Quoi qu’on en dise, la financiarisation est une conséquence et non une cause des inégalités et des déséquilibres. Et ce n’est pas fini…
La « financiarisation » a été présentée par des économistes hétérodoxes comme étant la cause des iniquités et des échecs des économies capitalistes modernes. Elle serait la cause principale de la crise de 2008 par ses excès.
Bien que je stigmatise régulièrement la financiarisation, je ne me range pas dans ce camp. La financiarisation est une conséquence et non pas une cause.
Je soutiens que la cause de la crise, se situe dans l’appareil de production, dans l’économie réelle, et qu’elle a pour origine la tendance à la baisse de la profitabilité du capital.
On confond le mal et les remèdes
Ce qui passe pour une cause, ce qui donne l’apparence d’être la cause, ce sont les remèdes apportés à la crise de profitabilité. On confond le mal fondamental avec les faux remèdes qui lui sont apporté. Tout cela parce que l’on ne veut surtout pas reconnaître que le système, dès lors que l’on refuse les destructions périodiques de l’excès de capital, devient instable.
La financiarisation, pour moi, a été la réponse à la tendance au ralentissement de la croissance, à l’érosion de la profitabilité du capital, qui sont apparus vers les années 70 lorsque les effets « positifs » de la Deuxième guerre mondiales se sont dissipés.
Le système n’a plus réussi à distribuer de façon harmonieuse revenus du travail et profits ; ils sont devenus plus antagoniques. Le fordisme a touché ses limites, par exemple.
La rareté crée les antagonismes en raison du ralentissement de la création de richesse et de l’alourdissement de la composition organique du capital : la suraccumulation.
Il n’y a pas assez de grain à moudre, pas assez d’huile dans les rouages pour que tout se passe bien.
La financiarisation et le néo-libéralisme ont succédé, comme solution aux problèmes du capitalisme, au capitalisme monopolistique d’Etat (CME).
Les anciennes béquilles fiscales ou budgétaires du capital ont été remplacées par un durcissement des exigences du capital à l’égard des salariés et une demande de politique monétaire plus laxiste. La dérégulation.
Exploités en tant que salariés et en tant qu’épargnants
Face à la tendance à la baisse de la profitabilité, il a fallu peser sur la rémunération des salariés, augmenter le taux d’exploitation et recourir à l’effet de levier – c’est-à-dire à la socialisation du capital. Car le levier est une socialisation : on pille les biens communs que sont la monnaie et l’épargne du public.
On a exploité les gens non seulement en tant que salariés, mais aussi en tant qu’épargnants.
La financiarisation a consisté à compenser l’insuffisance des profits/cash-flows des entreprises et des revenus du travail par les dettes/crédits. Un système s’est construit pour théoriser, produire, mobiliser et faire du profit sur ces dettes.
La fonction a créé l’organe financier… puis il s’est autonomisé, il a produit sa logique propre et il s’est fait envahissant pour toujours gagner plus. On a ouvert la boîte de Pandore.
La tendance structurelle à la baisse du taux de profit a été aggravée, comme le dit Alan Greenspan, par le développement non-contrôlé des transferts sociaux.
La disparition de l’inflation – qui euthanasie le passé et détruit les traces du système au fur et à mesure qu’il avance – a été dans un sens une catastrophe, car le capital ne s’est plus suffisamment dévalorisé en continu. Il s’est accumulé, surtout les dettes. Maintenant on court après l’inflation chérie !
La pourriture n’est plus nettoyée
Le refus des élites de laisser les cycles faire le travail de sélection des plus forts et de nettoyage de la pourriture a été également une erreur considérable. En effet, cela a aggravé la suraccumulation avec les zombies, le capital de poids mort, le capital fictif des rentiers.
Par ailleurs, on a laissé se construire et se développer des monopoles comme les GAFA, lesquels attirent à eux « la rente différentielle » à la faveur de la complaisance pour la Bourse. Les GAFA pillent le surproduit mondial.
Les élites, conservatrices pour elles-mêmes, ont refusé les mues du serpent.
Nous verrons la suite dès demain…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
1 commentaire
Aïe! J’ai arrêté de lire quand j’ai lu « Bien que je stigmatise régulièrement la financiarisation, je ne me range pas dans ce camp. La financiarisation est une conséquence et non pas une cause. » et « La financiarisation, pour moi, a été la réponse à la tendance au ralentissement de la croissance, à l’érosion de la profitabilité du capital, qui sont apparus vers les années 70 lorsque les effets « positifs » de la Deuxième guerre mondiales se sont dissipés. »
Toujours le même mode de pensée unipolaire: Vive le capitalisme, vive le libéralisme, vive la liberté… Un formatage en règle de la pensée. Désolé.