La hausse des prix fait les gros titres et nourrit des débats enflammés… mais cela masque la réalité du système capitaliste actuel : il est déflationniste par nature – et aucune cérémonie d’invocation de l’inflation n’y changera quoi que ce soit.
Je vous ai déjà expliqué les vices du cadre théorique qu’utilise la Fed en matière d’inflation.
La hausse des prix des biens et services, quand elle se produit, n’a rien de miraculeux : il faut et il suffit que les conditions objectives de l’inflation soient réunies pour que celle-ci se déclenche.
De même, la non-hausse des prix n’a rien de magique : tout est objectif.
Les récits et les pensées ne produisent rien, ils sont produits par les circonstances objectives dans lesquelles ils prennent naissance. Le mode de production, les rapports de production, produisent le monde, et le système produit l’homme et la pensée de ce monde.
Comme l’homme se croit le centre du monde, il croit que sa pensée produit le monde !
« Feignons d’organiser ces phénomènes qui nous dépassent », telle est la philosophie politique qui permet aux chefs de se prétendre tels.
Déflationniste par nature
Le monde moderne est spontanément déflationniste à cause des progrès des technologies et des savoir-faire : ils font chuter la quantité de travail qu’il faut incorporer aux marchandises.
Les valeurs ont tendance à chuter. Et les valeurs ayant tendance à chuter, les prix également – si on ne s’y oppose pas par une création monétaire accrue. La création monétaire qui permet la transformation des valeurs en prix permet de tricher.
La création monétaire a pour fonction moderne de s’opposer, de ralentir les tendances à la baisse systémique des prix.
La concurrence mondiale transmet les tendances à la baisse des prix ; la mondialisation est déflationniste.
La concurrence est la force endogène qui oblige les capitalistes à être de plus en plus productifs, compétitifs et à baisser leurs prix. C’est en ce sens, comme le dit Lénine, que les capitalistes se donnent eux-mêmes la corde pour se pendre : ils le font par la concurrence.
L’accumulation sans fin de capital productif, improductif et fictif produit une suraccumulation, c’est-à-dire que la masse de capital à rentabiliser finit par dépasser les possibilités de rentabiliser. Il y a trop de capital en regard des possibilités de le rentabiliser, ou, si on veut, trop de droits à prélever qui se sont accumulés.
Le capital, c’est par définition « marche ou crève » – c’est-à-dire que le capital doit produire du profit, sinon il perd son statut de capital et est détruit. Détruit par les faillites, fusions, absorptions, buybacks, private equity, nationalisations etc.
Qui dit capital dit besoin de profit – et ce besoin, cette exigence de profit sont déflationnistes car ils écartent beaucoup d‘investissements pas assez rentables. Le système ne peut plus distribuer assez de revenus pour honorer toutes ses promesses, il pèse sur les salaires, sur les prestations, sur la rémunération de l’épargne des classes moyennes, ce qui réduit le pouvoir d’achat et donne l’impression fausse que la cause de tous nos maux, c’est l’insuffisance de la demande.
Bien évidemment, ce mode d’apparaître, cette insuffisance de la demande, sont un attrape-nigaud car la cause profonde est en amont : le système productif n’est plus en mesure de distribuer les revenus qui le feraient fonctionner harmonieusement.
C’est en vertu des mécanismes décrits ci-dessus que nos systèmes économiques sont incapables de produire à la fois les revenus qui le feraient tourner harmonieusement, les profits qui le feraient investir suffisamment et les prix qui permettraient d’honorer toutes les promesses qu’il fait.
Tricherie systémique
Le système, par conséquent, s’oriente vers la tricherie systémique. Faute de produire un ensemble de valeurs cohérentes et harmonieuses, il triche sur les prix en créant de plus en plus de fausse monnaie. Fausse monnaie qui, en s’accumulant sous forme de créances/monnaie de crédit, capital fictif, produit… une tendance renforcée à la baisse des prix.
Quand je vous explique que nous sommes gérés par des Gribouille qui se jettent à l’eau pour ne pas être mouillés !
Le système produit et accélère sa propre déflation, son propre mal, ses propres contradictions.
Comme tout a échoué, les grands prêtres faussaires utilisent maintenant une théorie magique abracadabrantesque de l’inflation : l’inflation est produite par les anticipations d’inflation, c’est-à-dire… par son attente. L’inflation prend naissance dans l’esprit des gens !
Nous sommes revenus au temps des incantations, des grigris, des amulettes – c’est l’esprit qui agit sur la matière. Quelle régression que celle qui sévit à notre époque. Esprit de l’inflation, es-tu là ?
Si vous évoquez l’inflation et que vous ne faites pas assez attention à ce que vous évoquez, attention, l’inflation va arriver. Elle va sortir de la boîte de Pandore, s’échapper de la bouteille.
La sophistication apparente des modèles officiels masque le caractère tautologique de ces lectures du marc de café. L’économie dominante est une colossale escroquerie intellectuelle. Elle a cessé d’être objective, elle est devenue un ensemble de signes et de projections subjectives sur le monde !
Notre époque subit une terrible dérive sous l’impulsion du pragmatisme. La vérité, ce n’est plus ce qui est vrai, ce qui restitue les liens organiques entre les phénomènes ; non, la vérité se définit par… ce qui marche, et le reste, on s’en fout.
Peu importe si cela marche pour des raisons que l’on ne comprend pas… et si cela produit des conséquences que l’on n’arrive même pas à imaginer.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]