Entre affrontement diplomatique, tensions médiatiques, sanctions croisées et accusations d’ingérence politique, le divorce entre les Etats-Unis et l’Europe est consommé.
Le divorce entre les Etats-Unis et l’Europe est consommé. Et il commence à prendre la forme d’une guerre froide qui s’étend à plusieurs domaines.
Les lames sont sorties du fourreau de part et d’autre de l’Atlantique : l’Union européenne, aidée du Royaume-Uni, unit ses efforts pour torpiller le plan de paix américain visant à faire cesser les hostilités en Ukraine.
Pas de jugement de valeur : l’Europe a engagé des centaines de milliards pour soutenir l’Ukraine, mais elle est tenue à l’écart du dialogue russo-américain, qui tente de placer Kiev devant le fait accompli d’inévitables sacrifices territoriaux.
Elle le prend mal et fait son possible pour s’imposer à la table des discussions : elle le fait en soutenant Zelensky dans un positionnement qui empêche toute avancée vers un processus de paix. « L’Ukraine ne peut constitutionnellement céder de morceaux de son territoire, et la Russie doit restituer la Crimée, puis verser des dommages de guerre. »
Il n’échappe à personne que, Moscou étant vaincu, il lui incomberait de céder aux exigences des vainqueurs.
Les Etats-Unis s’obstinent à prétendre que la réalité de terrain est juste l’inverse, et que prolonger la guerre ne ferait que faire mourir des dizaines de milliers de soldats de chaque camp chaque mois et renforcer les gains territoriaux de la Russie.
La guerre froide diplomatique se double d’une nouvelle guerre froide médiatique et informationnelle visant à « maîtriser le narratif ».
Sur ce terrain également, l’Europe vient d’ouvrir les hostilités avec Washington, sous la forme d’une amende de 120 millions d’euros infligée par l’UE au réseau social X pour « violation de la loi sur les services numériques ».
Ce n’est qu’un prétexte de pure forme, et il a fait mouche : toutes les figures clés de Washington ont réagi de façon unanime pour condamner Bruxelles, de Marco Rubio à Ted Cruz, jusqu’au vice-président J. D. Vance.
Tous accusent Bruxelles de « censure », et une partie des républicains appelle à des sanctions contre l’UE, notamment pour violation du 1er amendement de la Constitution relatif à la liberté d’expression, qui est considérée comme un « crime fédéral » :
- la censure, c’est exactement ce que permet le règlement européen sur les services numériques (DSA);
- chercher à dissimuler la vérité ou empêcher sa manifestation (le DSA également) ;
- sanctionner un Américain ou une entité diffusant une information au sein des frontières, mais aussi… hors des frontières des Etats-Unis (objet de l’amende de l’UE).
Nous n’assistons pas à une simple querelle – mais bien à un tournant stratégique.
En réaction, Trump remet en question « la capacité de certains alliés de l’UE à rester des membres fiables de l’OTAN ».
Il va plus loin en pointant des « changements démographiques » (comprendre : causés par l’immigration dans plusieurs pays), en dénonçant une « structure qui menace la liberté d’expression » (ce qui vise le DSA), qui « impose une dictature réglementaire » (plusieurs amendes infligées à Apple, Amazon, Microsoft, puis X).
Il souhaite enfin que l’Europe renonce à la « perception de l’OTAN comme une alliance en expansion constante ».
Jamais la Maison-Blanche n’a exprimé de critiques aussi cinglantes à l’égard de l’Europe.
Et Trump a bel et bien — officiellement — adopté une politique de soutien aux mouvements eurosceptiques au sein de l’Europe, ce qui est perçu — à juste titre — par Bruxelles comme une ingérence directe dans la politique intérieure.
Mais la même Europe s’est permis des ingérences encore plus radicales, prenant parfois l’allure de coups d’Etat, en Roumanie puis en Moldavie cette année.
Ce que n’a pas manqué de souligner la Maison-Blanche qui s’était vantée, du temps de Barack Obama, d’avoir orchestré le coup d’Etat du Maïdan et participé à la sélection de chaque ministre du nouveau gouvernement ukrainien. Joe Biden supervisa à partir de 2021 ceux de l’équipe Zelensky (élu en avril 2019, sous mandat Trump), son fils ayant de nombreux intérêts capitalistiques en Ukraine, notamment au travers du conglomérat Burisma (Trump avait tenté d’investiguer, mais en vain).
Le bon sens populaire ne manquerait pas de citer : « C’est l’hôpital qui se fout de la charité. » Et nous ajouterions : « Et réciproquement. »
Les dirigeants européens dénoncent « une guerre politique », des manœuvres de Trump visant à diviser les Européens (qui peut le contester ?) et à maintenir l’Europe dans un rôle de subordination.
