Avec la fin des achats d’actifs par la BCE et un besoin de financement record de 340 milliards d’euros, la France devra convaincre les marchés sans le soutien de sa banque centrale.
L’année 2025 promet d’être mouvementée sur le marché de la dette, particulièrement pour la France qui va devoir placer un montant record sur les marchés – cette fois-ci sans le filet de sécurité de la BCE.
Durant les fêtes, le déficit budgétaire attendu pour notre pays a été révisé une nouvelle fois à la hausse, à 5,4% du PIB. Hors reprise rapide de l’inflation, ce chiffre devrait même être un plancher plus qu’un plafond, et voir le déséquilibre des comptes publics atteindre les 6% sur l’année n’étonnerait plus personne.
Cela va conduire notre pays à devoir faire appel, comme il en a pris l’habitude, aux marchés financiers pour boucler ses fins de mois. Cette année, le besoin en argent frais va même atteindre un record historique : entre le nouveau déficit à financer et les échéances arrivant à maturité en 2025 à faire rouler, Bercy va devoir trouver jusqu’à 340 milliards d’euros. Selon Natixis, nous serons cette année le plus gros emprunteur de la zone euro.
Nous argentiers espèrent que les prêteurs accepteront de nous confier, sur les douze prochains mois, l’équivalent de 15% de notre PIB annuel. Ils s’abritent derrière la baisse des taux directeurs de la BCE et le fait que les placements soient habituellement sur-souscrits pour présenter ces placements d’ampleur inouïe comme de simples événements comptables.
Or l’année 2025 s’ouvre dans un contexte obligataire particulièrement défavorable pour notre pays, au point qu’un échec des placements obligataires ne soit plus à exclure.
Quand Bercy doit faire cavalier seul
L’insolvabilité intrinsèque de la France n’est désormais plus un tabou.
Les révisions à la baisse de l’évaluation de notre signature par les agences de notation n’ont été que la formalisation d’une situation connue de tous : notre pays ne pourra jamais rembourser sa dette à sa valeur réelle de souscription. Soit il fera défaut, soit il remboursera en monnaie de signe. Dans l’intervalle, il sera condamné à utiliser le système pyramidal pour rembourser les anciens créanciers avec l’argent des nouveaux.
Contrairement aux particuliers pour qui cette pratique est répréhensible et sévèrement punie, Bercy peut s’y adonner en toute impunité… mais encore lui faut-il trouver des acheteurs, en nombre suffisant. Comme tout système de Ponzi, le placement de la dette française ne fonctionnera que tant qu’il se trouvera des investisseurs ayant la volonté et la possibilité d’absorber ce flux de dette.
Non seulement ce montant record est loin d’être négligeable dans l’absolu (il représente plus de 5% de la taille du bilan de la BCE), mais il devra en plus être placé dans un contexte où notre banque centrale abandonne le rôle d’acheteuse de dette de dernier recours qu’elle tenait depuis 15 ans.
La BCE arrête la planche à billet au 1er janvier
Cette fois-ci, c’est la bonne.
Près de 10 ans après avoir lancé le programme géant de monétisation de la dette européenne, suivi d’un plan d’urgence d’achat d’actifs durant la pandémie, la BCE a cessé d’acheter de nouvelles obligations d’Etat le 1er janvier 2025.
Le programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, ou APP) avait été lancé en mars 2015. Justifiée par une inflation « pas assez importante », cette impression monétaire avait fait bondir le bilan de l’institution européenne de 2 000 milliards à 4 600 milliards d’euros en cinq ans.
Alors que son bilan devait être apuré à partir de 2020, la pandémie a été l’occasion parfaite pour faire redémarrer les rotatives, sous le nom cette fois-ci de « programme d’achat urgence pandémie » (PEPP).
La conjonction des deux mécanismes a porté le bilan de la BCE à plus de 8 800 milliards d’euros durant l’été 2022, date à laquelle ni la lutte contre la déflation, ni l’urgence pandémique n’avaient plus de sens.
La banque centrale a alors cessé d’acheter massivement des actifs, et s’est contentée de réinvestir progressivement les remboursements d’obligations arrivées à échéance. Ce retour à une relative orthodoxie budgétaire a permis de dégonfler le bilan de plus de 2 500 milliards d’euros – en phase avec les volontés déflationnistes de Francfort depuis deux ans.
