Les banques centrales jouent un rôle pernicieux dans le système économique et financier mondial, augmentant sa fragilité – et la vôtre.
Il y a fort longtemps que nous critiquons les banquiers centraux. Nous le faisons selon deux grandes lignes directrices :
- Ils ne savent pas ce qu’ils font, ils exercent leur mission à partir de théories fausses, idéologiques et l’étalon PhD est encore plus mauvais que tous les autres. Ils ont échoué – pire : ils ont trompé la confiance qui avait été mise en eux.
- Ce sont des banquiers de classe, de la classe des kleptos et des ploutos : ils sont au services des ultra-riches et des dynasties qu’ils enrichissent encore plus sur le dos des classes moyennes et laborieuses. Ils transfèrent des milliers de milliards sans mandat et sans vote. Ils font pire que du fiscal, ils font du fiscal subreptice à rebours.
Les banques centrales ont produit une formidable progression des inégalités, elles ont détruit les retraites et protections sociales, elles sont responsables de la montée du populisme.
Elles ont considérablement augmenté la fragilité de nos systèmes économiques en encourageant l’explosion des dettes, du crédit et de la spéculation.
Elles ont favorisé une mauvaise allocation des ressources, elles ont mal alloué le capital et entretenu les zombies.
Elles pillent la véritable épargne. Elles ont socialisé nos systèmes et détruit le droit de propriété.
Elles ont déconsidéré et délégitimé le système de production capitaliste en le financiarisant.
Et si on les laisse faire, ce ne sera qu’un début. Ce qui nous attend, dans leur voie, ce sont les taux négatifs, la destruction des comptes bancaires, la répression sur le cash, les confiscations et la guerre sociale.
Au bout du chemin : les pertes de liberté, les contrôles, la haine de tous contre tous.
Un remède pire que le mal
Les banques centrales ont trahi leur mandat. Elles ne travaillent pas dans l’intérêt général mais pour une coalition d’intérêts particuliers. Elles protègent un ordre social qui est en réalité un profond désordre car il produit le chaos.
Regardez : tout se disloque.
Pourtant, je ne suis absolument pas pour que les banques centrales perdent leur indépendance au profit des gouvernements. Si on allait dans cette direction, le remède serait pire que le mal. Ce qui nous attendrait alors serait l’hyperinflation puis la guerre civile.
Les gouvernements sont incapables de discipline et de préoccupations de long terme. Ils sont par essence et par construction – étant élus et rééligibles – enclins au court-termisme. La devise des gouvernements c’est : le long terme n’existe pas, simplement une succession de courts termes.
Les banques centrales sont dépendantes
La situation actuelle marquée par le surendettement généralisé et l’insolvabilité réelle est telle que l’on devine aisément la voie que suivraient les gouvernements s’ils récupéraient la planche à billets : celle de Trump, avec le bradage encore plus grand du crédit, la monétisation des déficits et bien sûr l’avilissement de la monnaie par perte de confiance.
La solution n’est ni le maintien de la situation actuelle ni la mise sous la coupe des démagogues.
La solution, c’est celle de la fin de l’arbitraire de quelques-uns, la mise au point de règles à respecter, la fin de la navigation à vue. C’est la solution du contrôle et même de la multiplication des contrôles, c’est la mise en place de contre-pouvoirs, de contre-contre-pouvoirs et de comités de sages non-élus et non-nommés.
L’indépendance des banques centrales est un leurre. Elles sont dépendantes, dépendantes d’une classe, d’un système, de certains intérêts qui, tout en étant enfouis, sont partout agissants.
Les banques centrales font de la politique, au plus haut niveau.
Le mythe de l’indépendance a été inventé pour sacraliser ces institutions, pour les mettre hors de portée – de l’analyse, de la critique, du contrôle, de la concurrence, de la souveraineté populaire, de l’intérêt général.
Le complément de l’indépendance c’est la technicité, l’opacité et la complexité. Tout ceci permet de les mettre hors de la vue.
Le couple banque centrale/gouvernement est un attelage dialectique, ce qui signifie qu’ils sont à la fois complices mais en même temps ennemis et rivaux.
Echiquier ou clavier ?
Je soutiens même que, dans une certaine mesure, les gouvernements sont les fusibles des banques centrales, ce sont eux qui sautent quand la banque centrale fait des erreurs !
L’échiquier politicien est en pratique, pour les banques centrales, un clavier.
La vraie mission d‘un gouvernement démocratique devrait être de garantir que les banques centrales travaillent dans l’intérêt général. Cependant, ils ne peuvent pas exercer cette mission car les banques centrales tiennent le robinet du financement des déficits et des dépenses : les gouvernements sont les obligés des banques centrales.
En Europe, la banque centrale détient même la clef de la liquidité des échanges, comme on l’a vu lors de la crise grecque.
Les banques centrales jouent un jeu diabolique qui consiste à gérer dans l’intérêt d’une classe particulière et en même temps à dire que « les gouvernements ne font pas ce qu’il faut ». Ainsi, elles les accusent d’être responsables des maux qu’elles-mêmes causent.
Ce faisant, elles affaiblissent vos gouvernements élus et les utilisent comme marchepied pour asseoir leur pouvoir.
Tout ce qui ne va pas, disent les Draghi et autres, « c’est de la faute des gouvernements, ils n’osent pas faire les réformes » – les fameuses réformes destinées à assouplir les échines, les réformes qui permettraient de dégager un surproduit plus important pour solvabiliser les dettes et améliorer la profitabilité du capital.
Il faut se protéger aussi bien des banques que des démagogues.
Mais quand un démagogue se dresse contre les banques centrales, le mieux est de le soutenir, au moins temporairement. Les alliances ne sont toujours que ponctuelles.
A méditer.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]