Un tiers de la planète est confiné – et les conséquences économiques commencent tout juste à se faire sentir. Les autorités multiplient les mesures, mais les secours se font attendre.
Dire que nous vivons une période complètement folle est un faible mot. Le mot « surréaliste » la caractériserait bien mieux.
Les contaminations et les décès provoqués par l’épidémie de coronavirus balayent la planète, et les Etats-Unis sont à leur tour dans l’œil du cyclone Covid-19.
Partout dans le monde, les ordres de confinement se sont accumulés. Ils concernent près d’un tiers de la planète. Les individus – comme les petites, moyennes et grandes entreprises – sont saisis d’inquiétude et pénalisés à différents degrés sur le plan économique.
Je me souviens de New York, où je me trouvais au moment du 11 septembre 2001 : la panique et l’inquiétude régnaient dans toute la ville, à l’idée que d’autres attentats puissent se produire. L’air était saturé de fumée et de débris, et du souvenir de ces vies perdues à jamais. Les hôpitaux étaient assaillis.
Toutefois, nous pouvions également nous réunir pour nous entraider. Les petites entreprises voulaient reprendre rapidement leurs activités. Actuellement, c’est tout le contraire : le concept de distanciation sociale est omniprésent.
En attendant, la volatilité de marché due aux incertitudes relatives à la trajectoire du virus et aux répercussions économiques crève le plafond. Des fluctuations journalières jouant sur des milliers de points sont devenues la nouvelle norme.
La fermeture des frontières du pays et de toutes les entreprises non essentielles ont provoqué des pertes d’emploi colossales et tari les revenus de millions de personnes. Cela signifie qu’il y a une violente contraction de liquidité, pour les gens, à tous les niveaux de la société, et dans le monde entier.
Les suppressions d’emploi dépassent de loin les chiffres enregistrés au lendemain de la crise financière de 2008, et nous rapprochent davantage des niveaux de chômage de la Grande dépression, dans les années 1930. Globalement, le taux de chômage pourrait atteindre les 30% au deuxième trimestre, selon James Bullard, président de la Réserve fédérale de Saint Louis.
Les travailleurs licenciés par de petites entreprises et au sein de « l’économie des petits boulots » commencent à en ressentir les effets. Pour commencer, la moitié des petites entreprises environ disposent de moins d’un mois de trésorerie pour pouvoir tenir.
Cet argent qui cesse brutalement de rentrer pénalise tout le monde.
Délais et paperasse
Aux Etats-Unis, les petites entreprises emploient près de la moitié de la main-d’œuvre du secteur privé. Elles ont contribué aux deux tiers de l’augmentation des emplois depuis 2011. Les entreprises familiales sont le moteur de l’économie. Le secteur de la restauration, à lui seul, va perdre 7,8 millions d’emplois.
Au 23 mars, les Etats ont eu l’autorisation d’accorder des prêts dans le cadre de la catastrophe du coronavirus.
Les entreprises peuvent également demander des prêts à taux bas auprès de la SBA (Small Business Administration : agence américaine indépendante chargée des PME).
Il y a un hic, cependant : il faut trois semaines pour traiter les demandes, et une semaine supplémentaire pour obtenir le prêt, s’il est approuvé. C’est ENORMEMENT de paperasse. Ces prêts se transformeront en subventions, si les entreprises conservent l’essentiel de leur personnel.
La SBA, qui a beaucoup de retard, peut offrir des prêts à 3,75% allant jusqu’à 2 M$ par demandeur. Certains fonds d’urgence constitués par les Etats pourraient fournir davantage de financements « relais » en attendant qu’une entreprise obtienne son prêt SBA.
Toutefois, ce mélange d’argent des Etats fédérés et d’argent fédéral est bien loin d’être à la hauteur des besoins.
Certains maires de villes américaines et gouverneurs d’Etat ont adopté des mesures de soutien financier immédiat aux personnes. Il s’agit notamment de moratoires concernant les expulsions et les remboursements des prêts immobiliers.
En conséquence, une crise des obligations municipales pourrait être imminente, dans ces Etats, dans la mesure où les recettes fiscales vont diminuer pendant un moment.
Cela signifie que le gouvernement fédéral devra intervenir.
La Fed triple ses efforts
Dans le même temps, la Fed travaille sur différents plans d’aide.
Au total, les aides américaines pourraient dépasser les 6 000 Mds$, dont 4 000 Mds$ de capacités de prêts et de mesures sans précédent prises par la Fed, et environ 2 000 Mds$ d’aides budgétaires sous différentes formes débloquées par l’Etat.
Outre l’abaissement des taux à zéro – dont une baisse d’urgence de 100 points de base – la Fed a annoncé une kyrielle d’autres initiatives, le lundi 23 mars dernier.
La bulle du crédit et de la dette massive, alimentée par les mesures des Banques centrales depuis la crise financière de 2008 est là pour nous rappeler que ce qui « enfle » peut « désenfler » encore plus vite lorsque la crise frappe.
Pourtant la Fed a augmenté ses mesures de QE dans de vastes proportions.
Le 15 mars, outre une baisse des taux directeurs pour la deuxième fois au mois de mars, la Fed a initié de nouveaux achats de bons du Trésor à hauteur de 500 Mds$, et de titres adossés à des créances hypothécaires (prêts immobiliers) à hauteur de 200 Mds$. Au 19 mars, le bilan de la Fed dépassait les 4 500 Mds$ atteints pendant la crise financière.
Une semaine plus tard, le 23 mars, la Fed a déclaré qu’elle continuerait d’acheter des bons du trésor et des titres adossés à des créances hypothécaires « dans les quantités nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du marché ». Cela signifie un QE illimité. Autrement dit, la Fed émet – ou crée de façon électronique – de l’argent comme si sa vie en dépendait.
Entre autres choses, la Fed va créer des mécanismes destinés aux entreprises – à hauteur de 300 Mds$ – et garantis par le Trésor américain : le PMCCF (Primary Market Corporate Credit Facility) pour l’émission d’obligations et les prêts aux grands employeurs, sur le marché primaire, et le SMCCF (Secondary Market Corporate Credit Facility) pour l’achat, sur le second marché, d’obligations d’entreprises existantes.
Pour la première fois, la Fed va acheter des obligations d’entreprises, tout comme l’a fait la Banque centrale européenne (BCE) pendant la crise financière.
De plus, la Fed dépoussière son mécanisme de prêt TALF (Term Asset-Backed Securities Loan Facility), ce qui va lui permettre d’acheter des « titrisations de prêts étudiants, crédit-auto, prêts sur cartes de crédit et prêts garantis par la SBA », selon un communiqué de presse de la Fed. La Fed a déclaré qu’elle pensait démarrer un plan d’aide aux PME (Main Street Business Lending Program). Mais il ne s’est pas encore matérialisé.
Nous verrons la suite dès demain…