Il est possible de croire que toutes les mesures mises en place en réaction aux crises sont des conséquences absolument involontaires, appliquées uniquement sous la pression de la situation… En réalité, certaines ont bien été choisies, et peu importe les effets secondaires.
Ma réflexion du jour se base sur un texte récent de Guy de La Fortelle. Une petite partie de ce texte est approximative, il y manque un maillon dans la chaîne du raisonnement :
« Selon [Maurice] Allais, le capitalisme étant déflationniste par nature, la baisse structurelle des rendements allait provoquer la baisse des taux d’intérêt et mécaniquement, les monnaies se dévalorisant, faire tendre les prix des actifs vers l’infini, faute de mécanisme de rééquilibrage… Et bien sûr, c’était une aberration, un paradoxe insoluble du système qui le mènerait à sa fin. »
Ce maillon manquant est central. Tentons de le rétablir.
Le capitalisme est déflationniste car la « valeur travail » des productions baissant sans cesse, il faut de moins en moins de d’heures de travail pour produire. C’est la définition des gains de productivité.
Dans un système ou la monnaie serait stable, les prix devraient baisser en continu pour traduire la baisse de valeur travail des productions, un peu comme cela se fait dans les secteurs très innovants comme la technologie.
Ceci signifie que les prix baissant et la masse monétaire étant constante, la monnaie devrait au contraire avoir tendance à se revaloriser. Dit autrement, le pouvoir d’achat de la monnaie aurait tendance à monter.
Le moyen le plus facile d’alléger la dette
Mais les gérants du système capitaliste ne peuvent supporter une tendance à la hausse de la valeur des monnaies, car ils sont en faveur du système de la dette. Du fait de cette tendance, les dettes deviendraient cependant de plus en plus lourdes, ce qui ferait chuter les profits.
Face à la tendance à la baisse des prix provoquée par le mouvement naturel du progrès, ils ont donc cherché et trouvé une parade temporaire. Ils inflatent la monnaie, ils en créent de plus en plus, ils l’avilissent sciemment.
C’est pour lutter contre les conséquences du progrès et de la productivité à faire baisser la valeur des choses que l’on truque ce en quoi les prix sont libellés et exprimés : la monnaie.
Donc, comme le dit Guy de La Fortelle, il y a bien une tendance à la baisse de la valeur des monnaies, à la baisse des taux, ainsi qu’une tendance des prix des actifs à monter au ciel. Mais c’est à cause de la politique monétaire délibérée qui cherche à contrer la baisse de la valeur des choses produites, c’est-à-dire la tendance à la hausse du pouvoir d’achat de la monnaie.
Le système étant fondé sur la dette, il est obligé de truquer et déprécier la monnaie en continu.
Mais, ce faisant, la masse de capital monte jusqu’au ciel, et le profit devient insuffisant. Pour malgré tout défendre le profit, les autorités doivent donc chuter les taux d’intérêt, c’est-à-dire la part du profit qui revient aux rentiers, aux créanciers.
Le coût de l’argent doit chuter sans cesse. D’où les taux bas et l’envol des prix du capital ancien coté sur les marchés financiers. Quand les taux baissent, ce qui est ancien rapporte plus que ce qui est nouveau donc le prix du capital ancien coté sur les marchés monte.
La hausse des Bourses dans ce système est systémique, elle est une conséquence nécessaire et incontournable. Ce qui crée par la suite un monde inégalitaire, dissymétrique. Le monde actuel ne peut être corrigé, c’est structurellement qu’il produit des inégalités pour pouvoir durer.
Mais retenez bien : c’est à cause de la tentative des gérants du système de s’opposer aux conséquences de la productivité et de l’accumulation sans fin de capital, aussi bien productif que fictif.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
1 commentaire
« Mais les gérants du système capitaliste ne peuvent supporter une tendance à la hausse de la valeur des monnaies, car ils sont en faveur du système de la dette. »
Quels sont les arguments concrets validant cette assertion ?
Le système d’endettement des nations s’est alourdit parce que l’argent emprunté n’est pas suffisamment utilisé pour résoudre les problèmes locaux, sociaux et économiques qui continuent si je puis dire leur croissance, une croissance négative pour la Finance, le Budget, tandis que l’argent de la dette retombe dans les poches des tenants des marchés par les subventions ou le simple jeu de la consommation.
Si les monnaies sont trop fortes, alors l’exportation des produits et services à des pays plus « pauvres » est moins aisée, cela pénalise la croissance interne.
Si les monnaies sont trop faibles, alors les pays sont contraints de s’endetter pour importer ou produire.
Je reste d’accord avec votre conclusion « c’est à cause de la tentative des gérants du système de s’opposer aux conséquences de la productivité et de l’accumulation sans fin de capital, aussi bien productif que fictif. »