L’innovation technologique est vaine sans l’esprit d’entreprise. L’intervention des Etats pour réguler celui-ci mène ainsi à limiter le progrès économique.
Les technocrates mettent fréquemment la pression sur le gouvernement américain pour qu’il augmente ses dépenses de R&D afin de rester en avance sur la Chine. L’idée est que les dépenses publiques de R&D soutiendront l’innovation et la croissance économique, car la recherche fondamentale permet de réaliser des découvertes scientifiques ouvrant la voie à de nouvelles innovations technologiques.
En réalité, cette idée est erronée, car l’histoire montre que la science est souvent en retard sur la technologie. Les innovations qui ont précédé l’avènement de la science moderne en Europe se sont produites sans avancées cruciales en matière de connaissances scientifiques.
Mais cela n’enlève rien à l’importance de la science puisque, comme l’explique l’historien de l’économie Joel Mokyr, la révolution industrielle en Europe a pu se poursuivre, contrairement aux épisodes précédents de progrès industriel, car l’Europe avait développé une base épistémique suffisante pour alimenter les progrès scientifiques et techniques. Bien qu’il soit possible de continuer d’améliorer la technologie sans progrès scientifique préalable, les progrès de la science facilitent l’innovation technologique.
Le progrès économique précède le progrès scientifique
Ces constats devraient aider à orienter les politiques contemporaines d’innovation en montrant que l’innovation n’est pas le produit de programmes de recherche scientifique soutenus par l’Etat, elle est au contraire impulsée par la demande du marché. L’innovation est donc créée par des entrepreneurs et des travailleurs du secteur privé qui cherchent à répondre aux désirs des consommateurs.
L’économiste Nathan Rosenberg, dans un article intitulé « La science est-elle à l’origine du progrès économique ou est-ce l’inverse ? », fait remarquer que les innovations sont généralement une réponse des entreprises à des problématiques purement commerciales.
De façon similaire, une étude de B. Zorina Khan s’intéressant aux profils des inventeurs durant la révolution industrielle britannique indique que les scientifiques étaient en fait peu représentés parmi les grands inventeurs. Cormac Ó Gráda fait remarquer dans un essai que le capital humain était certes essentiel à la révolution industrielle, mais qu’il s’agissait avant tout des compétences et de la dextérité des artisans.
Les innovations sont testées sur le marché avant même qu’elles soient devenues viables et les travailleurs jouent un rôle essentiel pour tester et améliorer les nouveaux produits afin qu’ils soient prêts à être commercialisés.
En revanche, les gouvernements sont incapables de comprendre que l’innovation doit répondre aux besoins du marché et non servir à des fins politiques. En général, le pouvoir politique est incité à financer des idées jugées socialement importantes plutôt qu’utiles économiquement. Par exemple, les gouvernements à travers le monde mettent en place des mesures visant à encourager la population à acquérir un véhicule électrique. Mais une telle politique n’est pas pertinente puisque, si les véhicules électriques sont véritablement utiles, alors les consommateurs en feront l’acquisition sans incitation du gouvernement.
Le poids de la régulation
Une autre objection à la politique de soutien gouvernemental à l’innovation réside dans le fait que l’Etat n’est pas une organisation à but lucratif. Certains partisans de l’Etat entrepreneur affirment qu’Internet est le produit d’un programme gouvernemental. Cependant, Internet a été commercialisé par le secteur privé. L’Etat ne cherche à utiliser l’innovation que pour renforcer son pouvoir politique et remplir les coffres du Trésor public, plutôt que pour promouvoir l’enrichissement individuel.
Mêmes les Etats modernes sont encore influencés par les principes mercantilistes. Le pouvoir est l’objectif ultime de l’Etat et cette quête le met nécessairement en situation de conflit avec les entrepreneurs. Par conséquent, chaque fois que des innovations émergent, la première réaction de l’Etat est d’imposer de nouvelles réglementations.
Qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle ou des cryptomonnaies, les politiciens se chargeront de les réguler étroitement. Certains politiciens américains chantent même les louanges de l’Europe pour sa politique avant-gardiste en matière de réglementation, en dépit du fait que ces réglementations ont pour conséquence de ralentir l’innovation.
Une crainte répandue est que l’innovation débridée doive être freinée en raison des risques de disruption qu’elle présente pour la société, mais c’est justement son pouvoir de disruption qui rend l’innovation tellement unique. La technologie a remplacé des emplois et en a également créé d’autres que nous n’aurions jamais pu prévoir. Dans les années 1980, personne n’imaginait pas que des plateformes comme YouTube et TikTok allaient créer des millionnaires.
Il est intéressant de noter qu’aucune de ces plateformes n’a été créée par un gouvernement, mais qu’elles ont émergé grâce à l’ingéniosité d’esprits créatifs. Compte tenu du processus d’essai et d’erreur nécessaire à l’innovation et des nombreux individus impliqués, il est impossible pour l’Etat de planifier ou de diriger un tel processus dynamique. En outre, les données empiriques indiquent qu’il existe une corrélation positive entre les dépenses des entreprises en R&D et l’innovation, alors que la corrélation entre les dépenses publiques de R&D et l’innovation est négative.
S’il y a une leçon que l’Histoire devrait enseigner au gouvernement, c’est que l’innovation a plus de chance de se produire lorsque les technocrates du gouvernement ne sont pas impliqués dans le processus. La meilleure façon pour le gouvernement américain de promouvoir l’innovation est simplement de ne pas s’en mêler.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici
1 commentaire
Les gouvernements doivent rester à leur place : jouer le rôle d’arbitre entre l’intérêt général et l’intérêt particulier, entre le social et l’économique.
Seule une IA autonome est capable de remplir cette tâche.
Quand nos dirigeants l’auront admis, la recherche devra s’orienter prioritairement vers l’IA.