, alors l’Ukraine, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni refuseront.
Trump a trois options.
- S’en tenir au plan modifié, auquel cas la guerre va s’éterniser.
- Accepter la position russe et forcer Zelensky à démissionner au profit d’un nouveau dirigeant qui acceptera. Dans ce cas, la guerre s’achèverait rapidement. L’Europe de l’Ouest ne compte pas vraiment, dans ce scénario : ce sont des États vassaux.
- Jeter l’éponge, ce que Trump aurait dû faire en février dernier, quand c’était encore « la guerre de Biden ». Il n’est pas trop tard pour le faire, même si cela vaudrait à Trump d’être traité de marionnette de Poutine par les va-t-en-guerre de Washington.
Je penche, personnellement, pour le premier scénario. Mais Trump est fort capable de surprendre tout le monde, alors le deuxième scénario ne devrait pas être écarté. Le troisième scénario semble improbable car il n’est pas gagnant pour Trump, sur le plan politique, même si c’était la solution la plus propre sur le plan militaire.
Bien que l’issue soit incertaine, le timing ne l’est pas. Nous saurons dans une semaine ou deux dans quelle direction cela va. La Russie est gagnante dans tous les scénarios. La seule variable, c’est l’ampleur et la rapidité de la victoire.
