▪ Cela ressemble beaucoup à « l’emballage final » avec des gérants qui cravachent à bride abattue pour tenter de recoller au peloton de tête. Ils rachètent en priorité les titres à la traîne, les mal-aimés des onze derniers mois.
Le CAC 40 avait rouvert sur un gap à la hausse, au-dessus des 3 519 points. Il s’en est suivi une progression linéaire — toujours le même algorithme à l’oeuvre depuis le 16 novembre — qui a porté l’indice au contact des 3 570 points, à 25 points de sa meilleure clôture annuelle de la mi-mars (et à 18 points de son zénith du 14 septembre dernier).
Les indicateurs de surachat sont portés à l’incandescence alors que le CAC 40 vient d’aligner huit séances de hausse sur une série de neuf. C’est sans précédent depuis les huit séances de hausse de début mars dernier et les « huit sur neuf » du 22 décembre 2011 au 3 janvier 2012, puis les « huit sur huit » de fin avril 2011 (avec plus de trois milliards d’euros de volumes moyens).
L’excès débouche sur toujours plus d’excès… toujours plus haut… toujours moins d’acheteurs… Sauf ce jeudi où les suiveurs se sont sentis obligés de payer pour ne pas être absents du marché en cas de débordement des 3 600 points. Nous parions que c’est exactement le cas de figure que les sherpas attendaient pour sortir du marché, quand le consensus devient haussier à plus de 80% et que la volatilité est au plus bas historique.
▪ Un heureux hasard qui arrange tout le monde
Par un heureux hasard, la mauvaise nouvelle du jour n’est tombée qu’à 17h35. Wall Street a brusquement rétrogradé entre 17h35 et 17h40. Les principaux indices américains ont effacé en quelques minutes la totalité des gains affichés entre 16h et 17h30 (0,45% à 0,7% pour le Nasdaq) suite à une déclaration désabusée de John Boehner sur l’absence d’avancée dans les négociations avec les démocrates.
Après avoir euphorisé Wall Street mercredi soir (et l’Europe jeudi), le leader républicain dénonçait la mauvaise volonté des démocrates et le « peu de sérieux » sur la question des coupes budgétaires… dans les dépenses sociales.
Car il n’est évidemment pas question de toucher à la défense et la sécurité nationale, une obsession des conservateurs du Congrès.
Barack Obama a réaffirmé de son côté sa volonté d’aligner la fiscalité des dividendes sur celle des revenus du travail. Une proposition jugée inacceptable et digne d’un dirigeant communiste du Vieux Continent !
Malgré la dissipation de l’optimisme béat de la veille, les acheteurs ont finalement repris la main à la mi-séance… Pas question de la lâcher à 24 heures de la fin du mois de novembre, qui redevient positif après un sérieux passage à vide dans le sillage du titre Apple.
Ce sera un finalement un bon cru. Le Nasdaq qui a repris 0,7% jeudi soir pourrait gagner 1,2% s’il terminait inchangé ce vendredi. A 3 012 points, il rejoint la moyenne à 100 semaines, et comble de bonheur le S&P 500 (1 416 points) qui est repassé dans le vert pour 0,2%.
▪ Déjà Noël sur les marchés ?
Qu’il s’agisse de Wall Street ou des places européennes, la hausse des 10 derniers jours s’apparente à un véritable rally de fin d’année (surtout pour l’Euro-Stoxx 50 ou le CAC 40 avec plus de 6% de gains), avec juste quatre semaines d’avance par rapport à l’échéance habituelle.
La question de la falaise fiscale peut légitimement faire sourire les investisseurs. C’est du pur story telling… un contexte où les marchés peuvent partir dans tous les sens au gré des déclarations des uns et des autres. Mais ne gagnent que ceux qui disposent de l’algorithme le plus rapide !
Nous ne cessons de souligner que les véritables enjeux vont bien au-delà du surgissement d’un risque largement fictif de couperet tombant le 31 décembre. Qui a jamais pu croire que la Maison Blanche et le Congrès pourraient approuver la mise en oeuvre de coupes automatiques dans les dépenses, au risque de torpiller la croissance ?
Pour imager notre vision de l’exploitation médiatique de la falaise fiscale je prendrais l’image du champ de mines — les déficits américains, la récession en Europe, le ralentissement en Chine — dans lequel personne ne veut plus se risquer.
▪ Un épouvantail à investisseurs
Dès la réélection de Barack Obama, quelques petits malins ont planté un épouvantail à moineaux en plein milieu. Regardez comme il est horrible et grimaçant, n’avancez plus, vous auriez trop peur !
