▪ Vous connaissez tous ce petit acronyme « MDR » (comprenez mort de rire) qui émaille les commentaires sur Facebook ou les SMS que s’envoient les ados ?
Eh bien, cette séance du lundi 27 août nous procure une matière abondante pour ponctuer chacun des paragraphes qui vont suivre d’un MDR de plus ou moins bon aloi.
Tenez, pour bien commencer : « il s’est échangé 900 millions d’euros à Paris en tout et pour tout entre 9h00 et 17h30 ».
MDR ! Il s’était déjà traité 4 milliards de dollars sur Apple, deux heures après l’ouverture et 6,5 milliards de dollars après trois heures de cotations. Cela représente cinq fois le chiffre d’affaires négocié sur les 40 vedettes du CAC en l’espace de neuf heures et demie.
▪ Plus les nouvelles sont mauvaises, plus ça grimpe !
Continuons dans la même veine : « compte tenu de l’actualité du week-end et des chiffres publiés en Europe en début de matinée — révision à la baisse de la croissance espagnole en 2010, 2011 et 2012, recul de l’indice IFO de 103,3 vers 102,3 — une hausse des indices en Zone euro relevait des fantasmes d’un permabull.
MDR ! L’Euro-Stoxx 50 a repris 1,15% à 2 460 points alors qu’il testait 2 420 points en fin de matinée.
Et que dites-vous de ça : « la Banque central chinoise va faire tout ce qu’il faut pour soutenir la croissance et la consommation intérieure ».
MDR ! La Bourse de Shanghai a dévissé de 1,7% lundi matin et l’indice SSE se retrouve au plus bas depuis le 3 mars 2009.
Comme me l’a déclaré un homme d’affaires rencontré à Hong Kong : « nos chiffres économiques sont fantaisistes mais nos cours de Bourse sont rationnels. Chez vous autres, Occidentaux, c’est l’inverse : vos statistiques sont exactes mais vos cours de Bourse sont complètement fantaisistes ». MDR !
Pour résumer le comportement du CAC 40 depuis fin décembre 2011, plus une hausse apparaît injustifiée, absurde, contre-intuitive, disproportionnée plus l’indice grimpe, et ça n’a pas raté ce lundi : MDR !
Qu’est-ce que fait le CAC au-dessus des 3 460 points alors que Wall Street gagnait 0,15% vers 17h35 (et plus rien à deux heures de la clôture) ?
Eh bien il reflète l’anticipation d’une action concertée des banques centrales, répondent en choeur les gérants et stratèges qui se déclarent tous haussiers mais n’achètent jamais un bout de papier, MDR !
Partant du principe que plus la récession s’aggrave, plus les cours grimpent, la Bourse de Paris s’apprête à battre ses records annuels avant la mi-septembre, tandis que le S&P et le Dow Jones viseront — sans succomber au vertige — leurs records historiques de fin octobre 2007, MDR !
En ce qui concerne Apple, un nouveau record absolu a été inscrit à 680,87$ : son concurrent Samsung a été condamné à 1 milliard de dollars de pénalité par un… jury populaire californien ! Autant faire juger un prétendu hérétique cathare par un tribunal de l’inquisition sous la papauté d’Innocent III, MDR !
L’Espagne nous a bien fait rire aussi en ce lundi 27 août. Madrid compte n’utiliser que 60 milliards d’euros pour sauver les banques ibériques sur les 110 milliards d’euros promis par l’Union européenne fin mai. Avec les 50 milliards d’euros restants, qu’est-ce que M. Rajoy compte faire ? Investir en Argentine ? MDR !
▪ Les pays du nord à la rescousse des pays du Sud ?
La BCE s’est fixée comme objectif de renflouer l’Espagne dès cet automne — et l’Italie au début de l’hiver quand tout le monde aura compris que ce pays part lui aussi en vrille. Mais comment Mario Draghi expliquera-t-il à Angela Merkel et aux pays du nord qu’il va falloir racheter de la dette des pays du sud indéfiniment puisque l’austérité exigée des bénéficiaires va engendrer des années de récession et de creusement des déficits ?
Et sans croissance, qu’est-ce qui justifie le niveau actuel des marchés ?
Des taux d’intérêt réels négatifs ?
MDR ! Ils l’ont été de façon permanente au Japon à partir de 1993 et Tokyo n’a cessé de baissier durant une décennie et demie !
Mais les investisseurs, qu’ils opèrent à Paris, Londres ou Wall Street n’entendent pas laisser passer l’occasion de propulser les actions vers des niveaux de valorisation surréaliste avant les présidentielles de novembre aux Etats-Unis. Rappelons qu’en cas de victoire de Mitt Romney, ils devraient dire adieu à leur idole Ben Bernanke, MDR !
Les marchés semblent déjà avoir atteint l’état d’adoration avant la grand-messe des banquiers centraux qui se déroule comme chaque année à Jackson Hole ce vendredi.
Ils entretiennent le ferme espoir que la Fed précisera de quelle façon elle va permettre au S&P de retracer ses sommets historiques de juin et octobre 2007.
▪ Un QE3 déjà dans les cours…
Car Helicopter Ben est pris à son propre piège. Il a si bien su faire rêver Wall Street d’un QE3 que les marchés ont déjà pricé ces deux derniers mois un recours massif à la planche à billets.
S’il ne fait rien, ce sera la douche froide pour Wall Street — et par extension le pétrole et l’or. S’il réaffirme qu’il agira dans le sens espéré, ce sera le retour des bulles de matières premières (le pétrole au-dessus des 100 $ sur le NYMEX et l’or à 1 700 $) — et à brève échéance des émeutes de la faim dans les pays en voie de développement.
Car l’Amérique, frappée par une sécheresse historique, pourrait se retrouver contrainte d’importer d’énormes quantités de céréales (destinées à la nutrition animale principalement) et ses besoins sont tellement immenses que cela peut complètement déséquilibrer le marché mondial.
Malgré ses déficits en tout genre, l’Amérique peut se payer (même au prix fort) absolument toutes les denrées agricoles de première nécessité dont elle a besoin, ce qui n’est pas le cas de l’Egypte, du Soudan, du Pakistan ou de l’Afrique subsaharienne en général.
Et là, fini les morts de rire… car le monde renouerait avec le cycle dramatique des morts de faim !