Les cadeaux faits par les banques contribuent à déséquilibrer et fausser toujours plus les marchés… jusqu’au zéro.
Nous sommes à nouveau dans le vif du sujet. De quel sujet ?
De la crise, bien sûr !
Douze ans après l’introduction des remèdes non-conventionnels, des remèdes aventureux et spoliateurs pour le public, on constate une nouvelle rechute. La récession est à nos portes.
Déjà, ce que l’on appelle la normalisation des politiques monétaires est terminée… déjà on prépare l’arsenal… et déjà les marchés se frottent les mains : les cadeaux tombés du ciel arrivent.
Vive les crises, disent les ultra-riches : on s’enrichit.
Depuis décembre 2018, le monde de la finance anticipe fortement les bontés des autorités monétaires.
Dans les journaux on peut lire que les banques centrales vont à nouveau assouplir leur politique monétaire. Elles vont, si on les croit, injecter de l’argent dans les économies.
Si vous avez lu mes derniers éditoriaux, vous savez que tout cela est faux. Les banques centrales n’injectent rien dans l’économie ; si elles injectent quelque chose, c’est dans la sphère quasi-autonome de la finance… ou dans l’imaginaire financier.
Une idée fausse
On entend parler d’impression monétaire : c’est une idée fausse – ou, quelques fois, une commodité de langage, mais elle induit en erreur.
L’assouplissement monétaire par achats de titres à long terme, ou QE, est en réalité un simple échange d’actifs.
La Fed achète au grand public des titres du Trésor US et les remplace/paie par des réserves de monnaie et des réserves bancaires, de la monnaie de base.
Celui qui reçoit cette monnaie de base doit la conserver jusqu’à ce que la Fed vende ses obligations et retire l’argent du circuit.
Comme le dit Bernanke cyniquement, tous les actifs financiers émis doivent être détenus par quelqu’un jusqu’à ce qu’ils soient retirés du portefeuille mondial. N’oubliez pas que la monnaie est un actif financier – un actif financier à maturité zéro et à rendement nul.
La politique monétaire consiste à modifier la composition du portefeuille d’obligations du gouvernement vis-à-vis du public.
Politique monétaire et argent zombie
Seule la politique budgétaire – les déficits – modifie le montant total de ces obligations. Les déficits injectent en effet du pouvoir d’achat dans le circuit économique, c’est de l’argent vivant.
La politique monétaire, c’est de l’argent mort, zombie – une ombre en quelque sorte.
L’argent de base que la banque centrale crée pour payer ses achats de titres du gouvernement ne rapporte aucun intérêt. Les QE forcent les gens à détenir de l’argent de base qui ne rapporte rien ; c’est un gavage.
Imaginez le gavage des oies pour le foie gras. Que se passe-t-il ?
Il se passe que les gens recevant cet argent qui ne rapporte rien chassent les alternatives, les emplois qui sont rémunérés.
Cela crée une quête de rendement, une concurrence entre les employeurs de capitaux – concurrence qui produit la hausse des prix des actifs financiers et donc la baisse de tous les rendements.
Une sorte d’entonnoir est ainsi formé qui dirige l’argent vers les marchés financiers.
On a atteint le zéro
Ceci fonctionne jusqu’à ce que les marchés rapportent zéro.
Qu’est-ce que cela veut dire, rapporter zéro ? Cela signifie que dans le prix d’achat de l’actif financier est déjà contenu tout ce que le titre peut rapporter à l’avenir.
Celui qui achète… a payé tout ce qu’il doit recevoir !
Imaginez que vous achetez un bien immobilier pour le louer. Si vous l’achetez 100 et que c’est le vrai prix raisonnable, celui où vous allez avoir un rendement normal de 3%, année après année, vous allez avoir un rendement de 3% de votre investissement.
Mais si vous payez votre bien immobilier beaucoup trop cher, mettons 300, vous vous faites rouler : le loyer que vous allez recevoir ne va plus représenter 3% de votre acquisition, il va représenter 1% de votre investissement.
Si vous le payez encore plus cher, il finira par représenter presque zéro ! Et vous serez bien heureux de le revendre au même prix que celui où vous l’avez acheté.
En Bourse, c’est la même chose : si vous payez trop cher, vous anticipez en quelque sorte sur le rendement futur – c’est-à-dire que ce que vous deviez toucher à l’avenir est inclus dans le prix. Vous faites une mauvaise affaire.
Le présent vole en quelque sorte le futur.