Cette année, et pour la première fois depuis 2015, la France ne pourra plus compter sur les achats de dernière chance de la BCE pour placer sa dette, alors même qu’elle était avec l’Italie parmi les plus grandes bénéficiaires de ce mécanisme.
Pire encore, Francfort ne semble pas vouloir intervenir pour réduire le spread entre la France et l’Allemagne. Cet écart dans les taux d’intérêt, qui représente la prime de risque exigée par les prêteurs pour confier leur argent à Paris plutôt qu’à Berlin, s’envole depuis 2021. Alors qu’il était encore sous les 50 points de base avant la dissolution de l’Assemblée nationale, il s’établissait à plus de 85 points le 2 janvier 2025. Il n’est plus qu’à 50 points de base du record atteint au coeur de la crise financière de 2012.
Pour la BCE, cette prime de risque n’est pas encore en territoire excessif. Elle ne justifie donc pas d’intervention tant que la France n’est pas la cible d’attaques spéculatives sur sa dette.
Quelle que soit l’évolution du coût de l’argent en Europe, nous emprunterons cette année plus, et plus cher que nos voisins.
Avec un placement de dette obligataire représentant, cette année, trois fois le montant prélevé par Bercy au titre de l’impôt sur le revenu en 2023, difficile de considérer que la France est toujours un emprunteur sans risque. La théorie optimiste qui veut qu’un Etat soit toujours solvable du fait de la possibilité de lever l’impôt en dernier recours se heurte à la réalité des chiffres.
Pour la première fois depuis 10 ans, la France marche sur la corde raide sans le filet de sécurité de la BCE. La secousse sur le marché de la dette en 2022 pourrait n’être qu’un échauffement.
Si vous êtes exposé à la dette française, notamment par le biais d’assurances-vie en euro, gardez à l’esprit que la solvabilité du pays et la solidité de sa signature sont au plus bas cette année. Et, cette fois-ci, personne ne nous viendra en aide en cas de besoin.
2 commentaires
Le piège se referme. Décidemment l’euro est plus efficace que les chenilles des panzers. La France sera bientôt échec et mat…discrètement, pas de révolution et pas de guillotine. On finirait par ressentir de la compassion pour Robespierre devant autant de traitrise. Et mort aux cons qui ont voté Macron…la deuxième fois.
Merci aux castors qui ont fait barrage ! Barrage au fascisme ? Mais il était déjà installé à l’Elysée depuis 2017 avec Macron. Maintenant, pire sont les choses… Il n’y aura pas de barrage possible à la dégradation de la note de la France, ce qu’on peut lire entre les lignes de cet article.
Nous avons sans doute échappé à une hausse de la TVA (qui intervient toujours un 1er Janvier) pour 2025 après la chute du gouvernement Barnier. Mais en 2026, on va y avoir droit d’autant plus qu’il y aura de plus en plus de contribuables non-imposables – les autres étant partis ou bien ayant organisé leur non-imposabilité, comme c’est mon cas. J’espère aussi avoir quitté la France en 2025 (suis en attente de visas…) L’effet Laffer va jouer à plein, il n’y aura pas grand chose à attendre de l’imposition.
Il ne restera plus qu’une solution alors : que ceux qui nous dirigent se mettent enfin à serrer leur propre ceinture ! Et qu’une politique à la Milei d’Argentine soit mise en place. Mais bon, ne rêvons pas trop, la France est encore trop bonne fille, hein ?!
Des pistes d’économie : Sécession hors de l’UE. Arrêt des aides diverses et variées à des pays étrangers (ça inclut l’Ukraine au premier chef). Départ de l’OTAN. Retour au franc. Mesures protectionnistes. Suppression du mille-feuille administratif (régions et intercommunalités). Rétablissement du Circuit du Trésor. On arrête de donner de l’argent et/ou de prendre en charge des gens qui sont entrés illégalement sur notre territoire. On peut aussi réserver les aides sociales aux Français – comme cela se fait dans la vaste majorité des pays qui n’accordent d’aides sociales qu’à leurs ressortissants. Fin aussi des cadeaux fiscaux aux très grandes entreprises. Audit de la dette et de la dépense publique. Fin des agences, conseils et administrations qui sont totalement inutiles et qui ne servent qu’à caser des copains des politiques. Ca pourrait faire un bon début, la liste n’est pas exhaustive.