Quatre mois de « non-guerre » en Ukraine auront-ils suffi à mettre en danger l’approvisionnement énergétique de la France ? Trois patrons appellent en tout cas à réduire notre consommation…
Nous sommes le 28 juin : déjà quatre mois de guerre et d’horreurs en Ukraine, horreur que chaque camp jette à la face de l’autre en prenant à témoin l’opinion publique mondiale pour démontrer que chaque obus tiré constitue un « crime contre l’humanité », oubliant la définition précise de cette expression, qui vise particulièrement les génocides et les ethnocides.
Côté Otan, la quasi-totalité des communiqués énumère les armes livrées, les succès de l’armée ukrainiennes et les sanctions à l’encontre de la Russie. Dans l’autre camp, les communiqués énumèrent les contre-sanctions, les armes capturées (notamment de canons Caesar français, et tous leurs secrets de fabrication) et les victoires de l’armée russe.
Pas de guerre, donc pas de paix ?
Tout le monde ment… c’est du classique, y compris sur le fait qu’il s’agit d’une guerre, fut-elle par procuration. C’est une « aide à la défense » de l’Ukraine côté Otan, et une « opération spéciale » de sécurisation des populations russophones d’autre part.
L’absence d’une guerre permet peut-être d’expliquer l’absence de pourparlers de paix, mais aussi l’absence d’implication de l’ONU – qui ne remue pas ciel et terre pour convaincre les belligérants de s’asseoir à une table de négociations, et ne fait pas tous ses efforts pour obtenir au moins un cessez-le feu.
Cela dit, l’ONU ne s’est pas non plus démenée beaucoup pour faire cesser la guerre d’agression de l’Arabie saoudite (armée par les Etats-Unis et l’Europe) contre le Yémen (armé par l’Iran) depuis 2015. Il a fallu attendre avril 2022 pour qu’un fragile cessez-le-feu entre en vigueur, après 380 000 morts côté yéménite. La plupart d’entre eux ne sont pas morts sous les bombes, mais plutôt de faim ou de maladie, et des estimations précisent que 50% des victimes sont des enfants.
Malgré l’écrasante supériorité aérienne et technologique saoudienne, la guerre contre le Yémen, sous-armé et affamé s’avère ingagnable : la doctrine basée sur des frappes à distance (aucune présence de troupes arabes sur le sol yéménite, sauf quelques « observateurs ») et un blocus maritime et terrestre n’ont produit aucun des effets escomptés.
Une guerre se dirige peut-être à distance, mais elle se gagne sur le terrain et la victoire ne se proclame que lorsqu’on le maîtrise totalement.
Si un belligérant fait l’impasse sur cette phase, c’est que son but est ailleurs : créer une diversion, rendre service à un allié… et toujours enrichir les marchands de canons.
L’impact de la non-guerre
Ce dernier point est la seule certitude du moment, le « rendre service à un allié » prendrait une tournure assez singulière, puisque le conflit en Ukraine sert quasi exclusivement les intérêts stratégiques, énergétique et commerciaux des Américains au détriment des Européens. Tous alliés de l’Ukraine, mais ces derniers se prêtent volontiers au jeu des boycotts et des embargos, alors qu’ils ont pourtant tout à y perdre… mais agissent afin de sauver leur « honneur » et celui de la démocratie.
Un honneur dont ils n’ont jamais jugé utile de faire usage lors de l’invasion de l’Irak par la « coalition » pour des motifs parfaitement mensongers, ou bien lors du conflit Arabie/Yémen… mais il n’y a que les imbéciles qui ne changent jamais d’avis.
Et, en l’occurrence, cela change également la vie des Européens. Et pas qu’un peu !
Après le ministre allemand de l’économie, l’écologiste Robert Rabeck, qui prévient que la pénurie de gaz contraindra l’Allemagne à faire des arbitrages (comprenez des sacrifices) dès cet automne, voici que Patrick Pouyanné (TotalEnergies), Jean-Bernard Levy (EDF) et Catherine MacGregor (Engie) appellent les Français à « une prise de conscience et à une action collective et individuelle, pour que chacun d’entre nous – chaque consommateur, chaque entreprise – change ses comportements et limite immédiatement ses consommations énergétiques, électriques, gazières et de produits pétroliers ».
La « chasse au gaspillage » est rouverte !
Comme le disent les trois patrons cités au paragraphe précédent : « La meilleure énergie reste celle que nous ne consommons pas. Lançons de grands programmes d’efficacité énergétique et une chasse au gaspillage à l’échelle nationale. »
Ils évoquent les « conséquences de la guerre en Ukraine », alors que la bonne formulation est « les conséquence d’un boycott délibéré visant le pétrole et le gaz russe, mesure qui n’a jamais été envisagée concernant l’agresseur saoudien ou émirati sur le Yémen ».
Un cumul de problèmes
Rappelons que la Russie est un fournisseur demeuré fiable, qui n’a jamais « fermé le robinet » à l’Europe, y compris durant les heures les plus sombres et les plus critiques de la guerre froide.
Mais il n’y a pas que la guerre dans l’équation énergétique.
Comme le disait Jacques Chirac au siècle dernier, les « emmerdes, ça vole toujours en escadrille ». Ainsi, la pénurie de gaz tombe pile au moment où 26 réacteurs nucléaires français sur 54 sont à l’arrêt (dont 12 pour des durées indéterminées), et où la production hydraulique est amputée en raison de la sécheresse.
Ah oui, au fait, nos centrales nucléaires n’ont jamais été aussi peu productives que depuis que l’entretien a été confié à l’américain General Electric… mais n’y voyez aucun lien de cause à effet : c’est à cause du « vieillissement » et de la corrosion.
Étrangement, aux Etats-Unis, cela ne semble pas poser de problème : les centrales y ont souvent plus de 40 ans, les vieilles pièces victimes de corrosion sont remplacées et la production continue.
Nous allons donc manquer, c’est une certitude, d’électricité provenant du nucléaire dès l’automne prochain, mais Macron le promet : « Il n’y aura aucun risque de coupure de courant cet hiver. »
Cela sonne un peu comme « au pays des Droits de l’Homme, il n’y aura jamais de pass sanitaire », ou encore « la France n’instaurera jamais de discrimination entre ses citoyens, il n’y aura jamais de pass vaccinal ».
Nous sommes prévenus !
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Le manque d’eau impacte aussi la production nucléaire: moins d’eau, moins de refroidissement, obligation de baisser la production