▪ A force de robotisation, les marchés finiraient-ils par reproduire indéfiniment les mêmes scénarios graphiques ?
Nous évoquions dès lundi matin la possibilité de voir les places européennes nous rejouer le scénario du 11 juin, pour des causes identiques ayant trait à la tension des taux en Espagne. C’est exactement ce qui s’est produit, à quelques variantes (insignifiantes) près.
Nous avons observé une forte hausse initiale de 1,5%, un plafonnement dans la zone des 3 120 points, puis une rechute sous les 3 088 points (ex-plancher du 6 mars). Il s’est ensuite produit une accélération à la baisse en direction des 3 060 points, et enfin une clôture en repli de 0,7% ce 18 juin contre 0,3% le 11 juin… Le tout dans des volumes parfaitement identiques de 3,3 milliards d’euros.
Il y a plus intriguant encore : la séquence baissière moyen terme apparaît également identique — vague pour vague — à celle qui s’était dessinée du 2 mai au 28 octobre 2011. La seule différence concerne le timing, qui s’avère juste un tout petit peu plus rapide… mais quelle troublante ressemblance avec cette ébauche de « tête/épaules inversée » qui avorte sous les 3 120 points au lieu de 3 370 fin octobre dernier.
▪ Quelques pistes graphiques pour les jours qui viennent
Si la suite des évènements devait être conforme au scénario du quatrième trimestre 2011, le CAC 40 devrait revenir s’appuyer sur la zone des 2 970 points, avant de se redresser en direction des 3 400 points.
Un enfoncement des 2 950 points serait en revanche mauvais signe. Il préfigurerait la fermeture du gap des 2 871 points et le retracement des 2 800 points. En ce qui concerne le gap des 3 035 points du 14 juin, il ne faudra certainement pas attendre longtemps avant que le CAC 40 revienne le combler : une petite consolidation de Wall Street de -0,5% devrait y suffire.
Après une envolée de 2,6% la semaine dernière, nous ne serions pas surpris que les investisseurs américains jouent la prudence avant le discours de Ben Bernanke demain soir.
D’ici là, les « portes de saloon » devraient continuer de battre à toute volée, pulvérisant ainsi les stratégies directionnelles des opérateurs convaincus soit de la dislocation de la Zone euro… soit d’un redémarrage sur de nouvelles bases après la mise en oeuvre de mesures de sauvegarde du système financier européen.
▪ Une séance coûteuse pour certains…
Cette séance de lundi a pu coûter très cher aux optimistes de la première heure : ceux-là ont dû payer le CAC 40 au-delà des 3 150 points en préouverture, et ils ont dû renforcer vers 3 120 points dès l’entame des cotations.
Après tout, les médias n’annonçaient-ils pas que l’euro était sauvé et qu’il n’était plus question d’une « grexit » (sortie de la Grèce) ? Après tout, le camp pro-austérité avait remporté les législatives, malgré sa position minoritaire en termes de suffrages exprimés : pas plus de 42% contre un peu plus de 61,8% pour les parts hostiles aux « diktats de Berlin ».
Il ne fallait pas insister et ne surtout pas rester acheteur lorsque l’euro a entamé son reflux sous les 1,2600 $. Le CAC 40, qui affichait +1,3% vers 9h30, a clôturé en repli de 0,7%. Il évitait de justesse d’en terminer au plus bas du jour… mais il n’en a pas été de même pour Milan (-2,9%) et Madrid (-3%).
De tels écarts en disent long sur le malaise ressenti au sujet de la solidité des pays du sud de l’Europe. Cela se traduit par une nouvelle flambée spectaculaire des taux longs, notamment en Espagne où le 10 ans inscrit un record absolu à 7,23%, soit +35 points de base par rapport à vendredi. Ceci alors que le taux de créances douteuses des banques ibériques s’établit officiellement à 8,72%… ce total étant à multiplier par deux pour obtenir un tableau plus conforme à la réalité.
Madrid a effacé en quelques heures tous ses gains de la semaine passée ; la bourse de Francfort a été la seule à terminer dans le vert (+0,3%) tandis que le rendement des Bunds Allemands refluait sous les 1,25%.
▪ Le « soutien à la croissance » fait débat
Manifestement, l’intransigeance d’Angela Merkel, qui ne veut rien lâcher sur les engagements pris par la Grèce — contrairement à ce que sous-entendaient certains ministres allemands lundi matin en réponse aux appels du pied d’Antonis Samaras et Jean-Claude Juncker — rassure les marchés… Même si cela l’isole encore plus au sein d’un G20 où la relance fait partie des attentes les plus manifestes des Etats-Unis et de la Chine.
La chancelière ne semble pas disposée à soutenir la politique de soutien à la croissance prônée par Barack Obama. Ce dernier voit par ailleurs sa possible élection sérieusement compromise par son bilan économique.
Les Américains ont bien conscience que la baisse du chômage n’est que le résultat d’un tripatouillage grotesque des statistiques concernant la population active, que les républicains ont beau jeu de dénoncer… à juste titre. En effet, 1,6 million d’emplois ont certes été créés mais plus de trois millions de chômeurs aptes à travailler ont disparu des statistiques officielles !
La croissance américaine s’essouffle mais il y a bien pire sur la planète, notamment du côté des émergents avec l’abaissement de la note de l’Inde juste un cran au-dessus de la catégorie « spéculative ». Les agences de notation dénoncent un « effet de ciseau » en Inde, où la croissance économique se retrouve divisée pratiquement par deux en l’espace de deux ans, tandis que l’endettement du pays a pratiquement doublé.
▪ Les prochains sommets s’annoncent agités !
Cela met en lumière le ralentissement mondial : le problème ne provient pas que de la seule récession qui sévit en Europe, laquelle refuse de se retrouver seule sur le banc des accusés.
Angela Merkel ne manque pas de dénoncer l’endettement abyssal (ce sont ses propres termes) des Etats-Unis, leur absence de rigueur budgétaire et l’inexistence du moindre consensus pour s’attaquer au problème des déficits.
La réunion du G20 qui vient de débuter à Los Cabos, au Mexique, exhale un climat délétère. Les dissensions franco-allemandes se sont radicalisées jeudi et vendredi… La Chine s’exaspère de voir l’Europe impuissante à résoudre problème grec et à consolider le système bancaire ibérique… Et Barack Obama veut une référence explicite à des efforts visant à soutenir la croissance (tout comme la France) dans le communiqué final.
La préparation du prochain sommet européen du 28 et 29 juin ne pouvait pas plus mal débuter. La France annonce déjà qu’elle ne pourra pas dévoiler son véritable programme économique, dans la mesure où l’audit sur les finances du pays ne sera publié que le 2 juillet pour cause de calendrier politique trop chargé. Il apparaît surtout chargé… de lourds sous-entendus !