Mais la charge la plus récente est celle du vice-président J. D. Vance contre toutes les entorses à la liberté de parole en Europe (bien au-delà du cas Twitter/Elon Musk) :
« Croyez-vous vraiment que les contribuables américains toléreront qu’une personne soit emprisonnée en Allemagne pour un tweet jugé offensant ? Vous ne pouvez pas prétendre à un partenariat avec les Etats-Unis alors que vous arrêtez des citoyens pour avoir dit la ‘mauvaise chose’. Criminaliser les débats sur les frontières, annuler les élections qui ne vous plaisent pas, faire taire les électeurs au lieu de leur faire confiance, ce n’est pas de la démocratie, c’est du chantage à l’insécurité, travesti en manœuvre politique. »
Vance rappelle les fondamentaux :
« Les véritables alliances exigent de véritables valeurs communes. La liberté d’expression n’est pas une option. C’est le fondement. L’Amérique n’a pas versé de sang pour défendre une Europe qui peut emprisonner ses propres citoyens pour leurs opinions. »
J. D. Vance n’invente rien puisque le chancelier Merz vient de faire arrêter de nombreux internautes qui l’avaient sévèrement critiqué sur Twitter.
Il n’invente rien non plus concernant l’annulation d’élections en Europe, avec ce coup d’Etat téléguidé de Bruxelles — avec une implication forte de la France — consistant à faire déclarer inéligible le candidat roumain anti-UE, Calin Georgescu, arrivé nettement en tête au premier tour de la présidentielle (au prétexte d’une prétendue ingérence russe sur TikTok sous faux drapeau).
Après la Roumanie en mai dernier, la Moldavie a également dénoncé « l’ingérence russe », mais ce sont les pro-russes qui ont tout simplement été empêchés de voter, par dizaines de milliers (routes barrées, bureaux de vote inaccessibles ou encombrés), et la candidate pro-UE l’a emporté avec quelques centaines de voix d’avance.
Et voilà que le chef du renseignement allemand alerte maintenant sur un « risque massif d’interférence russe » dans les cinq scrutins régionaux de 2026.
Pas de hasard : l’accusation vise précisément l’AfD – le parti qui monte, bat en brèche l’eurofédéralisme et conteste le soutien « sans limite » à l’Ukraine.
Bien entendu, l’élément de langage imparable, c’est : « Être contre la guerre, c’est être pro-russe, capitulard et défaitiste. »
En ce qui concerne la préparation des élections, outre une puissante campagne de discrédit de l’AfD dans les médias allemands (ils seraient incompétents, incapables de gouverner, manipulés par Moscou), et plus largement européens, la méthode roumaine ou moldave est déjà prête à resservir.
Déjà au printemps dernier, Ursula von der Leyen déclarait :
« L’ombre de Moscou plane sur les futurs scrutins, nous ne laisserons pas faire. »
Le ministre du Renseignement allemand prend le relais afin de disqualifier la légitimité des élections régionales avant même qu’elles puissent se tenir.
Une démocratie qui commence à préparer la remise en cause du vote, voire à l’annuler (« nous avons des armes juridiques pour cela », avait déclaré Thierry Breton), n’est déjà plus une démocratie.
Elle ne mérite donc plus le soutien des Etats-Unis. Le message de J. D. Vance, qui complète de nombreuses déclarations précédentes de Donald Trump, est donc : « Vous êtes seuls financièrement » (pour permettre à l’OTAN de fonctionner, cela va vous coûter cher si vous persistez à prolonger la guerre en Ukraine), et vous « êtes désormais seuls idéologiquement ».
Les Etats-Unis ne se sentent plus solidaires des Européens : ils n’ont plus à nous ménager dans aucun domaine.
A bon entendeur…

2 commentaires
En parlant de « maîtrise du narratif « , Je constate l’absence du décompte mensuel des morts de la guerre pour le partage de l’Ukraine dans les médias « grand public », or si l’on attribue à chaque mort ou invalide le coût de la pension correspondante, et que l’on y ajoute le » prix des souffrances » , on doit arriver à des montants qui plaident pour l’arrêt rapide des hostilités auxquels il convient de rajouter le coût des explosifs, des armes et du temps perdu à se chamailler pour une décision de partage territorial qui pourrait être tranchée par référendum auprès des occupants des territoires concernés . Dans cette histoire, il conviendrait de démasquer les « Tullius Detritus » de cette absurde zizanie.
L’absurdité et la prétention totale de la politique de la France et de la CEE c’est d’ajouter à une guerre civile européenne contre la Russie, pour une hypothétique « démocratie » en Ukraine, une guerre contre les USA. La guerre sur deux fronts ! Quelles populations nos dirigeants vont envoyer faire ces guerres ? A part le contribuable moyen bien sûr.
The absurdity and sheer presumption of France and the EEC’s policy lies in adding a war against the USA to a European civil war against Russia, for a hypothetical « democracy » in Ukraine. A war on two fronts! Which populations will our leaders send to fight these wars? Apart from the average taxpayer, of course.