La crise de 2008 n’est pas celle que l’on croit – et surtout, elle n’a jamais été résolue. Aujourd’hui, elle menace de réapparaître, encore plus virulente…
La crise de 2008 n’a jamais été une crise des subprime.
Je déjeunais en ce mois de septembre 2008 avec le patron/propriétaire du plus grand groupe de courtage et d’intermédiation européen entre les institutions financières et les traders sur les marchés financiers, P.C. de CFT.
D’un seul coup P.C., alerté par un appel téléphonique, s’est levé de table et précipité : « tout se bloque sur le Libor, c’est la catastrophe », m’a-t-il lancé. Il est quand même revenu finir le déjeuner et m’exposer la situation.
La crise de 2008 est une crise du shadow banking, une crise de la tuyauterie profonde du système financier : elle s’est colmatée, les flux se sont arrêtés. C’est une crise dont on n’a jamais voulu faire le diagnostic public parce que si on l’avait fait, on aurait su que le mal était profond et surtout que l’on ne savait pas comment le soigner.
Nous vivons sur le volcan de cette crise qui se réveille de temps à autre, mais même quand elle ne fait que couver, elle s’aggrave.
L’ogre dans le volcan
Si vous ne comprenez pas, si vous n’admettez pas cette réalité que la crise est là, toujours là, et qu’elle ne fait que semblant de sommeiller, alors vous ne pouvez comprendre la situation – pas plus que vous ne pouvez comprendre les actions et réactions des autorités, car elles, elles savent mais ne peuvent rien dire.
C’est parce qu’il y a la crise qu’il faut sans cesse alimenter l’ogre qui habite le volcan. Et c’est parce qu’on ne peut révéler qu’il y a un ogre là-bas quelque part, dans les souterrains, que les actions des banques centrales semblent incohérentes voire criminelles.
On a fait passer la crise de 2008 pour ce qu’elle n’était pas, c’est-à-dire circonstancielle – alors qu’elle est fondamentale, structurelle, liée à l’architecture défaillante, déficiente du système et en particulier de l’eurodollar.
Le grand secret de la finance, c’est que la vraie monnaie centrale, la pierre angulaire, ce n’est pas le dollar, mais le « dollar », le dollar hors des Etats-Unis, celui que l’on connaît partiellement sous le nom d’eurodollar. Le système de l’eurodollar s’est grippé parce qu’il est enclin à se gripper, structurellement.
Le vice du système
Le vice du système c’est donc le « dollar » et sa dépendance à l’égard ce que l’on appelle les collatéraux pour obtenir de la liquidité en dollars, les titres de la dette américaine.
L’année dernière, une nouvelle crise financière a éclaté. Elle est devenue publique en mars mais en fait elle couvait depuis la fin de l’année précédente. Bien entendu, pour le public et ses médias, tout cela semblé être un grand mystère ; souvenez-vous des imbécilités qui ont été écrites sur la crise dite des repos !
Elle a été facilement surmontée par la combinaison des sauvetages à 13 chiffres de la Fed et du gouvernement fédéral américain. On a tout lâché, les liquidités, le crédit, les garanties, les cadeaux en veux-tu en voilà. On a noyé le système – y compris avec des swaps de dollars aux étrangers.
On a surréagi de peur qu’il n’y en ait pas assez. C’est l’opacité et l’ignorance qui obligent aux surréactions.
Quelles qu’en soient les conséquences négatives, le sauvetage a masqué avec succès le gouffre qui s’était à nouveau creusé sous les pieds, sous la surface de la finance. Beaucoup de gens ont acquis la conviction que non seulement tout risque était écarté pour le présent mais qu’il était également écarté pour l’avenir : on savait comment traiter ces menaces avec succès.
Les mouvements de prix sur l’or – indexés sur les risques de dislocation – retracent assez bien l’évolution des convictions des gros acteurs : quand ils ont cessé d’avoir peur, l’or s’est calmé.
Ce que le public bien sûr n’a pas compris puisqu’il ignore ce qui se passe dans les sous-sols de la finance.
Les interventions combinées, y compris en dehors des Etats-Unis, ont évité la révulsion.
Les liquidités et la logique ont fait le reste : une envolée boursière, une explosion de l’appétit spéculatif.
A suivre…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]