La répression financière fait rage, mais les autorités qui l’ont mise en place se trompent de raisonnement : gare aux conséquences.
« Répression financière » est le terme utilisé pour identifier une période de taux d’intérêt extrêmement bas et d’injections de liquidité constantes.
Cette politique a un impact très négatif sur les épargnants. L’objectif est d’obliger les citoyens à cesser d’épargner et à accroître la consommation et les investissements – d’où le terme répression.
Le comble de la répression financière correspond aux taux d’intérêt nominaux négatifs. Les défenseurs de cette pratique la justifient par l’argument selon lequel l’épargne serait trop importante et qu’il s’agit de forcer les agents économiques à dépenser.
C’est la fameuse thèse imbécile de Bernanke de l’excès d’épargne ; lequel Bernanke n’a rien compris au système capitaliste financiarisé, d’une part, et confond d’autre part un système fondé sur l’épargne avec un système fondé sur le crédit.
Le seul excès qu’il y a, c’est un excès de crédit et de dette !
Dette, saturation et profitabilité du système insuffisante sont les vrais problèmes… mais nos Gribouilles sont victimes de leur propre idéologie mystificatrice. Il ne faut surtout pas admettre que le profit est le vrai moteur caché du système, il faut faire croire que ce sont les besoins, les désirs et donc la demande !
Ah, les braves gens.
Le fond de la doctrine keynésienne
D’où le raisonnement issu des travaux de Keynes sur l’épargne, l’investissement, la préférence pour la liquidité, etc. Dans les années 1930, Keynes voulait sauver le capitalisme qu’il savait menacé par la déflation et le chômage ; il n’était pas un homme de progrès mais il admettait des entorses au système pour le sauver de ses contradictions internes…
Le raisonnement se résume à ceci :
Si le prix de l’argent est trop bas, les consommateurs préféreront dépenser et les entreprises utiliseront leurs excédents pour investir – même si leur rentabilité est médiocre.
Tel est le fond de la doctrine de Keynes et le fond de de celle de nos zozos banquiers centraux. Il faut remarquer que dans divers articles, Keynes avait reconnu que cela ne marchait pas.
En effet, rien ne se produit comme espéré. La mécanique de Keynes ne s’enclenche pas.
Rien ne prouve que les citoyens épargnent trop, ni que les entreprises n’investissent pas… ou même qu’elles en ont besoin.
De nombreux pays ont dépassé le seuil de saturation de la dette, avec plus de 320% du PIB de la dette publique et privée totale, selon le FMI.
Ainsi, la répression financière réalise le contraire de ce qu’elle a pour objectif de faire. Elle augmente la masse de dettes et augmente donc la saturation.
Le chasse-neige est coincé
Le boulet de la dette devient trop lourd à traîner. C’est le chasse-neige qui repousse la masse devant lui mais ne réussit plus à se frayer un chemin : pour servir la dette il faut du cash-flow, des revenus, mais la dette oblige à peser sur les revenus et donc elle pèse sur les cash-flows.
Nous sommes prisonniers d’une contradiction entre les flux et les stocks, le mort et le vif.
Lorsque les planificateurs centraux du système capitaliste financiarisé monopolistique d’Etat et de banques centrales réunies appliquent davantage de répression, les agents économiques décident d’être plus prudents encore qu’ils ne l’étaient avant ; ils veulent la sécurité dans le futur car ils ont peur.
Si l’on baisse par exemple la rémunération de vos économies, vous épargnez encore plus pour préserver votre sécurité future lors de votre retraite. Vous avez peur de rentrer dans la dépendance. C’est logique mais nos zozos ne comprennent pas cela.
Les citoyens perçoivent que le prix et la quantité de monnaie sont manipulés artificiellement et que la politique suivie n’est pas compatible avec la réalité de l’économie. Il y a une sorte de malaise, l’humeur est maussade.
Contrairement à ce que pensent les économistes keynésiens, une répression financière extrême conduit à des réactions encore plus prudentes de la part des agents économiques. Les préférences restent centrées sur la prudence face à une incertitude croissante.
Manque de confiance
Plus les élites et les autorités jouent de la peur, plus les gens deviennent frileux et réduisent leur train de vie. Les politiques de réformes imbéciles dans ces périodes sont totalement contre-productives, M. Macron !
Pourquoi les citoyens ne sont-ils pas enclins à prendre des risques au milieu de politiques accommodantes ? Pourquoi les entreprises n’investissent-elles pas autant que le souhaitent les planificateurs centraux face à des taux d’intérêt bas et à une liquidité extrême ?
Il n’y a aucun mystère : c’est le couple risque /profitabilité qui produit son effet, il exerce sa tyrannie. Trop de risque pour pas assez de profitabilité !
Les gens n’ont pas confiance dans l’environnement économique/politique – et surtout, la réalité qu’ils voient diffère de l’image créée par la banque centrale et les gouvernements.
Parce que la certitude de la fragilité des économies est bien ancrée, on sait que cela va mal, malgré la propagande. Le mal ne se déguise pas par la manipulation de la quantité de monnaie et le coût de l’argent.
Trafiquer les zéros dans les livres de comptes ne sert à rien — sauf à ceux qui vivent dans la névrose financière, dans l’imaginaire financier, ceux qui spéculent avec les livres de comptes, les banquiers, les financiers, les agents de la financiarisation.
