▪ Un des sujets du bac philo de l’édition 2011 semble avoir été choisi sur mesure pour stimuler la réflexion des opérateurs de marché : « peut-on avoir raison contre les faits ? »
En ce qui concerne les populations victimes de la crise, elles pourraient plancher sur : « ressentir l’injustice nous apprend-il ce qui est juste ? »
Les traders qui n’aiment pas perdre de temps à philosopher éluderont très vite le débat avec le postulat suivant : « les faits, on s’en fiche. Le marché a toujours raison, et cela suffit à notre tranquillité d’esprit ».
En ce qui concerne les peuples qui s’indignent contre la corruption des élites et la prise en charge des pertes des brasseurs d’argent, les cyniques rétorqueront que « l’on est le plus souvent coupable de ce que l’on a pas voulu empêcher et que les citoyens élisent les gouvernements qu’ils méritent. Où commence et où finit l’injustice, d’où vient que l’on ne tire jamais les bonnes leçons du passé ? »
En matière d’investissement, se baser sur les faits s’avère le plus souvent non pertinent. En effet, les faits sont souvent plus complexes que ce que nous imaginons et ils sont avant tout affaire d’interprétation.
Mais s’il est difficile — voire impossible — de connaître « la vérité vraie » et de démêler les chaînes de causalité, il existe une façon imparable de déterminer à partir de quel moment on nous ment : dès que de beaux esprits s’emploient à travestir une réalité dérangeante et complexe par le biais de quelques slogans simplistes, pour le seul profit de quelques initiés qui misent sur la naïveté de leur auditoire.
Pour paraphraser une plaisanterie célèbre au sujet des avocats : « comment savoir à coup sûr à partir de quel moment Ben Bernanke nous ment ? Eh bien, c’est tout simple : dès que ses lèvres se mettent à remuer ».
▪ Monkey Business Ben est le symbole vivant — en tant que digne successeur d’Alan « Bubble » Greenspan — de l’homme qui a toujours raison contre les faits… jusqu’au moment où il apparaît aux yeux de tous qu’il avait tort sur toute la ligne. Cette prodigieuse faculté et un aplomb à toute épreuve devant les médias lui ont certainement valu de se voir offrir un second mandat à la tête de la Fed en 2010.
Wall Street lui sait infiniment gré d’avoir imprimé autant de dollars qu’il était concevable. Les lois de l’économie affirment que le billet vert aurait dû s’effondrer, mais il affiche toujours une valeur proche de 1,41 contre l’euro et de 1,18 franc suisse.
La plupart des commentateurs à Wall Street estiment que si la BCE faisait tourner la planche à billets avec la même constance et la même désinvolture, la seule question qui viendrait à l’esprit des investisseurs à propos de la Grèce, c’est quelle est la meilleure saison pour visiter Mykonos, le Péloponnèse et les Météores ?
Au lieu de cela, la Zone euro est peut-être à la veille d’une désintégration. Les banques créancières d’Athènes subiraient les premières pertes importantes sur des dettes souveraines réputées sans risque jusqu’à la fin de l’automne 2009.
▪ En cette veille de journée des « Quatre sorcières », un vent de capitulation a soufflé sur les places du Vieux Continent. Cependant, Paris a largement limité la casse avec un repli contenu à -0,38% en clôture (contre -1,6% au plus bas à 11h30 et 14h15).
Même chose à Francfort avec un DAX 30 qui ne s’effrite que de 0,07% après un n-ième test des 7 000 points depuis le 18 avril dernier. L’Euro-Stoxx 50, de son côté, ne perd que 0,04% à 2 730 points, après l’inscription d’un plancher annuel à 2 693 points.
Les acheteurs ont tardivement repris la main alors que des rumeurs faisaient état d’un possible accord du FMI pour le versement des sommes promises à la Grèce d’ici la mi-juillet. On parlait également d’un intérêt de la Chine pour aider l’Europe dans son plan de sauvetage en faveur d’Athènes.
D’autre part, un nouveau gouvernement grec devrait être formé. Il cherchera à obtenir au plus vite un vote de confiance du Parlement, sa priorité étant de faire adopter les mesures d’austérité demandées par les créanciers (notamment l’Allemagne ou la Finlande) et massivement rejetées par la rue.
▪ L’euro a enrayé sa chute à l’approche des 1,40 $. Il ne cédait plus rien à 1,416 $, après avoir chuté vers un plancher de 1,4075 $ jeudi midi.
L’un des détonateurs de la sévère baisse de mercredi fut un mauvais chiffre conjoncturel publié aux Etats-Unis. Toutefois, par chance, le nombre de chômeurs en données hebdomadaires a reculé de 14 000 ce jeudi, et une embellie se dessine du côté de l’immobilier après un mois d’avril calamiteux.
Les mises en chantier en mai auraient rebondi de 3,5%, à 560 000 en rythme annualisé. Par ailleurs, les permis de construire, censés préfigurer l’évolution du secteur de la construction, auraient bondi de 8,7% le mois dernier… mais les mauvaises langues prétendent qu’il s’agit surtout de l’heureuse conséquence d’une météo plus clémente.
Quel temps fera-t-il ce vendredi sur Athènes, le berceau de la philosophie ?