Alors que les marchés sont en plein essor, Warren Buffett, pourtant assis sur un trésor de liquidités, semble plus prudent que jamais. Une stratégie de désengagement qui interroge, surtout quand d’autres entreprises affichent des hausses vertigineuses.
Pouvez-vous imaginer un groupe américain gagnant 10 Mds$ par trimestre, et plus de 40 Mds$ en année pleine, licencier 4 000 personnes ?
C’est pourtant l’annonce que vient de faire Berkshire Hathaway.
Le conglomérat dirigé par Warren Buffett (en passe d’afficher un bénéfice d’exploitation annuel record, le plus élevé en 60 ans) détient certes un portefeuille de valeurs de premier plan cotées à Wall Street, mais également des participations directes dans des dizaines d’entreprises « non publiques ».
Il s’agit de la branche « activités opérationnelles » qui s’apparente à du private equity et qui concerne une sélection d’entreprises employant environ 392 000 personnes à fin 2024, contre 396 440 dans son dernier rapport annuel de février dernier.
Ce n’est pas une première historique, puisque Geico a déjà supprimé 7 700 emplois en 2023, Precision Castparts avait supprimé 13 400 emplois en 2020 (les commandes de Boeing et d’autres avionneurs auprès de ce sous-traitant s’étaient effondrées durant la pandémie de COVID-19). Plus récemment, Pilot a fermé son activité de négoce international de pétrole et a licencié la plupart des dirigeants de cette activité pour se concentrer sur les relais routiers et les stations-service.
Ceci dit, il convient de relativiser : « optimiser » la force de travail, c’est le quotidien des entreprises, et 4 000 salariés sur 396 400, cela représente 1% des effectifs. Cela ne constitue pas le signe avant-coureur d’une récession qui couve sournoisement depuis plusieurs trimestres.
En revanche, la montagne de cash que s’est constituée Berkshire Hathaway depuis un an, alors que les marchés US sont bullish (Warren Buffett aurait pu maximiser ses gains en restant investi à 100%) avec plus de 30% de hausse moyenne en 2024 (le S&P 500 passant de 4 700 le 3 janvier 2024 à 6 100 le 6 décembre 2024, le Nasdaq de 14 600 à 20 200 le 16 décembre), pose question.
Au lieu de « danser tant que l’orchestre joue à tue-tête », l’oracle d’Omaha s’est désengagé obstinément au fil des mois : il a ainsi complètement raté le « Trump trade » du 6 novembre au 30 janvier, le Nasdaq s’envolant de 18 200 vers 20 200 en six semaines.
Ce qui soulevait quelques interrogations du type : Warren Buffett a-t-il perdu la main, puisque les entreprises dans lesquelles il a investi licencient, tandis que celles dont il se désengage s’envolent vers le firmament boursier ?
Ces deux dernières années, Berkshire a vendu pour 166 milliards de dollars d’actions, dont 133 Mds$ en 2024. Warren Buffett a expliqué à plusieurs reprises qu’il trouvait peu d’opportunités intéressantes sur le marché boursier américain.
Et dans le même temps, Nvidia et Broadcom faisaient plus que doubler leurs cours de Bourse. Buffett a vendu près des deux tiers de ses actions Apple, qui représentaient autrefois 178 Mds$ du portefeuille de Berkshire. Il a également réduit sa participation dans Bank of America, vendant plus de 10,5 Mds$ d’actions alors que les bénéfices de la banque, récemment rejointe par Thierry Breton, s’envolent.
Tandis que les investisseurs institutionnels n’ont jamais été autant investis que fin 2024 (les fonds « discrétionnaires » sont exposés à 95% sur le marché, les liquidités sont réduites pratiquement à zéro), la trésorerie de Berkshire a atteint un nouveau record historique de 325 milliards de dollars, le stock de cash le plus élevé jamais enregistré pour le fonds mais également (vous pouvez vérifier) pour une entreprise privée depuis que Wall Street existe.
Warren Buffett a déclaré « qu’il était à l’aise avec l’idée d’accumuler des liquidités », alors qu’il aurait pu réaliser fin 2024 les gains les plus massifs de l’Histoire.
Une perte d’opportunité qui ne serait pardonnée à personne d’autre, mais qui sera peut-être un jour saluée comme la décision la plus sage face à un marché qui avait perdu la raison et la retrouve soudain avec les tarifs douaniers de Trump… l’orchestre cessant soudain de jouer en pleine polka !
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Merci pour ces infos. Ici quelques nouvelles du Panama :
https://michelgeorgel.com/donald-va-t-il-couler-le-canal-du-panama/