▪ Pas de cinquième séance de repli consécutive à Paris mardi. Avant que Wall Street ne rouvre en repli de 0,3% tandis que les places européennes perdaient encore plus de 0,5% en moyenne.
Pas besoin de faire usage d’une boule de cristal pour prendre le contre-pied du consensus baissier à la mi-journée. Il suffisait de mettre en parallèle la consolidation du CAC 40 avec celle des marchés asiatiques.
Standard & Poor’s a en effet abaissé mardi matin sa perspective sur la dette souveraine du Japon à « négative ». Cela a provoqué un repli de 1,8% de Tokyo durant la session de l’après-midi. Ensuite, par réaction en chaîne, nous avons assisté à une chute de 2% de Séoul puis de 2,4% des Bourses de Hong Kong et Shanghai — alors que les banques chinoises devaient amorcer le renforcement de leurs réserves obligatoires à partir de ce 26 janvier.
Sans surprise, le CAC 40 ouvrait en repli de 0,9%. Cependant, l’indice phare a rapidement retrouvé du soutien dans la zone des 3 745 points, comme beaucoup de chartistes l’anticipaient après une rechute de 8,5% en moins de 15 jours. Parallèlement, l’Euro-Stoxx 50 venait également s’appuyer sur le palier des 2 800 points et l’Eurotop 100 sur le support des 2 150 points (et 2 175 en clôture).
Le CAC 40 s’est redressé au-dessus des 3 800 points et l’Euro-Stoxx au-delà des 2 825 points, ces deux indices reprenant 0,7%. Dommage que Wall Street n’ait pas suivi le mouvement en fin de journée : le Dow Jones clôturait inchangé, le Nasdaq 100 grappillant 0,1%.
Il s’agit d’un schéma correctif des plus classiques. Les analystes techniques ne manqueront pas d’observer que des mouvements d’ampleur similaire se sont déroulés successivement à partir du milieu de mois (et de la troisième semaine) en septembre, octobre, novembre 2009… le mois de décembre constituant une heureuse exception.
▪ Autrement dit, les chances de répétition du scénario qui a rythmé l’automne 2009 semblent assez élevées si Ben Bernanke est reconduit à son poste (ce sur quoi nous n’avons guère de doute). Il en ira de même si la Fed maintient dans le communiqué qu’elle publiera ce mercredi soir la formule magique « les taux resteront très bas pour une période de temps étendue » (six mois au minimum selon les spécialistes).
Toute la question réside maintenant dans la prise de conscience que l’injection d’argent gratuit de l’an dernier n’a servi à rien — sinon à enrichir les banquiers. La poursuite d’une telle politique rendra intenable la position du Trésor américain, qui ne peut plus compter sur la Fed pour acheter les 1 350 milliards de dollars de dette qui seront mis aux enchères en 2010.
La monétisation par la Banque centrale américaine a atteint ses limites physiques. C’est d’autant plus vrai que les banques chinoises doivent maintenant réduire la voilure et envisager de liquider quelques actifs pour respecter leurs ratios de solvabilité. Les T-Bonds US apparaissent tout désignés pour leur fournir un bon ballon d’oxygène dans une atmosphère de crédit raréfié.
▪ Mais avant que la question de confiance concernant la valeur de la dette américaine se pose avec l’acuité qu’elle mérite, les cambistes considèrent — à notre avis un peu à tort — que le risque se situe prioritairement sur le Vieux Continent. Après tout, il y a la dégradation imminente de la note du Portugal puis de l’Espagne (après la Grèce)… et l’Irlande ne nous semble pas mieux lotie.
Il y a toutefois une différence fondamentale : la BCE ne peut pas gonfler démesurément son « compte courant » en entassant des emprunts toxiques provenant de pays qui sont bien engagés sur le chemin du défaut de paiement.
La Grèce et le Portugal figurent en tête de liste en Zone euro. Mais si les agences de notation ne redoutaient de voir leurs analystes finir au fond de la Tamise… elles auraient depuis longtemps placé l’Angleterre quelque part entre l’Islande et la Hongrie dans leur classement des pays incapables d’honorer leur signature à l’instant T (contrairement au Japon dont le ratio dette/PIB est plus spectaculaire mais qui peut mobiliser une épargne intérieure considérable).
La mansuétude des Moody’s et autres Fitch et Standard &Poor’s pour les Etats-Unis relève des mêmes tabous psychologiques. La Californie, le Nevada, l’Arizona, l’Illinois, l’Ohio, le Maryland, le Connecticut, la Pennsylvanie sont pourtant bien en faillite. Et nous ne pouvons citer tous les Etats qui sont dans le même cas ; il y en avait déjà 13 fin 2009 — mais avec la chute des recettes fiscales, ce nombre devrait rapidement doubler. En tout cas, ils ont déjà commencé à licencier des fonctionnaires, fermer des écoles, des services sociaux et même des prisons.
Pour résumer, la moitié des Etats de l’Union mériterait soit une mise sous surveillance négative immédiate de leur notation… soit une dégradation au rang de junk bond. Comment justifier aujourd’hui le AAA dont jouissent toujours les Etats-Unis ?
▪ Manifestement, le problème de la dette n’effleure pas encore la conscience d’une majorité de contribuables américains. Ils abordent l’année 2010 avec optimisme, comme en témoigne l’amélioration de l’indice de confiance du Conference Board. Il est ressorti à 55,9 en janvier contre 53,6 en décembre (chiffre révisé de 52,9), alors que les économistes prévoyaient la stabilité.
La composante « situation actuelle » s’est redressée encore plus nettement, passant de 20,2 à 25. La composante mesurant les anticipations s’est appréciée plus modestement, à 76,5 contre 75,9 au mois de décembre.
Peut-être les Américains croient-ils sur parole le Fonds monétaire international, qui a relevé mardi sa prévision de croissance des Etats-Unis, à 2,7% contre 1,5% (en octobre). La Chine devrait afficher 10% en 2010, soit très exactement 10 fois plus que la hausse du PIB anticipée en Zone euro (1,0%, contre 0,3% initialement).
La France fait figure de privilégiée avec une révision à 1,4% contre 0,9% auparavant. Cela malgré des mises en chantier en chute libre (-16,7%) et un crédit à la consommation qui enregistre son plus fort taux de contraction de l’histoire (-13,3%).
Le FMI a à sa tête un homme qui connaît bien la France et qui sait mieux que beaucoup de nos concitoyens qu’il n’est de mauvaise passe politique qui ne saurait être surmontée par quelques cadeaux fiscaux et autres stimulus économiques financés par davantage de dette.
M. Strauss-Kahn est classé « homme de gauche »… mais il réside aujourd’hui dans un pays ultra-libéral où les largesses de l’Etat — fondées sur l’usage immodéré de la planche à billets — excèdent tout ce qu’un socialiste a jamais pu mettre en oeuvre dans un pays appartenant au club très fermé du G7 ou du G8.
La France constitue encore un de ces merveilleux laboratoires où il est possible de régler par avance le niveau du PIB souhaité en ajoutant une dose très précise de déficit public supplémentaire. Les Etats-Unis en sont bien incapables aujourd’hui !
Nul ne sait calculer l’impact mécanique du doublement de la dette américaine en 18 mois sur la croissance et la valeur du dollar… Un tel scénario n’a jamais été envisagé depuis la création de la Fed en 1913 !