Les gouvernements ont démontré qu’ils pouvaient ouvrir les vannes monétaires en grand – pourquoi s’arrêter là ? Pourquoi ne pas imprimer jusqu’à la reprise complète et totale de l’économie ?
En ce printemps 2020, les banques centrales du monde entier et les trésors publics nous ont montré – en pratique – que tout pouvait tomber du ciel.
Des milliers de milliards de dollars, d’euros et autres yens ont été déversés sur ce que l’on appelle les économies, sans bien faire attention à ce que le mot recouvre. Car les économies, cela peut être beaucoup de choses : vous, moi, le gouvernement, la Bourse, les banques, Renault ou Bernard Arnault.
La question se pose de savoir s’il est possible de créer du pouvoir d’achat à partir de rien, s’il est possible de fonctionner de cette façon sans risque, si on peut continuer à financer les dépenses des gouvernements sans limite, par la planche à billets et les dettes illimitées.
Après tout on vient d’administrer la preuve que c’est possible, et les citoyens auraient tort de ne pas poser ces questions essentielles : pourquoi se restreindre dans la création monétaire tombée du ciel, pourquoi ne pas creuser les déficits à l’infini, pourquoi imposer l’austérité alors que l’on peut tout payer de la sorte ?
La question principale
Je dirais même que c’est la question principale que devraient poser les représentants des citoyens, les intellectuels, les partis politiques, les syndicats, les médias, etc. – car elle est au centre de la problématique de l’action en cours.
L’austérité est-elle nécessaire, et pourquoi ? En vertu de quel raisonnement impose-t-on des limites à ce qui semble ne pas en avoir, pour quoi créer des inégalités alors que l’on peut satisfaire tout le monde ?
Dans cet esprit, on peut avancer un argument de poids : les capacités de production existent puisque la récession est telle que le Produit national brut va chuter de 10% à 15%, et que les salariés sont et vont être mis au chômage par dizaines voire centaines de milliers.
Il n’y a pas de limites aux capacités productives puisqu’elles étaient là avant la crise et qu’elles n’ont pas été détruites par elle. Pourquoi ne pas produire, pourquoi gaspiller des ressources que l’on a à portée de la main ? Pourquoi faire souffrir inutilement le peuple ?
La théorie économique keynésienne a toujours soutenu que les déficits publics et l’endettement croissant du secteur public ne posaient aucun problème et qu’ils étaient « soutenables » tant que les dépenses supplémentaires produisaient une croissance économique plus rapide.
Tout existe
Nous sommes bien sûr dans ce cas puisque si on y met les moyens, le rebond – taux de croissance – peut être rapide, phénoménal et colossal ! Tout existe, tout est disponible.
Ces keynésiens nous disent que si la croissance du PIB réel est supérieure au coût de l’intérêt sur la dette (g>r), alors la dette publique peut être soutenable. Ici, avec les taux zéro, tout est soutenable, n’est-ce pas ?
Et puis pourquoi être modeste ? Les gouvernements n’ont même pas besoin d’augmenter leur dette sous forme d’obligations d’Etat.
Leur banque centrale peut très bien « imprimer » de l’argent pour financer les dépenses : les seules contraintes économiques auxquelles sont confrontés les Etats émetteurs de monnaie sont l’inflation et la disponibilité de main-d’œuvre et d’autres ressources matérielles dans l’économie réelle.
A l’évidence, l’Union européenne dispose de la planche à billets puisqu’elle l’utilise pour sauver les Bourses, les entreprises, les ultra-riches et les gouvernements qui lui conviennent. Quant à la main d‘œuvre et aux ressources matérielles, on en dispose à ne savoir qu’en faire.
L’inflation est-elle à craindre ? Bien sûr que non ! Comment l’inflation surviendrait-elle ?
C’est lorsque la capacité inutilisée d’une économie est épuisée, de sorte qu’il y a plein emploi de la main-d’œuvre, à un niveau de technologie donnée, que l’inflation peut se manifester : nous en sommes loin !
Et puis pourquoi être timide ou malthusien et se borner à financer la reprise ? Autant ne pas hésiter et, en même temps, financer à coups de milliards les nouveaux projets, les innovations, les nouvelles capacités de production.
Hélas, ce n’est pas si simple, comme nous le verrons lundi.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]