Trump se pense au top, d’autres pensent qu’il touche le fond.
Cette journée du 17 septembre nous permet de constater que Trump est bien au centre de l’actualité internationale, et les différents angles (j’en retiens quatre) n’augurent de lendemains qui chantent pour la poursuite de son mandat.
En visite d’État au Royaume-Uni, invité par le roi d’Angleterre, Donald et Melania Trump ont eu droit à un accueil fastueux, digne des couronnements des rois et reines de l’empire de la fin du XIXe siècle (avec carrosse royal, gardes royaux à pied et à cheval par centaines, en tenue de grand apparat, et fanfare retentissant jusque par-delà le « Channel » – le tout suivi par un dîner de gala rappelant le temps des Maharadjah et la munificence des réceptions de l’Empire des Indes).
Un tel déploiement de fastes ne manquera pas d’interpeller les sujets de sa Majesté, qui voient leur pays s’enfoncer dans une crise économique et budgétaire, puis désormais identitaire et sécuritaire. Cela signifie que le gouvernement britannique n’est plus capable d’assurer ses quatre missions régaliennes essentielles (stabilité monétaire, diplomatie, sécurité intérieure et justice), plus une cinquième, du point de vue américain : garantir la liberté d’expression de ses citoyens, ce que Trump n’a pas manqué de reprocher assez crûment à Keir Starmer.
Mais, en grand patron du monde libre pragmatique, il a accordé à son vassal d’outre-Manche des conditions préférentielles pour commercer avec les États-Unis. Alors le roi d’Angleterre et le chef du protocole ont dû considérer que ne pas avoir écopé d’une mise à l’amende de 500 milliards de dollars (Japon) et 600 milliards de dollars (Europe) valait bien un petit effort de quelques dizaines de millions de dollars pour en mettre plein la vue à Donald et le faire se sentir l’homme le plus important de la planète durant quelques heures.
Le plus important – mais le plus mal dégrossi, puisqu’il a osé défiler devant des troupes au garde-à-vous, en marchant six pas devant son hôte (gaffe protocolaire majeure), avant de le laisser s’engager le premier sur une estrade pour lui tapoter le dos comme s’il s’agissait d’un de ses anciens potes de rugby.
Personne – pas même le président des États-Unis d’Amérique – ne peut se permettre un contact physique non sollicité en public ou en privé avec le porteur de la couronne royale. (En public, il s’agit au mieux d’une poignée de main.) Et nul monarque britannique n’a jamais dérogé à la règle, qu’il s’agisse de George V, d’Élizabeth II ou de Charles III.
Pourtant, Trump s’est autorisé cette familiarité qui est – tout le monde le perçoit – un acte d’affirmation de sa supériorité bien plus qu’un geste amical, qui n’a évidemment pas lieu d’être puisque les deux hommes ne sont pas amis… et ne le deviendront probablement jamais.
Pour résumer, Trump s’est montré d’une grossière familiarité qui a choqué tous les commentateurs britanniques, et la plupart des sujets de sa Majesté.
Mais « POTUS » a encore davantage choqué le prince Bin Salmane d’Arabie Saoudite et l’émir du Qatar, le Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, en ne condamnant pas fermement le bombardement de bâtiments dans le centre de Doha par l’aviation israélienne, visant à éliminer des dirigeants du Hamas, sur ordre de Benjamin Netanyahu, lequel aurait juste « informé » la Maison-Blanche vingt minutes avant la frappe… Donald Trump n’aurait pas donné l’ordre de s’y opposer, alors que les États-Unis disposent au Qatar d’une des plus importantes bases aériennes du Golfe Persique dédiée à la surveillance de l’Iran.
Pire, la Maison-Blanche a observé un silence diplomatique de vingt minutes après la frappe israélienne, alors que les autorités du Qatar se demandaient si Netanyahu avait perdu la tête, ou qui diable avait bien pu autoriser cela (question légitime, alors que le secrétaire d’État Marco Rubio était justement en visite à Jérusalem pour réaffirmer le soutien des États-Unis à Israël).
Le Cheikh Al Thani – celui-là même qui a offert un 747 flambant neuf à Donald Trump au lendemain de son investiture – appelait dès le lundi 15 à prendre « des mesures concrètes » pour contrer la « soif de sang » du gouvernement israélien, et les dirigeants des pays du Golfe se sont réunis dans l’urgence pour évaluer la situation et arrêter une position commune : les sujets à discuter ne manquent pas.
Donald Trump s’est en effet vanté d’avoir « sécurisé » pour 5 000 milliards de dollars de commandes de la part des pays du Golfe auprès des États-Unis (des engagements qui s’étendent probablement sur une décennie, et dont son successeur, dans trois ans, deviendrait le bénéficiaire).
En guise d’excuses, Donald Trump invite Benjamin Netanyahu à la Maison-Blanche le 29 septembre prochain.
Tout dépend de la teneur de leurs échanges, mais si le message final est que les États-Unis réaffirment leur soutien inconditionnel à Israël, il ne serait pas étonnant que le téléphone de Vladimir Poutine se mette à sonner, à l’initiative des dirigeants des pays du Golfe auxquels Trump adresserait un fameux bras d’honneur, avec ce message : Israël a tous les droits, et vous, celui de faire profil bas.
