▪ Pas de cotations à Wall Street lundi, c’était annoncé depuis dimanche soir… Il subsistait un doute pour ce mardi mais c’est maintenant une certitude, les marchés américains resteront fermés 24 heures de plus — 48 heures d’interruption, c’est une première historique pour cause météorologique. Les cotations reprendront mercredi « si le temps le permet », d’après le dernier communiqué officiel du NYSE.
Pour illustrer cette brèche dans l’espace-temps, nous avons droit à des reportages sur les flots déchaînés, des pluies présentées comme torrentielles et les rues désertes de dizaines de villes côtières désertés par leurs habitants. Montrez ces reportages à des habitants de Manille, Osaka ou Hong Kong et c’est le fou-rire assuré ! Et ne parlons pas des insulaire de Terre-Neuve ou même — sans aller si loin — de l’île d’Ouessant.
Selon le standard des services de la sécurité nationale américains, Ouessant serait déclarée inhabitable 300 jours par an !
Lorsque les creux ne dépassent pas trois mètres entre l’île et le continent, les Bretons du Finistère parlent de mer calme. La navette maritime entre Le Conquet et Lampaul ne cesse de naviguer que lorsque des vagues de six mètres commencent à écumer et que le courant dépasse les 10 noeuds dans la passe du Fromveur (c’est une vitesse suffisante pour tirer un skieur nautique).
Environ 3 500 km à l’ouest de l’extrême pointe du Finistère, des vents soufflant à 150 km/h ont fait fuir 400 000 Américains : ce genre de tempête ne soulèverait même pas une tuile sur la maison d’un pêcheur irlandais… mais leurs descendants ont perdu le goût pour les logements rustiques, avec des murs en granit, des toitures en ardoises solidement agrafées à des charpentes en bois massif.
De nombreuses résidences de villégiature de la Côte est des Etats-Unis sont à peine plus solides que la hutte en fagots des trois petits cochons. En Europe, c’est la maison qui soutient la cheminée, aux Etats-Unis, c’est le conduit de cheminée qui arrime les murs et le toit de la maison.
Bon, il est vrai que le climat du New Jersey n’a rien à voir avec celui du Connemara ou de Terre-Neuve et que construire « à 100% en dur et à l’ancienne » s’avèrerait trois fois plus onéreux et sans grande pertinence pour affronter un ouragan un peu musclé tous les 25 ans ou 30 ans.
Les assureurs américains, à qui des experts promettent déjà des dizaines de milliards de dollars de dégâts à rembourser, préfèreraient certainement couvrir le même genre de risques dans le Golfe du Morbihan. Il y a moins de surfaces vitrées susceptibles d’être cassées par des débris qu’à New York ou Boston… mais on nous explique que cela devrait relancer l’industrie du verre.
▪ Un spectacle digne du grand cirque électoral
En attendant, nous avons assisté au spectacle de deux métropoles transformées en villes fantômes, ou en état de siège, comme dans les films catastrophe où le gouverneur ordonne la fermeture des ponts et des tunnels puis le déploiement de la Garde civile à tous les carrefours… comme dans Godzilla !
Ne soyons pas naïfs, la soudaine sollicitude de Washington envers la population de la Côte est, exposée « au plus grand danger des 30 dernières années », fait partie du grand cirque électoral.
Cela dit, les plus gros dégâts pourraient être causés par l’onde de tempête qui soulève la surface de l’océan, avec plusieurs quartiers de Manhattan situés en zone inondable. Cet épisode météo nous fait penser à une sorte de revanche de la nature sur une Amérique qui tourne le dos au concept de réchauffement planétaire mais qui submerge son économie de fausse monnaie. Et cela dure depuis une bonne décennie, afin d’entretenir une sorte de printemps éternel qui finit par épuiser la faune et la flore au lieu de la stimuler.
Toujours plus de soleil artificiel, d’engrais (pour les banques) et de pesticides (actifs toxiques)… tout cela pour aboutir à la fin à la constitution d’une super-bad bank (c’est le rôle que remplit la Fed) qui fait reposer la totalité du risque systémique sur la population.
▪ En Europe, les tempêtes sont d’un autre genre…
En Europe, c’était au tour de l’Espagne d’annoncer dans l’indifférence quasi-générale ce lundi que les banques ibériques — faute de pouvoir être recapitalisées — effectueront le transfert de leurs créances douteuses vers une bad bank. Cette dernière récupèrera des crédits immobiliers en défaut affectés en moyenne par une décote de 45%, laquelle se monte à 65% pour des biens saisis mais souvent sans aucune valeur marchande puisque non achevés ou carrément inhabitables.
Nous assistons enfin à une « opération vérité » sur les créances immobilières dont le coût va s’avérer largement supérieur à 150 milliards d’euros… mais qui donne aussitôt lieu à un gros mensonge : l’Espagne n’a pas besoin de faire appel au MES dans l’état actuel des choses. Mais va-t-elle trouver tout cet argent ?
Nous n’en avons pas fini avec le chapitre européen : la bourse de Milan a perdu pied. De sorte que la coalition de Mario Monti pourrait être compromise par la menace de Silvio Berlusconi de faire éclater la majorité gouvernementale.
Enfin, et c’est beaucoup plus inquiétant, la bourse d’Athènes a fini la journée sur une chute de 6,3% de l’indice ASE, dans le sillage des valeurs bancaires dont certaines ont plongé de plus de 15%.
La Grèce est toujours à la recherche d’un accord sur la restructuration de sa dette à l’approche de l’échéance du 16 novembre. A cette date, les caisses de l’Etat seront vides si le pays ne perçoit pas une nouvelle tranche d’aide de la part de la BCE… et les dissensions au sein du gouvernement au sujet des douloureuses réformes demandées laissent craindre une impasse politique dont le pays n’avait pas besoin.
Mais il n’est pas d’impasse dont on ne puisse ressortir à reculons, en repoussant la date des accords de deux mois… tout en accordant le versement d’une enveloppe qui évitera le verdict sans appel d’une faillite que les élites européennes — BCE incluse — continuent de démentir de façon pathétique.
Elles n’ont guère le choix, sinon qui voudra encore croire que le risque systémique européen est circonscrit ?
▪ Quoi qu’en pense Carmignac…
A notre grande surprise, c’est le courtier Carmignac qui vient à la rescousse du discours officiel de sortie de crise — auquel 95% des Allemands affirment ne pas croire, d’après un sondage publié par Stern le week-end dernier.
Carmignac s’est souvent distingué avec bonheur de la Pensée Unique dominante. Nous avons toutefois du mal à cerner les raisons d’un tel optimisme sur l’avenir du secteur bancaire, car aucun des grands défis lancés à la Zone euro n’a été relevé.
Ni celui des déséquilibres structurels nord/sud… ni le risque de nouvelles attaques visant des pays comme l’Italie (en cas d’instabilité politique) ou la France (dont le colmatage des déficits par l’impôt ne résout en rien la question de la dérive des dépenses publiques). La récession menace en outre de perdurer dans ce qui ressemble de plus en plus à un scénario à la japonaise.
En ce qui concerne la compétitivité, nous lisons que l’Espagne est sur la voie du redressement, qu’elle est devenue le deuxième pays producteur d’automobiles derrière l’Allemagne… mais avec des taux horaires inférieurs à 10 euros dans l’industrie et des salaires dignes de pays en voie de développement dans le secteur agricole ou le BTP, l’Espagne vient tout simplement de faire en trois ans un grand bond en arrière social de 30 ans. Cette Europe-là a-t-elle un véritable avenir, quoi qu’en pense Carmignac ?