Une évolution surprenante du marché – inédite depuis plus de deux décennies – est en train de se produire. Elle a une origine très simple…
Les stratèges de JPMorgan Chase ont analysé les chiffres et ont constaté que les prix des obligations de qualité supérieure et les prix des actions américaines sont les plus corrélés entre eux depuis 1997 sur une base d’un an.
Si on élargit cela à une base de trois ans, les rendements totaux des deux classes d’actifs évoluent toujours en tandem depuis 2008.
C’est une nouvelle dynamique : les actions et le crédit ont évolué en sens inverse pendant la majeure partie des deux dernières décennies.
Les simplets s’étonnent de constater cette corrélation entre deux classes d’actifs qui sont, en bonne logique, décorrélées, voire antagoniques.
Ces simplets oublient que dans le monde post-2008, les actifs financiers ont changé de statut, et même changé de nature.
Ils ont cessé de refléter les réalités sous-jacentes pour n’être que des avatars, que des formes mutantes de la monnaie.
Des actifs qui ont échappé à la gravitation
Depuis 2008 on a appliqué aux actifs financiers le traitement qui a été appliqué au dollar et aux monnaies. On a libéré les actifs financiers de tout ancrage : ils volent, ils échappent à la gravitation.
C’était la conséquence logique, nécessaire de l’opération de 1971 : si on libère la création de monnaie et de dettes comme l’a fait Nixon avec l’aide de Paul Volcker (alors président de la Fed), alors, ipso facto, on libère, au bout d’un certain temps d’apprentissage, les quasi-monnaie, les formes dérivées de la monnaie.
En d’autres termes, on libère automatiquement les actifs financiers, on les désancre également.
C’est une question de logique qui a été concrétisée par le décloisonnement des marchés de la monnaie, du crédit et des actifs par le biais de la titrisation et du levier généralisé.
On unifie obligatoirement le champ de tout ce qui est monétaire.
Retenez bien ce mot : « unifier ». C’est grâce à cette unification du champ monétaire et quasi-monétaire que les autorités ont pu prendre le contrôle des taux longs, des marchés d’actifs, actions et obligations.
Changement de statut
Les fondamentalistes boursiers n’ont rien compris, rien vu ; ils n’ont pas saisi ce changement de statut et de nature de la monnaie. La monnaie est devenue pour ainsi dire une abstraction, et cette évolution devait nécessairement se transmettre aux actifs monétaires et quasi-monétaires que sont les actifs financiers.
Cela doit se traduire par des décisions pratiques – en l’occurrence, le renforcement des innovations de la Fed, innovations qui l’ont conduite à instaurer le fameux put.
Qu’est-ce que le put, en analyse logique ? C’est une option d’échange donnée par la Fed, option d’échange entre les actifs quasi-monétaires (actions et obligations) et la monnaie.
Le put, c’est la garantie donnée par la Fed que les actions et les obligations sont de la monnaie, de la monnaie un peu différée. Le 20 mars 2020, cette assurance a été renouvelée.
Les actifs financiers cotés sur les marchés ont cessé d’être ancrés, d’être reflet et d’être l’expression d’une réalité sous-jacente pour n’être que l’avatar de la monnaie, de la croissance de sa masse et de l’abaissement de son prix c’est-à-dire de la nullification des taux.
Pour parler clairement, les actifs financiers – que ce soit les actions, les obligations et même les actifs soi-disant immobiliers – ont tous le même sous-jacent, à savoir les liquidités. En cas de crise ou de run, c’est la même chose : tous ont pour sous-jacent la monnaie de base de la banque centrale !
Le sous-jacent commun à tous les actifs, c’est la monnaie et sa surabondance.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]