Les Etats-Unis sont souvent cités en matière de stockage d’or physique. Mais il n’y a pas que chez l’Oncle Sam que vous pouvez vous rendre, de l’autre côté de l’Atlantique. Les auteurs du rapport In Gold We Trust vous proposent une autre destination.
Comme nous l’avons vu dans un précédent billet, les Etats-Unis ne sont pas à court d’arguments du point de vue du stockage d’or physique.
La Constitution américaine garantit en principe un haut niveau de liberté aux habitants de ce pays-continent qui est le quatrième producteur d’or au monde. Pays qui a par ailleurs su protéger ses frontières, et jouit avec le Comex de « l’un des marchés des métaux précieux parmi les plus liquides au monde ».
On pourrait ajouter que les Etats-Unis ont un avantage qui découle de la simple taille du pays. En effet, comme il est immense et que sa population est élevée, la concurrence est rude et « il existe de nombreuses options de stockage pour les pièces et les lingots », comme l’indiquent Ronald-Peter Stöferle et Mark J. Valek (S&V) dans la dernière édition de leur rapport In Gold We Trust.
Seulement voilà…
Les Etats-Unis ne présentent pas que des avantages dans l’optique du stockage de métaux précieux
Tout d’abord, en termes de pistage par le gouvernement, l’épargnant en or n’a pas grand-chose à envier à l’épargnant français, comme le détaillent S&V :
« Contrairement à ce qu’il se passe dans de nombreux pays européens, les achats anonymes d’or sont très rares. Le gouvernement américain exige la déclaration des transactions en espèces supérieures à 10 000 $ via le formulaire 8300. »
Par ailleurs, pour ce qui est des relations entre les Etats-Unis et leurs partenaires, le moins que l’on puisse dire est que la confiance n’est pas en voie de raffermissement lorsqu’il s’agit du gardiennage de leurs réserves officielles. Comme le rappellent S&V :
« Si les Etats-Unis présentent le gros avantage d’un accès direct à l’un des marchés les plus liquides au monde, ils sont rarement cités par les citoyens non américains comme le pays le plus indiqué pour stocker son or. Même d’autres pays, dont l’Allemagne, qui stockaient leur or aux Etats-Unis après la Deuxième guerre mondiale, ont largement rapatrié leur or. »
D’ailleurs, comment évoquer les Etats-Unis sans mentionner le sordide épisode de 1933 ? Voici en quelques lignes l’avis de S&V (qui ont consacré un chapitre entier de leur rapport IGWT 2021 à la question des confiscations) sur le sujet :
« Il s’agit clairement d’un risque à prendre en compte lors du choix d’un lieu de stockage de lingots. Cependant, aujourd’hui, le risque de confiscation de l’or physique est faible par rapport aux normes historiques car le rôle de l’or dans le système monétaire a fondamentalement changé.
De nos jours, l’or sert uniquement de réserve pour les banques centrales et, depuis la fermeture de la fenêtre de l’or le 15 août 1971, il ne joue plus de rôle direct dans le système monétaire. »
Mais les Etats-Unis ne sont pas la seule destination à envisager outre-Atlantique… Cliquez ici pour en découvrir une autre.
D’ailleurs, on notera que, si le Trésor américain détient les plus grandes réserves officielles d’or au monde (8 133 tonnes)…
… le secteur privé américain n’est pas particulièrement porté sur le métal jaune. On estime en effet à un peu plus de 100 grammes par personne les avoirs moyens en or des Américains. C’est presque 5 fois moins qu’en Autriche (486 grammes), et 5 fois moins qu’en Suisse (598 grammes).
In fine, les Etats-Unis sont une bonne solution dans l’absolu, mais pas au regard des autres solutions existantes. Pour S&V, « en ce qui concerne le stockage et la conservation d’or, les Etats-Unis sont en fait une nation moyenne » qui conviendra avant tout à ceux des citoyens américains « qui préfèrent stocker leur or à proximité de chez eux ». Et ce même si les Etats-Unis continuent de figurer « parmi les premières juridictions pour le stockage d’or physique du fait qu’ils n’ont pas d’égal pour la liquidité, la transparence et la profondeur de leur marché de l’or ».
Ceci étant posé, il me reste à vous présenter la dernière solution évoquée dans le rapport IGWT 2021, laquelle vous intéressera en particulier… si vous êtes américain !
Zoom sur les îles Caïmans
Si vous ignorez tout des îles Caïmans, c’est normal. Cela est sans doute dû au fait que, comme moi, vous ne faites pas (encore) partie des ultras riches. S&V décrivent cet archipel des Caraïbes comme « la version XXIe siècle et ensoleillée de Jersey ou de l’île de Man », deux dépendances de la Couronne britannique au nord de Saint-Malo et en mer d’Irlande, respectivement.
