Maintenant que Janet Yellen a été confirmée en tant que secrétaire au Trésor US, à quelles politiques peut-on s’attendre de sa part… et aura-t-elle vraiment le choix de les appliquer ?
Récemment, la secrétaire au Trésor américain nouvellement confirmée et ancienne chef de la Fed, Janet Yellen, a expliqué les défis auxquels le capitalisme américain est confronté dans une lettre à son nouveau personnel.
Elle a déclaré :
« La crise actuelle est très différente de celle de 2008. Mais elle est aussi grande, sinon plus. La pandémie a dévasté l’économie. Des industries entières ont interrompu leur activité. Seize millions d’Américains dépendent toujours de l’assurance-chômage. »
Yellen ajoute ceci :
« [Il y a] quatre crises historiques : le Covid-19 en est une. Mais en plus de la pandémie, le pays est également confronté à une crise climatique, une crise de racisme systémique et une crise économique qui se développe depuis 50 ans.
L’économie n’est pas seulement quelque chose que vous trouvez dans les manuels. Ce n’est pas non plus simplement un recueil de théories. En effet, la raison pour laquelle je suis passé du milieu universitaire au gouvernement est que je crois que la politique économique peut être un outil puissant pour améliorer la société. Nous pouvons – et devrions – l’utiliser pour lutter contre les inégalités, le racisme et le changement climatique. J’essaie toujours de voir ma science – la science économique – comme mon père la voyait : comme un moyen d’aider les gens. »
Belles paroles
Ce sont de beaux mots. Mais l’économie traditionnelle est-elle vraiment conçue pour « aider les gens » à améliorer leur vie et leurs moyens de subsistance ? L’économie traditionnelle offre-t-elle vraiment une analyse scientifique des économies modernes qui peut conduire à des politiques capables de résoudre les « quatre défis historiques » que Yellen décrit ?
J’en doute.
L’économie traditionnelle a totalement failli à remplir les objectifs dont parle Yellen ; tout ce qu’elle a réussi à faire, c’est masquer la dépression qui a pris naissance en 2008 au prix d’un endettement considérable, lequel a produit des inégalités de dimensions historiques par le biais de l’envolée de la valeur des actifs financiers.
Le mandat de Joe Biden se présente ou cherche à se présenter comme une alternance, en quelque sorte. Après des années à favoriser le capital et les entreprises, la politique économique se fixerait comme objectif de corriger les déséquilibres et de mettre en place un cycle de restauration de la justice sociale, un cycle en faveur de l’économie réelle.
Finis les cadeaux à Wall Street, maintenant c’est au tour de M. et Mme Tout-le-Monde de se régaler.
C’est ainsi que l’élection a été vendue aux électeurs et maintenant, il faut délivrer, il faut payer.
C’est ce qui explique le choix de Yellen, l’hyper-keynésienne, au Trésor – et c’est d’ailleurs ainsi que Yellen, on l’a vu ci-dessus, présente sa future mission : l’économie au service des gens.
Vérités incontournables
Je voudrais tout d’abord risquer une remarque : est ce que les théories économiques en vogue, celle de l’establishment, théories qui ont prévalu jusqu’en novembre dernier, permettent ce choix ou tout simplement des choix ?
Est-ce que ces théories ne se sont pas toujours présentées comme des sciences, comme des vérités incontournables, non partisanes ?
Je pense qu’il faut être honnête et répondre par l’affirmative : aussi bien Ben Bernanke que Janet Yellen ou Jerome Powell ont toujours présenté leurs actions comme des choix impératifs, obligés. Selon eux, nous étions dans le TINA – « There Is No Alternative ». Il n’y a aucune alternative, n’ont-ils cessé de nous répéter ; tel a été le mot d’ordre pendant très très longtemps.
Les choses étant ce qu’elles sont, nous ont dit ces savants, la croissance va être faible, séculairement, les investissements vont être durablement inférieurs à l’épargne disponible ; les taux d’intérêt naturels sont donc très bas, voire négatifs, de sorte qu’il faut que la Fed et le Trésor s’y plient.
Il n’y a aucune alternative, c’est l’ordre naturel des choses qui commande : il faut sans cesse baisser les taux, accepter de produire toujours plus de dettes, faire monter la Bourse et accepter que les riches deviennent toujours plus riches.
Pire, tout cela produit une conséquence terrible : les niveaux atteints par les prix des actifs financiers sont tellement élevés qu’ils ne peuvent supporter le moindre choc, la moindre hausse des taux, la moindre dérive par rapport à la perfection.
Bref, le capital doit être chouchouté car il détient la clé de la stabilité du système. Il ne faut rien changer. Il faut continuer de le favoriser.
C’est dans l’intérêt général qu’il faut favoriser la Bourse et faire grossir le capital.
Ces théories sont-elles bien vraies ? C’est ce que nous verrons dès demain.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]