Les mesures de relance se multiplient partout dans le monde, mais les montants sont minimes par rapport à l’ampleur de la crise. Le système, déjà ultra-fragile, y survivra-t-il ?
La crise de raréfaction du dollar, dont nous avons commencé à parler hier, est la plus grave ; elle est plus grave que la crise bancaire.
On parle d’une nouvelle forme de crise mais sans bien la comprendre : la crise des changes, la crise de la raréfaction du dollar, la crise du financement en dollar.
Les facilités de swap de la Réserve fédérale, qui permettent de prêter des dollars aux pays exsangues, ont été élargies… mais elles ne sont pas à la hauteur du problème. On est dans le structurel, pas dans le conjoncturel.
Et puis les montants sont colossaux puisque qu’ils sont par dizaines de milliers de milliards, face à un système bancaire mondial cloué dans le risk-off et qui a perdu ses capacités bilancielles. Face à un problème qui se chiffre par milliers de milliards, les remèdes ne sont que par milliards.
Ces mesures ont pour l’instant simplement permis d’arrêter l’effondrement mondial. Ses effets se révèleront éphémères.
Regain d’espoir et illusion
Que la Chine semble avoir pris le dessus sur le virus a donné de l’espoir. Les efforts agressifs de Pékin pour renforcer ses marchés et redémarrer son économie soutiennent la vision constructive/optimiste de la Chine tirant les économies et les marchés émergents hors du gouffre.
Mais c’est certainement une illusion.
Avec les conditions de pandémie qui se détériorent rapidement dans le monde, on va assister à un choc en retour : les émergents vont pousser la Chine, vacillante et fragile, vers le précipice.
L’économie chinoise est aujourd’hui extrêmement vulnérable à l’effondrement de la demande, tant au niveau national qu’international.
Son système bancaire de 40 000 Mds$ est un accident en attente de se produire. Avec des réserves chinoises à 4 000 Mds$ et des actifs totaux du système bancaire se montant à 26 900 Mds$, les réserves représentaient environ 15% des actifs bancaires à la mi-2014. Aujourd’hui, avec des réserves à 3 100 Mds$ et des actifs bancaires à 41 700 Mds$, ce ratio a été réduit de moitié à 7,4%.
La deuxième priorité est de sauver les entreprises, surtout les grosses
Les gouvernements ont annoncé des garanties de prêts et des subventions aux entreprises pour des montants jamais vus auparavant.
Globalement, il semble que les gouvernements ont annoncé des plans de relance budgétaire d’environ 4% du PIB et de 5% du PIB en garanties de crédit et de prêt au secteur productif. Pendant la Grande récession, les renflouements budgétaires n’ont représenté que 2% du PIB mondial.
Sur le « paquet » de 2 000 Mds$ accepté par le Congrès américain, les deux tiers seront attribués en cash et en prêts qui ne seront peut-être pas remboursés aux grandes entreprises (agences de voyage, compagnies aériennes, etc.) et aux petites entreprises.
Un tiers servira à aider les millions de travailleurs et de travailleurs indépendants à survivre grâce à des versements en liquide et à des reports d’impôt.
Difficile arbitrage
C’est la même chose au Royaume-Uni et en Europe, avec les mêmes priorités : sauver les entreprises, et ensuite aider la masse les salariés. L’arbitrage en faveur des entreprises est difficile à assumer. Les gouvernements ont bien du mal à comprendre eux-mêmes – et à faire comprendre – que les entreprises sont les machines à distribuer les revenus futurs.
Les paiements pour les travailleurs licenciés et les travailleurs indépendants ne devraient durer que peu de temps… et souvent, les gens ne recevront pas d’argent avant des semaines, voire des mois.
Ces mesures sont loin de fournir un soutien suffisant aux millions de personnes déjà bloquées ou qui vont voir leurs entreprises les licencier. Tout cela va peser considérablement sur le pouvoir d’achat, sur le moral et donc sur la demande future.
Même en supposant que les autorités puissent se ressaisir, rattraper leur retard et mieux apprécier la gravité de la situation, je suis persuadé que les tissus sociaux, déjà très mal en point, vont se déchirer. Ils sont trop fragiles, trop faibles pour résister à ces tensions sur le revenu national et à ces nouveaux chocs qui mettent directement en cause les gouvernements, les élites, les institutions – et, finalement, le système.
La grande vague de contestation du système soi-disant libéral qui se levait depuis de nombreux mois nous semble prendre de la hauteur. La demande pour plus de dirigisme et d‘étatisme va progresser considérablement alors que ce qui a fait faillite, partout, c’est… l’Etat !
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
1 commentaire
Ce n’est pas l’Etat qui fait faillite, ce sont les hommes portés au pouvoir qui sont partie prenante de la caste oligarchique des très grandes fortunes de ce monde, et qui tire les ficelles à son avantage.