Même les hautes autorités commencent à douter des taux négatifs, et cela mènera à la prochaine phase de la crise – la plus grave…
Nous avons vu hier que les taux négatifs commencent à faire gronder dans les rangs – même en haut lieu…
« L’opposition au taux de dépôt négatif se généralise de plus en plus », a déclaré Gilles Moec, économiste en chef chez Axa SA à Londres. « Vous pourriez être une colombe et toujours croire que les taux négatifs ne sont pas géniaux. »
La possibilité que la stratégie ne vaille pas la peine qu’elle cause est alarmante pour les fonctionnaires de la Banque centrale européenne (BCE), car ils disposent déjà d’une boîte à outils très limitée : l’assouplissement quantitatif se rapproche également des limites de ce qu’il peut faire.
Le règne de Christine Lagarde, désormais à la tête de la BCE, pourrait être gâché par l’impuissance politique dès le début. On comprend qu’elle tente de lancer la balle dans le camp des gouvernements ; elle appelle le retour à la croissance des déficits de ses vœux pressants.
Rendez-vous compte de l’impasse : les fonctionnaires de la BCE n’ont plus de baguette magique ! Ils pourraient être obligés de se mettre au travail, de réétudier ce qu’ils n’ont pas compris… et peut-être même de retourner au réel, ce réel dont ils ne connaissent absolument rien.
Il aurait peut-être fallu se poser la question avant…
Lagarde a indiqué qu’une étude pourrait être en cours, déclarant il y a quelques jours à la chaîne BFM TV :
« Il est un moment où il faudra poser la question du juste équilibre entre les effets positifs et négatifs des taux négatifs. »
Ouf ! N’aurait-il pas fallu se poser cette question il y a cinq ans, quand par exemple je l’ai posée avec des arguments massue – comme celui de la déflation par l’accroissement quasi-mécanique de la propension à épargner des ménages soucieux de leur retraite ?
Si l’on inquiète, si l’on donne peur de l’avenir, on ne suscite aucune dépense ; au contraire, on suscite des comportements de précaution renforcés. Vous ne voulez surtout pas être dépendant et donc vous vous serrez la ceinture maintenant, même si c’est contraire à la rationalité imbécile d‘un Mario Draghi.
Plus on baisse les taux et plus on s’enfonce dans les taux négatifs, plus le public a un sentiment de crise et plus son humeur devient déflationniste – nom de nom, c’est facile à comprendre !
N’oubliez jamais, la déflation est un état social, une humeur : on ne croit plus à l’avenir, on pressent qu’il ne sera pas rose.
Donald Trump à rebours
Alors que le président américain Donald Trump a reproché à plusieurs reprises à la Réserve fédérale de ne pas avoir copié cette politique… même les plus fervents défenseurs européens reconnaissent qu’ils doivent à présent faire face aux effets secondaires négatifs.
« En Europe et au Japon, ils ont des taux négatifs. Ils sont payés pour emprunter de l’argent. Ne devons-nous pas suivre nos concurrents ? » s’exclame Le Donald, qui n’en rate jamais une.
La BCE, pour sa part, ne peut se renier pour des raisons de crédibilité ; cependant, elle essaie de corriger l’incidence des taux négatifs sur les comptes des banques. Lorsque Draghi a abaissé le taux des dépôts de la BCE à moins de 0,5% en septembre dans le cadre d’un dernier package, il a inclus une exemption des coûts pour les banques.
La Banque nationale suisse, qui avec la banque centrale danoise a le taux directeur le plus bas du monde (moins 0,75%), a renforcé elle aussi son allègement pour les prêteurs.
Des responsables relativement orthodoxes tels que le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, et le gouverneur de la banque centrale néerlandaise, Klaas Knot, ont souvent averti que les taux extrêmement bas favorisaient la dilatation de la bulle des prix des actifs et encourageaient les emprunts à risque.
Ces préoccupations figurent dans le rapport sur la stabilité financière de la BCE. Le gouverneur belge, Pierre Wunsch, a déclaré à Bloomberg ce mois-ci que les responsables auraient peut-être besoin d’insérer une clause de sauvegarde dans leur engagement de maintenir les taux aux niveaux actuels ou inférieurs.
Même le gouverneur de la Banque d’Italie, Ignazio Visco, partisan de longue date des mesures de relance monétaire, a déclaré qu’il était réticent à toute nouvelle réduction.
Je vous ai averti il y a quelque temps : nous entrons dans une nouvelle phase de la crise, bien plus grave que les précédentes.
Dans cette phase, le doute s’installe ; on se demande si, après tout, on a bien les outils pour gérer la situation.
Bref, cette nouvelle phase est celle de la mise en doute de l’invariant majeur : la croyance en la toute-puissance des illusionnistes que sont les banquiers centraux…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]