Paradis fiscal notoire, les îles Caïmans n’ont cependant pas tout à fait le même statut que Jersey et l’île de Man vis-à-vis du Royaume-Uni, puisqu’il s’agit non pas d’une dépendance, mais d’un territoire britannique d’outre-mer.
Par ailleurs, nous changeons ici de zone géographique puisque Grand Cayman, Little Cayman et Cayman Brac se situent entre Cuba et le Honduras, et couvrent un territoire de 264 km², c’est-à-dire un peu plus que Marseille (à 240,6 km²).
C’est en 1962, après l’indépendance de la Jamaïque vis-à-vis de la Grande-Bretagne, que les trois îles sont repassées dans le giron britannique. Le chef d’Etat est le monarque britannique au pouvoir, ce qui permet à l’archipel de bénéficier de sa protection militaire. Le prix en est que c’est également la Couronne qui est en charge des relations diplomatiques des Iles.
Comme le soulignent S&V :
« Ce lien étroit avec la Grande-Bretagne, avec le règne de l’Etat de droit britannique, est l’une des principales raisons pour lesquelles les îles Caïmans sont devenus un domicile offshore privilégié des banques, des hedge funds et autres sociétés financières. 40 des 50 plus grandes banques au monde y ont élu domicile. »
La fiscalité est à l’image des plages de l’archipel : paradisiaque.
« Depuis l’abolition en 1985 de l’impôt de capitation annuel de 10 dollars caïmans sur tous les résidents de sexe masculin, la fiscalité directe est totalement absente. Il n’existe pas d’impôt sur le revenu, d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur les successions, d’impôt sur les plus-values ni d’impôt sur les donations.
La situation est particulièrement intéressante pour les investisseurs en or, car les métaux précieux sont exonérés d’impôt sur le revenu ou sur les exportations, et aucune taxe à la vente ni de stockage n’est prélevée. Dans l’ensemble, le gouvernement des îles Caïmans ainsi que sa population se distinguent par leur forte valorisation de leur secteur financier, dont ils sont très protecteurs et qui leur permet d’assurer leur prospérité. »
Avec le tourisme haut de gamme, il s’agit bien sûr là de l’un des piliers de l’économie caïmanaise, laquelle se porte très bien – merci pour elle ! Non seulement le PIB moyen par habitant y dépassait les 91 000 $ en 2019 selon les données de la Banque mondiale, mais le territoire est un habitué des excédents budgétaires (expression tombée en désuétude en France dans les années 1970, antonyme de « déficit budgétaire »…).
Outre la fiscalité – ou plutôt son inexistence –, les îles Caïmans ne manquent pas d’arguments pour appâter l’investisseur en métaux précieux. Comme le relèvent S&V, « les clients peuvent compter sur l’infrastructure de sécurité sophistiquée déjà existante, avec un secteur des coffres privés qui offre un accès facile aux marchés internationaux ». Ce sont ainsi pour plus de 700 M$ d’or physique qui ont déjà élu domicile dans les coffres caïmans.
Tout dépend de votre situation financière
De plus, pour ceux qui disposeraient d’un (large) portefeuille financier domicilié sur place au sein de la même institution financière, vos avoirs en or pourraient être utilisés « en tant que prêt, comme garantie ou même comme levier de ces investissements ». C’est ce qui fait dire à S&V que « si les îles Caïmans ne bénéficient peut-être pas des mêmes antécédents historiques en matière de stockage d’or que, par exemple, la Suisse, ils font certainement l’objet d’un grand potentiel ».
Voilà grosso modo ce qui amène les deux Autrichiens à intégrer les îles Caïmans à leur liste des meilleurs lieux de stockage de lingots au monde.
Est-ce cette destination qu’il vous faut privilégier, cher lecteur ? Ignorant tout de votre situation, il m’est bien sûr impossible de répondre à cette question. Je dirais cependant qu’à moins que vous ayez « vu des mondes que le commun des mortels ne saurait concevoir » (ce ne sont pas S&V que je cite), ou alors que vous soyez américain (l’anglais étant la langue officielle des îles Caïmans, qui ne se situent par ailleurs qu’à une heure de vol de Miami), il existe des alternatives aussi compétitives que cet archipel et bien plus proches de nous.
Enfin, quelle que soit la destination qui a votre préférence, je me permets de vous quitter en rappelant une évidence. Il n’existe pas de solution à taille unique : en matière de stockage comme ailleurs, la diversification du risque est une exigence qui doit être prise en compte. D’autant plus que comme le disait Harry Markowitz, il s’agit là du « seul repas gratuit en finance » !