Et puis mercredi soir, quelqu’un a tiré sur la grosse ficelle de l’accord démocrates/républicains… et l’épouvantail s’est effondré en quelques secondes.
Fini la grande peur de la falaise fiscale. Tout le monde s’engage d’un pas alerte dans le même champ de mines que personne n’a pris la peine de purger de ses pièges mortels ; peu importe puisque l’épouvantail gît disloqué sur le sol et n’effraie plus personne.
Tout se passe bien pour l’instant et cela va peut-être continuer encore quelques jours, la marche en avant semble avoir repris sans encombre.
Mais dès que retentira la première explosion, la panique sera générale car il n’y aucune échappatoire vu l’étroitesse historique des volumes.
Les investisseurs ne songent pas à fuir et pourquoi le feraient-ils ?
Ils ont découvert jeudi une hausse surprise de 5,3% des promesses d’achat de logements neufs en octobre aux Etats-Unis — alors que les ventes réelles avaient reculé de 0,3% à l’issue du même mois.
Assez curieusement, aucun coup de chapeau n’avait salué le relèvement de l’estimation du PIB américain à 2,7% au troisième trimestre (suite au retraitement des données concernant les stocks et les exportations). Peut-être les investisseurs ont-ils été légèrement déçus du faible recul des inscriptions hebdomadaires au chômage ?
Le plus paradoxal, après une série de bons chiffres (pour une fois, rien à redire), c’est que l’euro se renforce face au dollar à 1,2990, ce qui provoquait une soudaine appréciation du pétrole à New York — le baril de WTI a même flambé de 3% jusque vers 88,75 $.
▪ La Fed prépare ses rotatives
L’explication ne surprendra guère nos lecteurs. Ben Bernanke va probablement annoncer le doublement de la taille du QE3 lors de la prochaine réunion des 11/12 décembre.
Le Beige Book préparé par la Fed de Richmond, et qui servira de base de travail pour la prochaine réunion du FOMC, a dévoilé un diagnostic proche de celui de la précédente édition : activité molle, embauches insuffisantes… et pas de tensions inflationnistes à l’horizon.
L’argument massue qui devrait balayer toutes les objections à un recours massif à la planche à billets, c’est que les Japonais ont rallumé la guerre des devises il y a 15 jours.
Pas question de laisser la Banque du Japon mener une dévaluation compétitive du yen au détriment des entreprises exportatrices américaines.
La Banque centrale d’Angleterre ne devrait pas tarder à suivre le mouvement au prétexte que les banques britanniques sont insuffisamment capitalisées.
Alors les dindons de cette farce monétaire à répétition… vous les connaissez par coeur.
Il vous suffit de contempler le premier miroir à votre disposition.
2 commentaires
Bonjour et merci a Monsieur Philippe Béchade pour ses billets et analyses sont un véritable plaisir a découvrir quotidiennement . Et merci de nous faire partager votre humour et vos analyses techniques.
Cordialement.
Laurent
Le CAC monte aujourd’hui encore porté par les bons chiffres de la consommation des ménages en France pour le mois d’octobre qui sont moins pires qu’attendus. Comme toutes les news provenant du front de la lutte contre la dette et toutes les statistiques micros et macros sont systématiquement interprétés comme bonnes car… moins pire qu’attendues, le CAC peut effectivement monter sans limite ou presque… au moins à court terme.
Les détecteurs de mensonges du boursicoteur lambda (pour ceux qui en ont un en état de fonctionnement) doivent clignoter rouge vif mais face à l’unanimisme médiatique ce dernier est dans la situation psychique des sujets soumis aux expériences de psychologie de groupe du Professeur Salomon Asch rapportées notamment dans le livre de Paul Watzlawick, « La réalité de la réalité ». Parmi les commentaires libres des sujets (post-expérience), celui-ci s’applique parfaitement à la situation : « A moi il me semble que j’ai raison, mais ma raison me dit que j’ai tort, parce que je doute de pouvoir être le seul à avoir raison tandis que tant de gens se trompent » (p. 90).
Maintenant, si on peut faire du CAC 40 une machine à pricer les fondamentaux en mode variationnel par rapport au pire (c’est bien pratique), je doute qu’on puisse le faire sur les bénéfices des boites et encore moins sur le cash versé aux actionnaires.
Chasser les fondamentaux et ils reviennent aux galops.