Les gouvernements qui consomment/gaspillent de plus en plus de ressources rares de l’économie réelle rendent la consommation des ménages et l’investissement privés encore plus risqués. Cela se voit et se ressent.
Alors qui achète des obligations avec des rendements négatifs ?
– Ceux qui pensent que le marché boursier et les actifs risqués vont s’effondrer à cause des valorisations élevées, à cause de la saturation en liquidités résultant de stimuli sans fin et de leur faible impact sur l’économie réelle.
Par conséquent, face à la possibilité de perdre 1% dans une obligation par rapport à 20-30% dans les autres classes d’actifs, la préférence, le choix pour les fonds d’Etat à rendement négatif sont évidents.
– Ceux qui s’attendent à une demande croissante d’actifs sûrs/refuges à mesure que les flux de fonds quittent les actions au profit d’obligations et parient que leur prix augmentera malgré le rendement négatif, compensant la perte de coupon.
– Ceux qui pensent que les gouvernements et les banques centrales savent comment se lancer dans l’assouplissement quantitatif, mais ne savent pas comment s’en sortir. Pour cette raison, ils s’attendent à de nouvelles réductions des taux d’intérêt et à de nouveaux plans d’expansion monétaire, ce qui renforcera davantage la demande d’obligations à faible risque.
– Ceux qui analysent ces politiques expansionnistes et ces guerres des monnaies pour ce qu’elles sont – des imbécilités – et qui, au lieu de voir le risque d’inflation, estiment que la probabilité de déflation est plus grande en raison des surcapacités et de l’endettement croissant.
La répression financière est un colossal échec technique fondé sur des erreurs de raisonnement et sur le fait que les banquiers centraux ne veulent pas se dédire, qu’ils ont peur de perdre leur crédibilité ; ils ont peur que leurs têtes ne soient un jour au bout d’une pique.
3 commentaires
Qu’on laisse le marché fixer librement les taux d’intérêt, en fonction de l’offre réelle de monnaie (l’épargne) et de la demande de monnaie (le crédit), sans intervention de la banque centrale. Si excès d’épargne il y avait, le marché se chargerait de toute façon de faire baisser les taux suffisamment bas (l’offre de monnaie étant supérieure à la demande).
@ SÉBASTIEN MAURICE
Certes, on pourrait théoriquement créer, entre les banques privées ( qui créent la monnaie) , un marché concurrentiel destiné
à la fixation des taux d’intérêt, en confrontant l’offre et la demande de monnaie.
Certaines banques commerciales pourraient offrir de la monnaie à un certain taux et d’autres en demander à un autre taux, suivant le volume de l’épargne dont elles disposeraient.
Une sorte de Bourse des taux d’intérêt, qui aurait le mérite de fixer le taux dans l’objectif de satisfaire le plus grand nombre
de participants.
Ce serait une véritable révolution, que vous proposez là !
Mais, pour cela, il faudrait supprimer le mauvais système de réserves fractionnaires, qui permet aux banques privées la création de monnaie ex-nihilo, c’est à dire indépendamment de l’épargne de leurs clients.
Et passer à un système de réserves intégrales (100% monnaie) qui ne permettrait plus aux banques privées de créer de la monnaie, elles ne pourraient que prêter de l’argent épargné et déposé par leurs clients sur des comptes d’épargne.
Dans cette hypothèse, seules les banques centrales seraient autorisées à créer de la monnaie, mais pas aux doses massives actuelles avec leurs Q.E.
Je dis cela, parce que tant que les banques pourront créer de la monnaie à partir de rien, un marché de taux d’intérêts n’aurait aucun sens, à mon avis.
Pourquoi des banques seraient demandeuses de monnaie sur ce marché, si elles peuvent en créer de manière illimitée, même sans épargne comme c’est le cas actuellement ? Question similaire, pourquoi des banques en offriraient ?
Les banques ont des effets de levier disparates, or un tel marché devrait être équitable.
Actuellement, une banque sans épargnants, peut créer de la monnaie à partir de rien, à condition d’avoir quelques réserves modestes, des devises, des obligations d’Etat.
Certaines banques européennes ont 40 euros de dettes pour 1 euro de fonds propres.
Il faudrait donc, pour créer ce marché, restaurer le lien qu’il existait autrefois entre les crédits et les dépôts.
Au surplus, je pense qu’il y aurait un danger à laisser un tel marché fixer le taux d’intérêt, dans le contexte de surendettement actuel.
En effet, la moindre hausse des taux, même faible, ferait exploser la montagne de dettes actuelles.
Les épargnants, les banquiers et d’une manière générale les créanciers sont malheureusement prisonniers des débiteurs ( les Etats, surtout, mais aussi les entreprises et les particuliers) qui imposent des taux négatifs sous la menace
de faire faillite. (too big to fail)
Sur le principe, vous avez tout à fait raison, dans un système capitaliste, c’est la concurrence qui devrait fixer les taux.
Mais en pratique, comment faire ?
Vous écrivez :
« Le boulet de la dette devient trop lourd à traîner. C’est le chasse-neige qui repousse la masse devant lui mais ne réussit plus à se frayer un chemin : pour servir la dette il faut du cash-flow, des revenus, mais la dette oblige à peser sur les revenus et donc elle pèse sur les cash-flows. »
C’est en effet ce mécanisme, très déflationniste, qui est en train de bloquer la machine économique.
Les banquiers pensaient l’avoir vaincu il y a quelques années, avec le retour de l’inflation, mais il revient en force.