Est-ce que les « vieilles » valeurs sont mortes ? Sommes-nous vraiment dans une « nouvelle ère » ? Ou bien est-ce que le réveil sera difficile ?
Il y a deux côtés à ce débat. D’un côté se trouvent les vieux croûtons solitaires et marginalisés – comme votre correspondant – qui pensent que la race humaine est encore sujette au péché et à l’erreur… et que chaque génération a ses caprices et ses folies, qu’elle confond avec des vérités éternelles.
(Nous nous sentons le droit de parler au nom de ce groupe dans la mesure où la majorité de ses autres constituants sont soit en train de faire la manche dans les bas quartiers de Manhattan, soit confinés dans des asiles psychiatriques…)
De l’autre côté, eh bien, on trouve des Prix Nobel… des éditorialistes du New York Times… de futurs perfectionnistes… des rêveurs, des comploteurs et à peu près tous les autres. Ils pensent que nous sommes entrés dans une glorieuse Nouvelle ère où il n’est plus besoin d’argent honnête, de marchés libres ou de budgets équilibrés.
Une escroquerie géante
A la Chronique, nous pensons que personne ne devrait manipuler les taux d’intérêt. Pas plus que les autorités ne devraient être autorisées à émettre de la fausse monnaie… ou à gérer l’économie de quelque manière que ce soit.
Nous pensons également que toute l’expérience financière commencée en 1971, dans le cadre de laquelle on a substitué de la fausse monnaie à la véritable devise adossée à l’or… et toutes les manipulations et gadgets de gestion économique mis en place depuis… se révéleront n’être rien de plus qu’une escroquerie géante.
Ce n’est pas tout. Nous pensons aussi que l’économie américaine fonce sur une longue autoroute perdue, tout droit vers l’enfer. Ni les merveilles technologiques de ces 20 dernières années ni celles à venir ne changeront significativement le résultat.
Attendez… nous n’avons pas terminé.
C’est la vitesse de ces miracles technologiques… et les innovations régulières d’une économie capitaliste… qui mènent des gens même raisonnables, sensés et intelligents à fantasmer sur le fait que les taux négatifs… et les gigantesques dettes… ont désormais « un sens ».
L’économiste Gale Pooley écrit :
« Les taux d’intérêt nominaux négatifs pourraient être parfaitement rationnels. »
Si c’est le cas… que coûte l’endettement ? Rien ? Non… le coût est négatif. En d’autres termes, pourquoi s’inquiéter de ce que vous deviez 40 000 Mds$ ? Dans un monde de taux négatifs, on vous paie pour emprunter. Plus vous empruntez, plus vous gagnez !
Ou, pour formuler les choses autrement… le risque de prêter de l’argent est plus grand que le risque de le conserver dans votre petite main tiède.
Attendez… vous pensez probablement : « ce n’est qu’une querelle théorique stérile de plus… qui se soucie de tout ça ? »
Mieux vaut ne pas aller dans cette direction. Parce que cela touche au cœur de ce qui est en train de se passer en ce moment même. Et cela préfigure soit un « Meilleur des Mondes » plein d’abondance… soit le même vieux monde d’ignorance et de méchanceté.
Complots à Wall Street
Alors reprenons là où nous en étions hier… avec le départ de Paul Volcker de la Réserve fédérale en 1987. Une fois son travail accompli et l’inflation domptée, Ronald Reagan l’a remplacé par Alan Greenspan à la tête de la Fed. Quelques mois plus tard seulement, le marché s’effondrait.
Greenspan aurait pu rester droit dans ses bottes, comme Volcker, et laisser les conséquences se produire sans intervenir. Il a préféré comploter avec l’industrie financière.
Greenspan a clairement laissé entendre que le président n’était pas le seul à avoir changé, à la Fed – la politique aussi était nouvelle.
Dorénavant, les corrections boursières seraient interdites. La Fed lutterait contre chacune d’entre elles avec des baisses de taux. Ensuite, lorsque cela ne suffirait plus, elle sortirait l’artillerie lourde – l’assouplissement quantitatif… et désormais la folie repo.
Tel est l’état actuel de la politique monétaire américaine. C’est « l’inflation ou la mort ».
Plus les autorités injectent dans l’économie de la fausse monnaie prêtée à des taux factices, plus l’économie a besoin de fausse monnaie et de taux factices rien que pour continuer sa route.
C’est pour cela que la Fed a inondé le marché repo (celui de la finance spéculative à très court terme) avec au moins 200 Mds$ de fonds tout frais depuis la mi-septembre.
De l’inflation dans l’économie réelle
Nous rappelons aux lecteurs que « l’inflation » fait allusion à une augmentation de la masse monétaire. Elle peut se répercuter aux prix à la consommation – ou pas.
Ces 40 dernières années, par exemple, elle est principalement allée dans les prix des actions et des obligations.
Prenez le Dow Jones. Il a été multiplié par 27 environ, rendant les riches – qui possèdent plus de 80% du marché – encore plus riches.
Si nous avons raison, « l’inflation » va se poursuivre… et finira par se propager de l’industrie financière à l’économie réelle.
Ensuite, les ménages ordinaires seront confrontés non seulement à une baisse des revenus… mais à une hausse des prix à la consommation.
Un débat enflammé
Donald a déjà augmenté les dépenses (c’est inflationniste) plus que tout autre président ces 50 dernières années. Ses déficits sont approximativement deux fois plus élevés que ceux de Bush ou Obama (c’est inflationniste). Il insiste pour qu’on baisse les taux (c’est inflationniste). Il encourage les guerres et barrières commerciales (c’est inflationniste). Il affirme qu’il veut une nouvelle baisse d’impôts (c’est inflationniste).
Les démocrates ne valent pas mieux. Certaines estimations du programme de santé d’Elizabeth Warren, Healthcare for All, par exemple, dépassent les 50 000 Mds$ sur les 10 prochaines années.
D’où proviendrait cet argent ? Il faudrait « l’imprimer ».
Ainsi, peu importe qui remportera la prochaine élection : on peut s’attendre à des taux d’intérêt super-bas (voire négatifs), des déficits super-élevés, des niveaux record de dette et un bilan de la Fed en augmentation (à mesure qu’ils gonflent la masse monétaire en achetant des obligations… et peut-être des actions… avec l’argent qu’ils ont créé dans ce seul but).
L’administration américaine prévoit que la dette nationale atteindra les 30 000 Mds$ d’ici la fin des années 2020. Nous sommes d’avis qu’on sera plutôt aux alentours des 40 000 Mds$.
Ce qui nous ramène à notre débat : meilleur des mondes… ou bien « Winter is coming » ?