Les Etats-Unis semblent pencher de plus en plus pour la confrontation – et la Chine n’est pas la seule concernée. Cela ne peut mener qu’à des accords gagnant-perdant, quoi qu’en dise Donald Trump.
Nous sommes assis à la terrasse d’un café du septième arrondissement de Paris. Le soleil brille. Les passants vont et viennent.
Aux tables voisines, des couples bavardent. Des collègues s’offrent une pause après le travail. Des étudiants fument une petite cigarette entre deux cours.
Il y a aussi des touristes, armés de cartes et de bouteilles d’eau, en pèlerinage à Notre-Dame de Paris, toute calcinée. Ils rapportent tant d’argent à la ville qu’il est devenu difficile de trouver un restaurant ne proposant pas de menu en anglais.
C’est le printemps à Paris.
« L’honnêteté » de Donald Trump
Mais revenons-en aux Etats-Unis…
Ce qu’il y a de bien avec Donald Trump, c’est qu’il est « honnête ». Même quand il ment. C’est une bête de scène pour qui la vérité et les mensonges sont plus ou moins la même chose. C’est le spectacle qui prévaut – l’audimat… la foule… les revenus bruts.
Pour qu’un spectacle trouve un vaste public, en politique comme dans le catch professionnel, le thème doit être simple : le bien contre le mal, le blanc contre le noir, eux contre nous. La vérité, les nuances et l’ambiguïté n’y ont pas leur place.
Creusez les chiffres, les théories et les détails… et le récit – le bien contre le mal – devient flou, boueux et compliqué. Pourquoi se donner cette peine ?
Nous avons noté la semaine dernière que même ceux qui se disent conservateurs ont renoncé à creuser. Ils sont désormais prêts à laisser les autorités leur dicter avec qui ils peuvent faire affaire ou non, et en quels termes.
Cela a été confirmé plus tard, quand des lecteurs nous ont écrit pour nous dire à quel point nous étions idiot de douter de notre président et de sa guerre commerciale contre la Chine. Nombre d’entre eux croient encore que le président américain peut – par simple décret – améliorer leur sort.
Il empêchera les Chinois de « voler nos emplois », disent certains. Il les empêchera aussi de « nous piquer notre technologie », disent d’autres. « Nous allons faire payer les Chinois », dit le président lui-même.
Son conseiller économique n’a tout de même pas tout à fait pu avaler cette dernière couleuvre. « Les deux côtés paieront », a admis Larry Kudlow.
En matière de « eux contre nous », d’ailleurs, les Chinois en ont à revendre. « Négocier, sans problème ! Se battre, quand vous voulez ! Nous dicter notre conduite, vous pouvez toujours rêver ! », ont répondu les médias nationalisés.
Les Chinois, eux aussi, n’ont aucun doute du côté où se trouve le mal… et ils sont prêts à payer cher pour la cause du « nous ».
« Je peux manger de l’herbe toute une année », a écrit un patriote répondant présent à l’appel des autorités chinoises.
Une vraie guerre
Mais nous ne sommes pas là pour gagner un débat avec nos lecteurs ; nous ne faisons qu’essayer de relier les points.
A notre connaissance, il n’existe aucun cas de figure, dans l’histoire de l’humanité, où le sort des gens a été amélioré par simple proclamation gouvernementale – y compris celles restreignant le commerce – à moins qu’elle n’élimine de précédents obstacles (comme la fin de la Prohibition aux Etats-Unis, par exemple).
Il y a une exception possible – et elle est révélatrice : lorsqu’on se prépare à une guerre réelle. Il peut alors être sensé, au moins pour le gouvernement, de priver l’ennemi de ressources.
C’est ce que l’administration Roosevelt a fait durant les phases préparatoires à l’entrée des Etats-Unis dans la Deuxième guerre mondiale.
Le Japon cherchait à maintenir des relations cordiales avec les Etats-Unis, mais Roosevelt l’a privé de pétrole et autres produits essentiels. Cela a poussé le pays, dans les faits, à commettre une erreur catastrophique : attaquer Pearl Harbor.
Un jeu à somme nulle
A présent, disent les partisans des taxes douanières, la Chine fait la guerre aux Etats-Unis.
La guerre est toujours un jeu à somme nulle. On ne gagne qu’en faisant perdre l’autre. On lui prend quelque chose – la vie, la liberté ou la propriété –, ou il vous le prend.
Il n’y a pas d’issue positive, du moins pas dans un sens économique. La somme nette est toujours profondément négative, des usines, des fermes, du carburant, des maisons, des ports et des personnes étant détruits.
Ainsi, si l’on veut que les gens prospèrent… qu’ils obtiennent ce qu’ils veulent… qu’ils profitent de la paix et de la prospérité économique… l’on doit éviter des jeux à somme négative, gagnant-perdant.
On veut que les autorités reculent… pour que les accord gagnant-gagnant entre adultes consentants puissent prendre place.
Pourtant, les Etats-Unis semblent pencher de plus en plus vers le gagnant-perdant, la confrontation… et la guerre. Sur leur territoire. Et à l’étranger.
La Chine fournit aux Américains des produits bon marché depuis près de 40 ans… alors que les barrières commerciales baissent progressivement. Soudain, le commerce avec la Chine est inacceptable… et partout dans le monde, les Etats-Unis jouent des coudes.
Foreign Policy rapporte :
« Dans une nouvelle hausse des tensions transatlantiques, les navires européens impliqués dans la construction d’un pipeline de gaz controversé, allant de la Russie à l’Allemagne, pourraient être soumis à des sanctions américaines selon une nouvelle loi bipartisane qui sera présentée au Sénat US dès lundi ».
Jusqu’alors, l’Allemagne pouvait décider par elle-même où elle achèterait son carburant. Qu’est-ce qui a changé ? Est-ce encore Trump qui « fait du Trump » ? Non.
Foreign Policy à nouveau :
« Si Trump s’est heurté aux démocrates comme aux républicains sur la gestion des relations avec la Russie, il y a à Washington une considérable opposition bipartisane au projet Nord Stream 2 ».
La loi est parrainée par Ted Cruz, qui se dit « conservateur ». Il n’y a rien de conservateur à tenter de dire à un allié à qui il devrait acheter son carburant.
Alors que se passe-t-il ? Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?