Contrairement à ce que pense Donald Trump, baisser les taux d’intérêt ne stimule pas durablement l’économie.
Donald Trump reproche à la Fed de ne pas soutenir l’économie en maintenant un taux directeur trop élevé. Il estime qu’en abaissant les taux d’intérêt, la banque centrale inciterait les entreprises à produire et investir davantage, ce qui stimulerait la croissance. Selon cette logique, des taux plus bas stimuleraient la consommation, considérée à tort comme le moteur principal de l’activité économique. Avec un tel raisonnement, il n’est pas étonnant que le président ait exprimé son indignation face au refus de certains responsables de la Fed d’abaisser les taux. Mais cette logique tient-elle vraiment la route ?
Cette manière de penser revient à dire que les taux d’intérêt sont fixés par la Fed. Si c’était le cas, la critique du président serait justifiée : en abaissant les taux, la banque centrale poserait les bases d’une économie plus forte. Mais en réalité, la Fed ne fixe pas les taux d’intérêt : elle les fausse en manipulant les marchés financiers.
Préférences temporelles et taux d’intérêt
Des économistes comme Carl Menger et Ludwig von Mises ont montré que l’intérêt découle d’un fait élémentaire : les individus accordent plus de valeur aux biens présents qu’à des biens identiques disponibles dans le futur. La vie future n’est possible que si elle est entretenue dans le présent. D’après Carl Menger :
Dans la mesure où la satisfaction de nos besoins conditionne le maintien de notre existence, il faut nécessairement pourvoir d’abord aux besoins immédiats avant de songer aux besoins futurs. Et même lorsque la survie n’est pas en jeu, mais simplement notre bien-être – notamment notre santé –, l’amélioration de notre condition à court terme est, en règle générale, une condition préalable à notre bien-être à long terme.
De même, Mises notait :
Quiconque souhaite vivre jusqu’au lendemain doit avant tout veiller à préserver sa vie dans l’intervalle. La survie et la satisfaction des besoins vitaux sont donc des conditions nécessaires à la satisfaction de tout désir plus lointain.
Partant, il faut disposer aujourd’hui des biens nécessaires à notre survie pour envisager ceux de demain. C’est cette priorité donnée aux biens présents qui fonde le principe même de l’intérêt : il existe une prime pour le présent par rapport à l’avenir, et cette prime ne peut être que positive.
Prenons le cas d’un individu qui possède tout juste de quoi survivre. Il est peu probable qu’il prête ou investisse le peu qu’il détient. Pour lui, le coût d’un prêt ou d’un investissement serait beaucoup trop élevé. Mais à mesure que l’épargne augmente, ce coût diminue. Il lui devient alors possible d’allouer une partie de ses biens ou de son argent au prêt et à l’investissement, ce qui pousse le taux d’intérêt à la baisse. On peut donc en déduire, toutes choses égales par ailleurs, que l’augmentation de l’épargne privée conduit naturellement à une diminution de la prime attachée aux biens présents par rapport aux biens futurs — autrement dit, à une baisse du taux d’intérêt.
Inversement, tout facteur qui décourage l’épargne privée tend à faire monter les taux. Ainsi, une hausse de l’épargne, qui s’explique par une priorité moindre accordée au présent, va généralement de pair avec la croissance économique.
Les priorités temporelles des individus ne sont pas automatiques. Elles résultent de l’évaluation subjective qu’ils font de l’importance qu’ils accordent aux biens présents par rapport aux biens futurs. Chaque individu, selon ses objectifs personnels, décide combien consommer, épargner et investir — et quelle part consacrer à la consommation immédiate ou différée. Les taux d’intérêt du marché reflètent ces préférences temporelles.
Toute baisse naturelle et privée des taux d’intérêt — fondée sur ces préférences — envoie aux entreprises le signal qu’il y a davantage d’épargne disponible pour financer l’investissement productif. L’augmentation du nombre de biens d’équipement permet d’accroître, à terme, la production de biens et de services. Autrement dit, les ménages indiquent ainsi aux entreprises qu’ils souhaitent davantage de biens de consommation dans le futur qu’aujourd’hui.
