« Toutes les vieilles peintures sur les tombes d’Egypte
font la danse du sable, ne le sais-tu pas
si elles bougent trop vite, elles tombent comme des dominos ».
— Walk Like An Egyptian (« Marche comme un Egyptien », The Bangles, 1986)
▪ Tout Davos se demande si les dictatures du Proche-Orient en feront de même !
La semaine s’est achevée globalement dans le rouge à Wall Street. La plupart des commentaires que vous avez pu lire depuis vendredi après-midi martèlent que les troubles qui se déroulent en Egypte incommodent soudain les investisseurs.
Nous évoquions dès jeudi matin le climat d’insurrection égyptien (déjà des dizaines de morts et des milliers d’arrestations, internet verrouillé, communications téléphoniques filtrées)… mais la réaction de Wall Street fut l’inscription d’une cinquième séance de hausse consécutive.
La révolution tunisienne n’avait même pas fait frissonner les marchés 10 jours auparavant, pourquoi en irait-il autrement de l’Egypte, nous expliquait-on 24 heures avant. Le même état d’esprit régnait initialement vendredi matin à Wall Street : nullement impressionnés par de nouvelles images d’affrontements en plein milieu du Caire, les investisseurs propulsaient les indices américains vers de nouveaux sommets annuels.
Vers 15h55 heure de Paris, le S&P culminait vers 1 303 points et le Dow Jones s’installait tranquillement au-dessus des 12 000 points, à 12 010. Et à 15h56, voilà que se produisit une soudaine inversion de tendance qui ne tarda pas à contaminer les places européennes (on se situait alors à 90 minutes de la fin de séance).
▪ Bien suivre la chronologie des événements est essentiel. Une véritable douche froide s’est abattue sur les places occidentales à 15h58 très précisément, trois minutes après la publication d’un bon indice de confiance des consommateurs de l’université du Michigan. Le chiffre en question constituait en effet une bonne surprise puisqu’il est ressorti à 74,2 pour janvier contre 72,7 en estimation préliminaire, soit un score légèrement supérieur aux estimations des économistes qui visaient un score de 73.
Nous ne sommes pas à 100% convaincu que Wall Street ait été soudain saisi d’effroi en visionnant les images d’Egypte. Nous ne voyons pas non plus en quoi les chiffres du jour peuvent avoir provoqué un brusque chute du moral des investisseurs (et sûrement pas l’enquête du Michigan).
En revanche, un problème technique tout à fait inhabituel affectait le Nasdaq à l’ouverture. Le calcul de l’indice électronique s’est avéré impossible durant 25 minutes, ce qui empêchait la négociation de nombreux dérivés sectoriels liés au Nasdaq. Lorsque les cotations ont repris, l’indice s’est mis à plonger à la verticale, alors même que le S&P inscrivait sa meilleure marque de l’année. Etrange coïncidence que ce trou d’air sur le Nasdaq survenant en même temps qu’une panne technique rarissime !
Au final, le Nasdaq dévissait de 2,48%, le S&P 500 de 1,8% et le Dow Jones chutait de 166 points (-1,4% à 11 825).
Certains commentateurs évoquaient deux heures auparavant la déception causée par la première estimation du PIB américain au quatrième trimestre 2010. Il est légèrement inférieur aux prévisions, à 3,2% contre 3,5% anticipé, et la croissance de l’année écoulée n’atteint pas le seuil de 3% (+2,9%).
Une déception vite digérée, d’autant que l’estimation initiale du PIB américain est susceptible de connaître une révision à la hausse le 25 février prochain. En attendant, c’est plutôt une « bonne nouvelle » pour la Fed : elle peut continuer de justifier son « QE2 » par la lenteur et la fragilité de la reprise… un raisonnement qui n’a cessé de doper Wall Street depuis cinq mois.
▪ Si la croissance américaine déçoit, cela n’affecte pas le dollar qui a repris 0,8% à 1,36/euro dans le cadre d’une « fuite vers la sécurité ». Après trois séances de dégonflement des positions spéculatives sur le NYMEX, des rachats de ventes à découvert ont entraîné une flambée du pétrole qui s’envolait de 4,3% à 89,5 $ (contre 85 $ en début d’après-midi).
Ce mouvement semble résulter d’un accès de nervosité un peu excessif. Les émeutes en Egypte méritent certes de retenir l’attention des traders opérant sur les contrats à terme du WTI… mais le pays produit très peu d’or noir et c’est un importateur net qui n’influence guère la production mondiale.
▪ Autre information peut-être plus inquiétante pour le moyen terme : c’est au tour de la dette souveraine des Etats-Unis d’être surveillée de près par Moody’s, selon les informations circulant dans la presse.
L’agence de notation aurait en effet averti hier soir du risque de plus en plus élevé qu’elle soit amenée à placer la note AAA des Etats-Unis en perspective négative dans les deux ans à venir. Deux ans, c’est une éternité quand on se remémore à quelle vitesse la confiance dans la dette grecque s’est évanouie fin 2009 puis de nouveau en plein Forum de Davos en janvier 2010.
Le FMI estime pour sa part que le risque souverain reste élevé et que le rythme d’assainissement budgétaire de certains grands pays (les Etats-Unis pour ne pas les nommer) a ralenti…
▪ En dehors des sujets d’inquiétude géopolitiques et de surendettement, les résultats trimestriels seraient également venus plomber le Nasdaq, pourtant anticipé en hausse de 0,2%.
Microsoft chutait de 3,9%, au lendemain de la publication de performances mitigées sur deuxième trimestre 2010-2011, entre succès du Kinect et d’Office 2010 et déception du côté de Windows 7. Amazon dévissait de 7,25% à 170 $ au lendemain de la publication de résultats trimestriels marqués par des marges jugées décevantes par la communauté financière, malgré le succès de son Kindle version 3.
Ford plongeait de 13%, impacté par une charge exceptionnelle. Le constructeur automobile a dégagé un bénéfice net trimestriel de 190 millions de dollars ou cinq cents par action, un profit par titre divisé par cinq en rythme annuel.
Si Wall Street avait conservé son optimisme béat, ces déceptions seraient passées pour des exceptions qui confirment la règle. Les vendeurs d’actions n’auraient pas manqué de souligner que 70% des trimestriels ont surpassé les estimations… ce qui nous aurait fourni l’occasion de rappeler qu’elles sont sous-estimées dans 90% des cas !