Et puisqu’il est question de bras d’honneur, Xi Jinping vient d’en adresser un fameux à Donald Trump ce 17 mars : il interdit totalement, avec effet immédiat, l’achat de puces RTX et H-20 et des GPU de Nvidia aux entreprises technologiques chinoises (comme ByteDance/TikTok, Alibaba, Tencent, etc.).
Averti de l’interdiction d’exporter le GPU Blackwell (dernière génération), Jensen Huang, le P-DG de Nvidia, avait conçu ces puces « sur mesure » pour le marché chinois (c’est-à-dire bien moins performantes, mais la Chine se rattrape avec le nombre), et s’était même déplacé à Pékin en juillet dernier.
L’ordre qui vient de tomber de Pékin semble indiquer que la dernière génération de puces « made in China » (avec un mode de gravure révolutionnaire) n’a rien à envier aux puces NVIDIA. Les États-Unis pensaient que restreindre l’accès à la technologie américaine serait un coup dur pour la Chine, et qu’il lui faudrait une décennie pour être au niveau d’ASML, TSMC, Broadcom ou Nvidia. Mais Donald Trump aurait été mal renseigné sur l’état d’avancement des rivaux des leaders occidentaux.
Autrement dit, Nvidia perd gros, un marché que Wall Street espérait encore accessible moyennant quelques concessions de Donald Trump, et Xi Jinping semble lui démontrer que les États-Unis risquent de perdre la bataille de l’intelligence artificielle et des hautes technologies dédiées à la défense.
Enfin, il a également été indirectement question de Donald Trump lors de la conférence de presse de Jerome Powell : il a, comme prévu, annoncé une baisse de taux de 25 points à 4,25 % (le nouveau gouverneur Stephen Miran et Chris Waller voulaient 50 points), mais il n’a rien dévoilé des intentions des membres de la Fed pour les prochaines réunions, expliquant qu’il n’était pas possible de se prononcer sur la base des chiffres dont lui et ses collègues disposent actuellement (croissance anticipée à 1,6 % et inflation de +2,9 % à +3,4 % d’ici fin 2025).
Il évoque un fléchissement imminent de la consommation, car les « tarifs » vont progressivement contraindre la demande des ménages, même si, pour le moment, il observe que « les entreprises absorbent l’essentiel des surcoûts ».
Il juge, par ailleurs, que l’inflation demeure et demeurera pour quelques mois encore plus élevée que la Fed le souhaiterait (inflation revue à la hausse de +0,3 % à 2,6 % en 2026), et que le marché du travail ralentit et se dégradera encore, compte tenu d’un ralentissement dans l’immobilier.
Et Wall Street retient cette « petite phrase » qui semble synthétiser les conséquences dommageables de la politique de Donald Trump : « Il y a des risques dans les deux sens : il n’y a pas, à l’heure actuelle, de chemin facile pour la politique monétaire. » (Comprenez que le sentier est étroit entre combattre simultanément l’inflation et le risque de récession, dont Trump est responsable.)
Trump répliquera certainement qu’il n’y a rien de plus facile que de suivre ses directives et de baisser à fond les taux, quitte à envoyer le dollar en enfer.
Mais tous les interlocuteurs de Trump (Europe, Asie, Golfe Persique, Fed…) estiment qu’il touche le fond et devrait baisser d’un ton, sinon qu’il aille au diable !
5 commentaires
Quand Trump marche devant, il est mauvais. Quand Trump marche derrière il est mauvais aussi ! Et Biden … Il était toujours bon ? Plus ou moins…
Quand Trump marche devant, il est mauvais. Quand Trump marche derrière il est mauvais aussi ! Et Biden … Il était toujours bon ? Plus ou moins…
Il est vrai que Trump a choisi de plutôt soutenir Israël et de plutôt cesser la guerre contre la Russie.
Quelques dirigeants en Europe ont fait le choix contraire. Les peuples n’ont pas été consulté.
La gaffe est vôtre : lors du passage en revue des troupes par un chef d’État étranger, le protocole veut précisément qu’il marche devant le souverain anglais, qui lui délègue cet honneur pour la circonstance. Cette question avait déjà été « débunkée » lors de la dernière visite officielle du président français. Votre antitrumpisme devient pesant et tourne au règlement de comptes bonnerien en noir et blanc, alors qu’on aimerait revoir plus de nuances, de finesse d’analyse et de lucidité géopolitique. Non sans nostalgie, je me désabonne.
Et la tape dans le dos du roi, c’est prévu aussi par le protocole ?
Il est étrange de constater combien ce genre de futilités intéresse davantage le lecteur (et même le commentateur) moyen, que les enjeux géopolitiques, pourtant plus existentiels que jamais dans l’histoire de l’humanité. Continuez donc à focaliser sur des détails si cela vous amuse ou vous défoule, mais ne vous y trompez pas : les dirigeants, eux, savent tous ce qui est important ou non.