Derrière la promesse de performance et de diversification, les fonds d’investissement non cotés accessibles aux particuliers peinent à convaincre.
Dans le cadre d’une étude publiée il y a quelques jours, l’AMF a étudié sous toutes les coutures la performance des fonds d’investissement axés sur les sociétés non cotées, accessibles aux clients non professionnels. Cet exercice inédit dresse un tableau sans fard de ces actifs qui sont fréquemment proposés aux particuliers pour augmenter la performance de leurs investissements ou financer « l’économie réelle ».
Pour dresser un panorama le plus fidèle possible de la performance de ces instruments de plus en plus populaires, l’AMF s’est appuyée sur l’ensemble des catégories disponibles, hors fonds adossés à l’immobilier.
L’enjeu est de taille : entre 2017 et 2023, les encours des FCPR, FIP et autre FCPI ont bondi de 1 100%, passant d’un peu moins de 630 millions d’euros à plus de 7,8 milliards d’euros.
Le constat du gendarme des marchés est sans appel.
Dans toutes les catégories de fonds, les performances restent sensiblement inférieures aux véhicules équivalents dédiés aux professionnels. Pire encore, lorsque les fonds sont logés dans des assurances-vie pour optimiser la fiscalité à la clôture ou en cas de succession, les frais de gestion viennent réduire en moyenne la performance annuelle de plus de 80 points de base.
Malgré les performances favorables souvent mises en avant, et l’empressement des conseillers financiers à suggérer l’investissement dans les entreprises non cotées comme le meilleur moyen de diversifier prudemment son patrimoine, la réalité des chiffres montre qu’il s’agit surtout d’un moyen de mettre son argent en sommeil, tout en enrichissant les intermédiaires financiers. La multiplication des frais vient laminer une performance brute déjà peu reluisante, privant l’épargnant de tout espoir de rendement, tout en le laissant assumer l’intégralité du risque.
Des performances médiocres à négatives
La première conclusion de l’étude de l’AMF est que – hors FCPR – les fonds ont des performances négligeables, voire négatives.
Chez les FCPR classiques, la performance est très différente entre les FCPR evergreen (ouverts en permanence aux souscriptions et rachats), et les non evergreen (à date de rachat fixe).
Le taux de rendement interne annualisé (TRI) des premiers atteint, en valeur médiane, les 5%, tandis qu’il plafonne à 2,7% chez les seconds. Cela signifie que la moitié des fonds ont une performance inférieure, tandis que la moitié a une performance supérieure.
Cette performance médiane des FCPR, déjà médiocre, est pourtant bien supérieure à celle des autres supports.
Sur la durée de l’étude, 75% des FIP (fonds d’investissement de proximité) ont vu leur TRI plafonner sous les 1,75%, tandis que 50% des FIP ont eu une performance inférieure à -2,4%. Cela signifie que plus de la moitié des fonds ont fait perdre de l’argent à leurs souscripteurs, à long terme. Le quart des FIP a même réussi la prouesse d’avoir une performance annuelle inférieure à -5% par an, sachant qu’un TRI de -5% conduit à perdre 40% de son épargne sur dix ans.
Du côté des FCPI, très prisés pour l’avantage fiscal apporté par le financement dans l’innovation, l’investissement dans les entreprises à la pointe du progrès ne s’est pas avéré bien plus rentable. Le TRI médian des FCPI a lui-aussi été négatif, à -1,1% par an. Moins de la moitié des FCPI ont réussi à rendre aux épargnants l’intégralité des fonds qui leur avaient été confiés, et le quart des FCPI les moins performantes a également fait disparaître près de 5% par an.

TRI médians (en bleu), du 1er quartile (en vert) et du 3e quartile (en orange) des différents fonds. Source : AMF
Des frais qui s’accumulent
Si l’AMF peut se féliciter de constater que les frais annuels prélevés par les gérants sont quasi systématiquement en deçà du montant prévu contractuellement, il n’en demeure pas moins qu’ils contribuent significativement aux mauvaises performances.
Chez les FCPR evergreen, non evergreen ainsi que les autres FIA en assurance-vie, les frais médians sont de l’ordre de 2,5% par an. Chez les FIP et les FCPI, la technicité apparente des produits permet aux émetteurs de faire gonfler encore la facture. Les frais annuels sont, dans la moitié des cas, supérieurs à 3,5% et 3,2% par an respectivement.
C’est donc bien le poids des frais qui fait plonger la performance annuelle de ces supports en territoire négatif. S’ils étaient au niveau des frais des ETF boursiers (moins de 1% par an), la moitié des fonds auraient une performance annuelle positive. Plus gênant encore, aucune corrélation n’a été trouvée par l’AMF entre le niveau de frais annuels et la performance du fonds. Les investisseurs qui pensaient payer plus cher pour obtenir de meilleures performances ont simplement… payé plus cher.
De mauvais choix, en absolu comme en relatif
Les contre-performances des fonds exposés aux sociétés non cotées sont d’autant plus problématiques que leurs équivalents s’appuyant sur des actions cotés parviennent, malgré une structure de frais tout aussi défavorable aux particuliers, à générer une performance positive. Sur la période de l’étude, les fonds actions ouverts à des clients non-professionnels ont eu un TRI médian à cinq ans de 5,2%, et un TRI médian à 10 ans de 6,2%.
Quitte à investir au travers d’un fonds, s’exposer aux actions cotées s’avère donc un choix bien plus rentable que chercher à posséder des pépites non-cotées.
Mais là encore, le ratio bénéfice/risque n’est pas en faveur des fonds. Toujours sur la même période, un placement passif dans le CAC 40 dividendes réinvestis aurait généré un TRI de 9,1% sur dix ans et un TRI de 12,9% sur cinq ans.
Plutôt que de présenter les fonds (qu’il s’agisse de fonds actions, de FIP ou de FCPI) comme des véhicules permettant aux investisseurs particuliers d’investir hors des sentiers battus avec une perspective de rendement supérieur, les réseaux financiers devraient les présenter pour ce qu’ils sont : une surcouche coûteuse qui vient limiter le potentiel de gain offert par les sous-jacents.
Avec son étude, l’AMF prouve une fois de plus que l’industrie financière est plus douée pour ponctionner les plus-values des épargnants que pour générer de la surperformance. Les investisseurs qui sont en mesure d’ouvrir un compte-titre et de passer leurs propres ordres d’achat et de vente ont donc tout intérêt à prendre en main leurs investissements, plutôt que de faire confiance aux produits maison, proposés par leur conseiller bancaire.
1 commentaire
Ce que vous écrivez rejoint mes constats d’épargnant-investisseur français désabusé.
La fiscalité « dérogatoire » de l’assurance vie est une subvention à l’industrie peu productive des intermédiaires financiers et protège des emplois condamnés par la monnaie unique, l’innovation et les gains de productivité dans les méthodes d’intermédiation.
Par contre , il n’y a pas d’innovation en finance : les gains sont toujours financés par l’inflation et les marges.
De plus on ne peut parler de gains que lorsque on a soldé l’actif , et de gains réel que lorsque on déflate des plus values nominales éventuelles par le CPI ou le PPI ou l’or.