▪ Ceux de nos lecteurs qui ont profité du pont de l’Ascension n’ont pas assisté à l’inscription d’une cinquième semaine de repli consécutif sur les places occidentales.
Pas de quoi faire douter les permabulls qui jugent que c’est le bon moment pour racheter du papier. Nous devons admettre que certains de leurs arguments (trois en particulier) ne manquent pas de pertinence.
Il est en effet très rare que les indices consolident plus de cinq semaines d’affilée. Il est tout aussi rare qu’un tel épisode n’aboutisse pas à la cassure franche et irréversible d’un support moyen terme. Enfin, le CAC 40 préserve in extremis son plancher du 18 avril dernier.
Nous restons convaincu que la glissade amorcée le 2 mai dernier n’aurait pu se perpétuer de la sorte si le marché était haussier… mais les permabulls n’attendent qu’un signe d’encouragement de la Fed pour reprendre la main.
Le mythe des actions qui « ne sont pas chères » a la vie dure ; de même que celui des taux qui ne grimpent jamais ou de l’inflation venue faire trois petits tours avant de tirer sa révérence.
Et le ralentissement actuel ? Rien que de très anodin ! Quelle meilleure interprétation et quelle plus belle image que celle choisie par Barack Obama ? Il qualifie cette péripétie de « nid-de-poule sur le chemin de la reprise ».
Le problème, c’est que la sensation ne serait guère différente si la croissance venait de mordre sur le bas-côté et ne parvenait plus à redresser sa course. Si l’économie américaine ne part pas encore en vrille, Wall Street dérape maintenant depuis cinq semaines. Les indices ont aligné ce lundi une quatrième séance de repli consécutif, sans manifester la moindre velléité de rebond puisque les marchés américains ont clôturé au plus bas du jour.
▪ L’indice Standard & Poor’s 500 et le Nasdaq ont chuté de 1,1% avec à la clé une incursion sous 1 300 points pour le premier (le S&P finit à 1 286), et un test des 2 700 points pour le Composite.
Le seul élément rassurant, c’est que le VIX n’enregistre pas de poussée spectaculaire. En hausse de 3% en clôture, il affiche un score de 18,5 qui ne traduit pas de ruée massive sur les instruments de couverture (notamment les options de vente).
Personne ne veut croire que la tendance puisse basculer à la baisse sans raison valable. Si Wall Street a résisté à Fukushima puis à l’émergence d’un scénario de stagflation, ce n’est tout de même pas pour se mettre à chuter bêtement à cause de quelques interrogations prématurées sur l’après-QE2 (puisqu’il n’expire que dans trois semaines).
▪ Ben Bernanke affiche open bar et happy hour 24h/24 jusqu’à la fin du mois. Il va s’appliquer à remplir le bol de punch avec un singulier mélange de rhum brun et de « sirop d’oubli » jusqu’à épuisement complet de ses réserves.
Monkey Business Ben a mis au point un cocktail qui fonctionne à merveille. En effet, personne ne s’est encore sérieusement demandé qui va se substituer à la Fed, qui rachète au bas mot 50 milliards de dollars de bons du Trésor chaque mois depuis novembre 2010.
La fête battait son plein et voilà que soudain, les banques se mettent à piquer du nez ! Il serait un peu audacieux de prétendre que c’est sans raison. Mais qu’est-ce qui a tant changé dans le paysage économique depuis vendredi dernier et la publication de chiffres de l’emploi consternants ?
Les mêmes statistiques publiées début septembre dernier auraient fait exploser Wall Street à la hausse de 3% en 48 heures, au motif que la mise en place d’un quantitative easing était rien moins qu’incontournable. Les opérateurs succomberaient-ils à un soudain accès de lucidité ?
La planche à billets — ce n’est plus à démontrer — ne relance ni la croissance, ni le marché du travail… mais elle détruit la confiance dans le dollar.
▪ Et s’il y a un pays qui n’a aucune envie de découvrir les conséquences d’un QE3 sur ses réserves en devises, c’est bien la Chine. Elle a clairement engagé depuis six mois une lutte opiniâtre pour juguler l’inflation.
La tension monte entre Washington et Pékin — cette dernière démentant les accusations de piraterie informatique ciblant des firmes d’armement (comme Lockheed) ou des hauts responsables américains à travers leur messagerie personnelle.
Ces attaques récurrentes depuis deux ans sont qualifiées « d’actes de guerre » par certains conseillers de la Maison Blanche. Hillary Clinton, qui s’efforce de calmer le jeu, estime cependant que si l’implication d’officines chinoises (spécialistes des intrusions et vols de données sensibles) était prouvée, ce serait extrêmement grave.
Difficile de savoir ce qui se trame entre les Etats-Unis, premier débiteur de la planète, et la République populaire de Chine — leur principale créancière. Il suffirait de pas grand-chose, vu la rhétorique actuelle, pour que les deux géants ne se contentent plus de s’affronter du regard uniquement.
▪ Les allègements de précaution ont donc prédominé de part et d’autre de l’Atlantique. Cela avait commencé de bonne heure sur les places européennes et s’est accéléré au cours des 90 dernières minutes de cotation. Paris a cédé 0,7% à 3 863 points (avec seulement 2,54 milliards d’euros échangés) dans le sillage des valeurs bancaires principalement.
Les investisseurs réalisent qu’il n’y a pas d’avancée majeure dans le dossier grec, si ce n’est que le nouveau « package » serait de 100 milliards d’euros (au lieu de 70 milliards d’euros, soit un montant très proche des milliards d’euros débloqués au printemps 2010). Ce programme inclut aussi une aide de 30 milliards d’euros consentie par les créanciers privés (c’est-à-dire les banques et les assurances).
Beaucoup de commentateurs estiment qu’il s’agit d’un nouveau don consenti à la Grèce — l’Allemagne ne dit pas autre chose depuis le printemps 2010. C’est toutefois le prix à payer pour éviter de prononcer le mot « restructuration » et le déclenchement du mécanisme des CDS.
Un prix peut-être trop élevé pour la Zone euro, qui semble bénéficier d’un sursis. Attention, cependant : la cure d’austérité concoctée par M. Panpandréou jusqu’en 2015 (associée à un programme de privatisation de 50 milliards d’euros) pourrait être rejetée par le peuple grec.
Les derniers rassemblements de protestation pacifique du week-end ont connu une affluence record et tout s’est déroulé sans incident. Mais que des heurts finissent par opposer la police et certains manifestants impatients d’en découdre… et ce sera l’embrasement, non seulement en Grèce mais également dans tous les pays qui se savent condamnés aux mêmes potions amères qu’Athènes pour complaire à leurs créanciers.