▪ Nous affirmions mardi matin que la miraculeuse envolée des indices boursiers lundi en toute fin de séance dégageait de forts relents de manipulation des cours et d’opérations commando. Ces dernières sont destinées à démolir le consensus baissier largement prédominant après la publication d’une série de statistiques mettant clairement en lumière un fort risque de récession dans l’Eurozone.
Après avoir monté en épingle lundi un indice ISM manufacturier légèrement plus positif que prévu pour justifier un soi-disant regain de confiance des acheteurs, ce serait une petite déception concernant les commandes à l’industrie (+1,3% au lieu de +1,5% attendu) qui justifierait l’accès de déprime des marchés en fin de parcours.
Les dégagements se sont brutalement accélérés à travers toute l’Europe au cours du dernier quart d’heure car la chute de la Bourse de Madrid a pris une tournure très inquiétante. En effet, l’IBEX a plongé de 2,7% — alors que les taux longs flirtent de nouveau avec les 5,5%, après la présentation du budget « le plus austère de l’histoire ». Milan de son côté a chuté de 2,05% ; Mario Monti a fait savoir qu’il ne pouvait pas aller plus loin en matière de réduction des dépenses.
Les places européennes dévissent de 1,6% en moyenne, à l’exception du DAX 30 à Francfort (avec -1,1%). Tous les indices effacent l’intégralité de leurs gains de la veille et matérialisent un « avalement baissier », autrement dit un scénario considéré comme très négatif par les chartistes.
Ce sont les mêmes qui célébraient avec une belle unanimité un début de second trimestre très prometteur la veille. Ils se moquent gentiment (et le plus souvent avec une arrogance pleinement assumée) de ceux qui avaient eu la faiblesse (ou la naïveté) de se laisser influencer par l’avalanche de mauvaises statistiques conjoncturelles publiées quelques heures auparavant.
Paris clôture au plus bas du jour, au contact des 3 400 points après avoir flirté en début de séance avec les 3 473 points. Nous aurions beaucoup aimé lire les commentaires de ceux qui affirmaient lundi avec aplomb que les baissiers allaient vivre l’enfer cette semaine (après 15 jours de consolidation) et que le CAC 40 aurait renoué avec les 3 600 points avant le long week-end pascal (qui débute jeudi soir à Paris).
▪ Ben Bernanke maitient le taux zéro jusqu’en 2014
Il leur reste un espoir, celui que Ben Bernanke soit resté ferme sur ses positions laxistes lors de la dernière réunion de la Fed, dont le compte rendu a été rendu public mardi soir. Peu importe que la promesse ne soit pas tenable, il lui fallait réaffirmer la poursuite d’une politique de taux zéro jusqu’en 2014 et la possibilité d’actionner de nouveaux stimulus économiques (quantitative easing) au cas où l’économie américaine ne parviendrait pas à tenir un rythme de croissance proche de 3%.
Avant même que ne paraissent les minutes du dernier comité de la Fed, la Chine fait clairement savoir par la voix du patron de sa propre banque centrale, Zhou Xiaochuan, qu’elle ne veut à aucun prix d’un QE3, considéré comme inflationniste.
Pékin reprend à son compte les critiques des autres grandes économies émergentes à l’encontre de la politique monétaire menée par les Etats-Unis et qui motive le projet de création d’une banque commune de développement pour les BRICS (le « S » représentant l’Afrique du Sud).
Vous pouvez être convaincu que Ben Bernanke passera outre parce qu’il n’y a pas d’autre façon de renflouer les banques américaines afin de leur permettre de continuer d’assurer le refinancement des Etats-Unis. Autrement dit, l’argent d’un QE3 servira une fois encore à colmater des brèches budgétaires et n’ira pas plus que les deux QE précédents irriguer l’économie réelle.
Car pendant que tout le monde se focalise sur les créances hypothécaires qui pèsent encore sur le bilan des banques, voilà que se profile à l’horizon un nouveau péril.
▪ Les étudiants américains : les prochains responsables de l’état des finances US
Selon les dernières statistiques compilées par la Fed, l’encours total des prêts aux étudiants s’élève à plus de 875 milliards de dollars, auxquels il convient d’ajouter plus de 100 milliards de dollars de prêts personnels (induisant un coût d’endettement plus élevé) venant en complément des premiers.
Autrement dit, les banques américaines reconnaissent volontiers que le montant total du financement de la vie étudiante vient de franchir la barre des 1 000 milliards de dollars.
Si l’Amérique ne crée pas d’urgence (et par centaines de milliers dès cette année) des emplois bien rémunérés, ce sont à terme des millions de prêts étudiants qui ne seront pas remboursés. Cela constitue une nouvelle bombe à retardement pour le système bancaire : selon la dernière enquête de la Fed, 25% des emprunteurs ont désormais du retard sur leurs remboursements contre 15% lors des études précédentes réalisées en 2010 et 2011.
Ce sujet n’est évoqué qu’à demi-mot dans les médias américains, mais l’endettement des jeunes et de leurs parents atteint un niveau parfaitement insoutenable, avec des horizons de remboursement qui s’étirent dangereusement.
Le fardeau individuel est énorme. L’étudiant américain emprunte en moyenne 23 300 $ (17 000 euros) pour poursuivre sa scolarité. Pour ceux qui accèdent au troisième cycle, le montant dépasse souvent les 50 000 $ (36 000 euros).
Les diplômés de la promotion 2010 ont contracté une dette moyenne de 25 250 $, soit une hausse de 30% par rapport aux 19 600 $ (environ 15 000 euros) pour la promotion 2006.
L’Economic Policy Institute qui suit ce dossier de près met en évidence un effet de ciseau dramatique puisque les frais de scolarité ont bondi de 100% en 10 ans, tandis que le salaire des jeunes diplômés sortant de leurs études universitaires a chuté de 11% dans l’intervalle.
Le même institut constate que le salaire moyen des jeunes sans diplôme universitaire a chuté de 25% en 30 ans. Mais ceux-là, au moins, n’entrent pas dans la vie professionnelle en devant déjà 1 000 milliards de dollars au système bancaire américain.
Un fardeau qui pèse sur seulement 15% de la population américaine, contre 80% pour les 800 milliards de dollars de prêts automobiles ou les 700 milliards de dollars d’encours de carte de crédit.
Et comme vous l’imaginez, de nombreux étudiants font allègrement partie de ces deux dernières catégories : bienvenu dans l’enfer de la dette !
Pendant que l’Europe plonge de 1,6% et que plusieurs millions d’étudiants s’enferrent dans le piège du surendettement avoir d’avoir touché leur premier salaire… les médias financiers américains titraient triomphalement sur la hausse des ventes automobiles au mois de mars !
Quand le sage montre la Grande ourse de son index, le fou se focalise sur le bout de ce même doigt.