Alors que la Fed a relevé ses taux d’intérêt pour juguler l’inflation, les marchés financiers ont défié toutes les attentes en poursuivant leur ascension. Comment expliquer ce paradoxe ?
« Dans un monde rempli d’une véritable incertitude – où le temps historique réel règne en maître – les probabilités qui ont régi le passé ne sont pas celles qui régiront l’avenir. » – Lars Syll
Que se passerait-il si les 100 000 milliards de dollars d’actifs dans le monde entier, non soutenus par une production réelle, disparaissaient soudainement ? Qu’adviendrait-t-il alors de notre grand gain ? Laissons cette question de côté, telle une pizza que nous n’aurions pas terminée ; nous la réchaufferons plus tard.
Tout d’abord, nous allons voir pourquoi la « vue d’ensemble » peut être trompeuse.
L’une des anomalies concernant les prix des actifs actuels est que les cours des actions ont augmenté, alors même que la Fed resserrait sa politique monétaire. La Fed a commencé à lutter contre l’inflation en 2022. Elle a relevé régulièrement ses taux pendant les deux années suivantes… jusqu’en juillet 2024.
Mais au lieu de succomber docilement aux taux d’intérêt plus élevés de la Fed, le Dow Jones a atteint un plus bas de moins de 30 000 points en septembre 2022, puis a augmenté de 14 000 points au cours des deux années suivantes. Personne ne s’attendait à cela – pas même nous. Aucun analyste que nous connaissons ne l’a vu venir.
Leur logique (qui était aussi la nôtre) était pourtant irréfutable.
La Fed avait fait grimper les cours des actions, en réduisant les taux d’intérêt à des seuils proches de zéro. Mais maintenant que l’inflation est en marche, la Fed a dû relever les taux pour la combattre ; elle ne peut pas sauver un marché en chute libre, de peur d’aggraver la situation.
Mais quiconque pense que l’économie est une science doit avoir un doctorat ou un fonds spéculatif à promouvoir. Le reste d’entre nous sait qu’elle s’apparente à du vaudouisme. Le nombre d’intrants est toujours infini, les causes et les effets ne sont jamais clairs et les résultats des tests sont impossibles à reproduire. C’est pourquoi la planification centrale échoue toujours… et le fait d’investir en s’appuyant sur la macroéconomie est si risqué.
« L’Histoire ne montre aucune corrélation claire entre la prospérité réelle et les statistiques macroéconomiques », a écrit Reuven Brenner.
Il n’est jamais possible d’avoir une véritable vue d’ensemble. Il faut se contenter de statistiques, telles que la croissance du PIB, le chômage et l’inflation, qui sont censées la décrire. Mais elles sont souvent plus trompeuses que la réalité.
Les chiffres du PIB considèrent les dépenses publiques comme une « production ». Or, plus le gouvernement consomme de ressources, moins il y a de richesses réelles (de biens et des services de valeur) à la disposition de tous les autres.
Les chiffres du chômage sont tout aussi trompeurs. Ils comptabilisent toutes les personnes ayant un emploi comme « employées », qu’elles travaillent 20 heures ou 60 heures, qu’elles gagnent le salaire minimum ou un million de dollars. La baisse du chômage ne signifie pas que les gens sont mieux lotis ; après tout, l’Union soviétique connaissait le plein emploi.
Et l’inflation ? Les statisticiens ne se contentent pas d’additionner les prix à l’épicerie, ou les dernières ventes immobilières. Ils créent des « modèles » qui ajustent les prix en fonction de leurs propres théories farfelues. Si vous achetez un ordinateur cette année, qui est plus performant que celui de l’année dernière, par exemple, ils vous diront que son prix a baissé, alors que vous l’avez payé plus cher.
Les statistiques sont toujours inventées, transformées et largement fictives. Et les théories – la courbe de Phillips, le modèle de la Fed, le keynésianisme, le marxisme, la théorie monétaire moderne – sont toujours maladroites.
Mais notre triste mission est d’essayer de relier les points entre eux et de comprendre ce qui se passe réellement. Pourquoi les prix des actions ont-ils augmenté, par exemple, alors même que la Fed relevait ses taux d’intérêt ?
Les fonds fédéraux ne sont pas la seule source de « liquidités » permettant de faire flotter les prix des actifs à la hausse. Et comme nous l’avons suggéré, lorsque les marchés s’emballent, ils dégagent une vapeur qui provoque un comportement encore plus étourdissant. Les crypto-monnaies valent aujourd’hui 3 300 Mds$. Le marché boursier, dans son ensemble, vaut 55 000 Mds$. La valeur moyenne d’une maison est de 420 000 $.
Supposons que vous ayez payé la maison 200 000 $ il y a dix ans. Aujourd’hui, vous disposez de 220 000 $. La maison est peut-être exactement la même. Mais vous pouvez désormais emprunter beaucoup plus d’argent. Vous avez accès à davantage de « liquidités ». Et vous pourriez l’utiliser pour parier sur Nvidia, ou TRUMP, ou un immeuble d’habitation au bout de la rue. Après tout, elles sont en hausse !
La valeur des actions a augmenté de près de 50% depuis le creux de septembre 2022, soit un total d’environ 17 000 Mds$. Pourtant, la production réelle (PIB) n’a progressé que de 2,2%.
Et la masse monétaire M2 (voir ci-dessus) a également augmenté. Elle a atteint un sommet de 21,7 billions de dollars peu après que la Fed a commencé à resserrer sa politique. Par la suite, elle a perdu un billion de dollars, tombant à un plus bas de 20,7 billions de dollars un an plus tard.
Elle a ensuite augmenté, alors même que la Fed continuait à relever ses taux, pendant 18 mois supplémentaires.
Qu’est-ce qui a fait augmenter la masse monétaire ? Pourquoi les actions ont-elles augmenté ? Pourquoi les investisseurs sont-ils devenus fous de l’IA ? Un afflux d’argent en provenance de l’étranger, désireux de profiter des taux d’intérêt plus élevés de la Fed ? L’effet Trump ?
Ou bien l’élan de la plus grosse bulle de l’Histoire ?
1 commentaire
Les indices « hédonistes » que vous évoquez au sujet de l’informatique sont un moyen pour minorer les revenus indexés sur l’indice des prix à la consommation : le salarié doit demander et obtenir une « augmentation individuelle » pour ne pas s’appauvrir , or nombreux sont ceux qui n’osent rien demander à leur employeur…ou qui n’ont pas un « merit review » suffisant.
En ce sens la déflation et les gains réels de productivité profitent à tous : le pouvoir d’achat s’améliore sans avoir à obtenir une rallonge salariale.