Le boycott des dettes long terme a débuté, et cela ne va pas bien se terminer.
Il est beaucoup question de la tension des taux longs en France, causée par la perspective de voir François Bayrou perdre (délibérément ?) son pari sur le vote de la confiance – synonyme de chute de son gouvernement. Cela ouvrirait une période de grande incertitude politique, avec la crainte d’une « France ingouvernable » – aucun successeur potentiel ne semblant capable de réunir une majorité sur son nom, à commencer par un leader du RN –, et sans projet de budget incluant des mesures de maîtrise des déficits.
Mais la France n’est pas le seul pays à s’enfoncer dans les déficits et à voir les taux longs se tendre cette semaine, puisque c’est également le cas pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon, avec des niveaux de rendement record sur des maturités longues, comme le 30 ans.
En ce qui concerne le Royaume-Uni et le Japon, les droits de douane vont, comme partout ailleurs, impacter négativement la croissance, et donc les recettes fiscales. Ces deux pays présentent un trait commun avec la France : l’impopularité de ses dirigeants. Ils ne sont pas crédités de plus de 25 % de confiance (18 % pour Emmanuel Macron, 23 % pour Shigeru Ishiba, 25 % pour Keir Starmer), et François Bayrou bat le record avec un taux de défiance de plus de 87 %.
Avec Donald Trump à 45 % de confiance, les Etats-Unis continuent de se moquer de la dérive des déficits comme ils le font depuis 30 ans ; et 2025 ne s’annonce pas plus rassurant que 2024.
L’an passé, l’équipe de Joe Biden avait « cramé la caisse » pour arroser ses obligés de la fonction publique, financer l’immigration illégale (car cela faisait beaucoup d’électeurs pro-démocrates qui votaient sans disposer de la pleine citoyenneté américaine, faute de contrôle de leur statut le jour des élections) et acheter (en vain) le vote des électeurs indécis et « pas fans de Trump ».
Mais Wall Street ne se préoccupe aujourd’hui que de la perspective d’une baisse de taux par la Fed. L’argument est ressorti de façon systématique et obsessionnelle pour justifier l’inscription de nouveaux records, ou des rebonds vigoureux malgré une multitude de vents contraires, lorsque les actions américaines subissent de rares corrections.
Il se pourrait que les investisseurs se soient emballés un peu vite vendredi dernier, suite aux propos dovish de Jerome Powell à Jackson Hole. Une baisse de taux en septembre semble acquise, mais d’autres assouplissements d’ici fin 2025 sont loin d’être garantis, compte tenu de l’impact inflationniste probable des droits de douane imposés par Donald Trump. Il se réjouit des 335 Mds$ de recettes engrangées depuis avril – un record incontestable –, mais qui paye ces surtaxes, sinon le consommateur ?
Goldman Sachs estime que les entreprises américaines vont répercuter un peu plus de deux tiers des « surtaxes » aux consommateurs (67 %), et que les 33 % restants viendront amoindrir leurs marges : c’est du perdant-perdant.
Et même si les recettes douanières battent des records, cela reste insuffisant pour combler le creusement des déficits, qui s’accumulent pratiquement au même rythme que lors de la période COVID aux Etats-Unis. La dette fédérale flirte avec les 37 300 Mds$, et le déficit sur 12 mois vient de franchir les 2 000 Mds$ (soit plus de 7 % du PIB).
N’importe quel pays affichant une dérive systématique de ses finances se verrait promis à une mise sous tutelle du FMI, mais le privilège du dollar ne semble pas encore à bout de souffle, si l’on en croit les médias mainstream.
Et pourtant, les créanciers commencent à envoyer des messages d’alerte à plusieurs pays surendettés, et la France n’était pas – jusqu’à ce lundi 25 août – la première visée. Outre-Atlantique, le 30 ans flirte avec les 4,95 % (les 5 % ne sont plus très loin). Outre-Manche, les Gilts 2035 retrouvent leurs niveaux de crise, vers 4,75 %, et le 30 ans britannique affichait mercredi matin un rendement record de 5,600 % : c’est le 6ᵉ mois de progression consécutive, avec une hausse de +50 points depuis le 1er janvier.
Mais le champion toutes catégories de la débâcle obligataire demeure le Japon : le 30 ans a rajouté ce 27 août 3,3 points de base, à 3,235 % – nouveau record –, alors qu’il affichait moins de 2,3 % au 1er janvier 2025. Et le 40 ans est passé de 2,535 % à 3,455 % (+92 points de base en huit mois), son nouveau record historique absolu.
Et comme le Japon restait, jusqu’au racket douanier américain infligé par Donald Trump fin juillet, le principal acheteur de T-Bonds américains, imaginez le risque d’entraîner le krach rampant des bons du Trésor nippons !
Et là, Donald Trump pourra se vanter, après avoir extorqué 600 Mds$ au Japon pour simplement pouvoir continuer de commercer avec les Etats-Unis, d’avoir coulé son principal et plus fidèle créancier.
Nous ne sommes qu’au début d’un cycle d’aversion au risque des créanciers : ils commencent à se débarrasser des maturités longues (20/30 ans), puis ils liquideront le 10 ans (la France a du souci à se faire, mais la BCE fera son devoir, comme avec l’Italie).
Et c’est là que la « grande monétisation » commencera, sonnant le glas du dollar et le début d’un rallye sans précédent des métaux précieux.