▪ Le Nasdaq a commis lundi soir un irréparable faux pas ! L’indice a perdu 0,1%, mettant un terme à une série gagnante de huit séances consécutives, qui succédait à une autre série de… 8 séances consécutives de hausse (du 4 au 18 octobre). Et cette dernière faisait écho à une autre série de neuf séances consécutives de hausse, du 10 au 20 septembre.
Pour compenser cet impensable (inexcusable ?) accroc, le S&P a grimpé symétriquement de 0,1% : ouf, la tendance haussière était sauvée.
Au fait, savez-vous combien de fois le Nasdaq a terminé dans le rouge au mois d’octobre ? La réponse est quatre fois. Combien de fois a-t-il reculé de plus de 1% ? Deux : le 4/10 et le 19/10. Et si nous posons la même question concernant septembre ? La réponse est une seule fois, le 7 septembre.
Hem, cela fait une chance sur 15 de perdre 1% (trois replis de 1% ou plus en 45 séances). Autrement dit, une seule consolidation par période de trois semaines… Bizarre, non ?
Nous n’allons pas vous infliger la liste des statistiques médiocres ou pourries parues dans l’intervalle. Vous avez bien compris que le Nasdaq n’a jamais autant progressé que les jours où les chiffres américains étaient unanimement mauvais, assouplissement quantitatif oblige.
▪ Pour en revenir à l’infime pullback de -0,1% de lundi, il a fallu que les traders se battent pour maintenir le Nasdaq dans le rouge au cours de la dernière heure. Les programmateurs ont en effet tellement bien réglé la hausse de l’indice électronique depuis début septembre qu’une sorte de mouvement perpétuel à la hausse s’est instauré en dépit des incertitudes économiques considérables qu’affrontent les Etats-Unis.
Sans oublier le Foreclosure Gate ! Rappelons qu’il s’agit des dizaines de milliers de certificats d’hypothèque bidon que les banques se sont fait confectionner par des cabinets d’avocats marrons… Cela pour justifier des saisies consécutives à la validation de centaines de milliers de dossiers de crédit subprime ou "Alt-A" tout aussi bidon.
Mais s’il n’y avait pas eu au moins une petite correction indicielle lundi, une série de 10 hausses d’affilée aurait pour le coup pu apparaître suspecte. Comment justifier en effet un "10 sur 10" ? Les cours sont déjà gonflés à l’hélium depuis la mi-octobre, et nul ne connaît par avance les retombées du QE2 (deuxième vague d’assouplissement quantitatif, ou quantitative easing), dont le format potentiel semble pouvoir évoluer au gré des circonstances.
Aviez-vous jamais imaginé que des opérateurs pourraient un jour engager collectivement des milliards de dollars (constitués pour une large part de l’argent des contribuables) avec une simultanéité digne d’un défilé militaire nord-coréen ? Cela en prévision de la mise en oeuvre d’une stratégie dont les concepteurs ne connaissent ni le timing… ni les effets — favorables ou nuisibles — sur l’économie… ni les solutions de repli au cas où cela tournerait mal.
Il nous apparaît encore plus stupéfiant de constater que face à une incertitude absolue, les marchés affichent une confiance tout aussi absolue… du même type que celle observée lors du gonflement de la bulle des subprime !
▪ En fait, tout ce processus dément porte un nom : la fuite en avant. Et celle-ci présente pratiquement toutes les caractéristiques initiales de la campagne de Russie.
Napoléon avait misé l’essentiel de sa folle entreprise sur la supériorité de son artillerie dans le cadre d’une succession de chocs frontaux avec l’ennemi. Mais ce dernier, bien instruit par le déroulement des précédentes campagnes en Europe centrale, ne se hasarda jamais à dépasser le stade de l’escarmouche.
La puissante artillerie tonna en effet au cours des premières semaines en territoire moujik mais resta totalement inefficace par manque de cibles identifiables… Puis elle s’enlisa, faute de routes praticables, avant de se transformer en fardeau mortel lorsque sonna l’heure de la retraite. Des milliers de canons furent jetés dans la Bérézina afin qu’ils échappent aux troupes russes qui harcelaient les arrières et les flancs de la Grande Armée.
Son avant-garde ne rencontra jamais aucune résistance qu’elle ne pouvait anéantir en quelques salves d’artillerie. Napoléon perdit 80% de ses troupes et 90% de son matériel sans avoir perdu militairement une seule bataille décisive sur le terrain.
▪ L’hiver qui vainquit Napoléon porte aujourd’hui le nom de de-leveraging… et la Bérézina dans laquelle il noya ses canons s’appelle la déflation.
Wall Street continue pourtant de croire que son salut viendra d’une rivière de dollars. La preuve : après 72 heures de stagnation, la hausse des indices américains s’est alimentée d’une nouvelle rechute du billet vert puisque le Nasdaq (+1,1%) retraçait à mi-séance son zénith annuel des 2 535 points, tandis que le S&P (+1%) se rapprochait des 1 200.
Les cambistes semblent prendre les avertissements de Bill Gross (le CEO de PIMCO) au sérieux : si la Fed imprime 1 000 milliards de dollars d’ici fin 2011 comme Wall Street l’espère, le dollar perdra — d’après les estimations de Bill Gross — 20% face aux principales devises de réserve.
▪ Les Américains ont voté hier aux Etats-Unis pour le renouvellement de 100% des sièges de députés et de 34% des sièges de sénateurs. Les sondages demeuraient très favorables aux républicains, la grande inconnue demeurant l’influence réelle du Tea Party sur l’échiquier politique.
Si Wall Street a encore bien analysé la situation, la perte de majorité des démocrates à la Chambre des représentants US va aboutir au blocage de tout projet de réforme supplémentaire du système financier et de taxation des très hauts revenus et des bonus.
Même plus besoin de financer de coûteuses campagnes de lobbying pour dissuader le gouvernement ou le Congrès d’empêcher les brasseurs d’argent d’orchestrer une nouvelle catastrophe "bullesque" en utilisant l’argent gratuit de la Fed pour se livrer à de nouvelles orgies spéculatives, dans un contexte de laisser-faire total, sur fond de parfaite opacité.
Après avoir coulé le système financier américain, Wall Street se voit proposer un nouveau défi : achever de détruire le dollar et transformer les Etats-Unis en une sorte de Grèce puissance 10, la démocratie en moins… mais avec encore plus de super-bonus !