Les activités rendues possibles par des taux artificiellement bas, via l’expansion monétaire et le crédit, traduisent donc une distorsion dans la structure de production. En abaissant artificiellement les taux d’intérêt sans hausse concomitante de l’épargne des ménages, la banque centrale détourne les ressources vers des activités qui n’existeraient pas autrement. Ces ressources quittent les secteurs créateurs de richesse pour alimenter des activités non productives. Ainsi, abaisser les taux d’intérêt par l’inflation monétaire, sans hausse préalable de l’épargne volontaire, ne peut en aucun cas générer une véritable croissance économique. Cela revient simplement à drainer l’épargne vers des activités artificiellement stimulées, au détriment des activités créant de la richesse.
Abaisser les taux d’intérêt favorise-t-il l’accumulation du capital ?
Lorsqu’ils ne sont pas manipulés, les taux d’intérêt informent les entreprises sur les préférences temporelles des ménages et constituent un indicateur de prix et de coût essentiel pour leurs décisions économiques. Chaque fois que la banque centrale manipule les taux par l’inflation, elle fausse cet indicateur, conduisant les entreprises à désobéir, sans le savoir, aux instructions des ménages concernant la production de biens de consommation présents par rapport aux biens futurs. Sur ce sujet, Rothbard écrit :
Une fois que les consommateurs avaient redéfini la part de l’épargne qu’ils souhaitaient consacrer à la consommation et celle qu’ils souhaitaient consacrer à l’investissement, on a constaté que les entreprises avaient trop investi dans les biens d’équipement (d’où l’expression « théorie du surinvestissement monétaire ») et sous-investi dans les biens de consommation. Les entreprises ont été séduites par la baisse artificielle des taux d’intérêt orchestrée par le gouvernement et ont agi comme si l’épargne disponible était plus abondante qu’elle ne l’était réellement.
La baisse des taux de la banque centrale conduit à des investissements artificiels et excessifs dans les biens d’équipement et à un déficit d’investissement dans les biens de consommation. Ce surinvestissement génère une activité économique artificielle, non justifiée par le marché — une bulle économique. La fin du surinvestissement marque l’éclatement de la bulle. C’est la raison pour laquelle on parle de cycle bulle/krach.
Sans croissance préalable de l’investissement dans les biens d’équipement, il est impossible d’accroître l’offre de biens de consommation. L’expansion et l’amélioration de la structure de production reposent sur l’épargne.
Pourquoi l’offre précède-t-elle la demande ?
La baisse artificielle des taux d’intérêt par la banque centrale stimule-t-elle la croissance économique en renforçant la demande des consommateurs ? On entend souvent dire que les dépenses d’un individu constituent les revenus d’un autre, et que plus on dépense, plus l’économie croît. Pourtant, il faut d’abord que la production et l’épargne augmentent avant que la consommation puisse croître.
Dans une économie de marché, les producteurs ne fabriquent pas tout pour leur propre consommation. Ils échangent une partie de leur production contre les biens produits par d’autres producteurs. La demande et la consommation d’un individu sont donc limitées par sa capacité à produire des biens et services que les autres désirent. Plus un individu produit de biens et services de valeur, plus il peut demander une quantité importante de biens et de services en échange.
Sans augmentation préalable de la production et de l’épargne, accroître la consommation ne génère pas davantage de richesse ni de croissance économique : c’est la croissance qui permet d’accroître la consommation, et non l’inverse. Stimuler la consommation sans production et épargne préalables se fait toujours au détriment d’autres activités économiques. De plus, si la consommation est dopée par l’inflation monétaire et l’expansion du crédit, générant une croissance artificielle, le processus de création de richesse en est affaibli. Sans augmentation volontaire de l’épargne, il n’y a pas de croissance économique générale.
Conclusion
Les variations de taux d’intérêt doivent refléter les préférences temporelles volontaires des individus, et non les désirs des bureaucrates de la banque centrale ni ceux du président américain. La baisse artificielle des taux entraîne une mauvaise allocation de l’épargne et des ressources. Cela affaiblit la croissance économique. Ainsi, contrairement à ce que souhaite Donald Trump, la meilleure politique de la Fed consisterait à ne pas manipuler les taux d’intérêt par l’inflation monétaire. Ce genre de manipulation ne fait que fausser l’économie et sape la véritable croissance économique.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.
