Des milliers de milliards de dollars sortis de nulle part, ça n’est pas nouveau : c’est la solution à tout depuis 2008. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est l’ordre de grandeur des montants générés, et pour quoi ils sont utilisés.
Comme nous l’avons vu hier, « l’ère Goldilocks » est terminée. Le président de la Fed, Jerome Powell, l’a finalement annoncé quand, contraint et forcé par les faits, il a admis que l’inflation n’est pas temporaire.
L’ère du « ni trop chaud ni trop froid » n’aurait-elle pas cependant pu continuer indéfiniment ? Pourquoi est-on sorti ?
Pour résumer, parce que la crise du système s’est approfondie.
Non seulement il a fallu créer 20 000 Mds$ à partir de rien, mais il a en plus fallu tolérer une vague spéculative colossale en provenance du public, financée par une partie de ces milliards.
Mais aussi parce que les conditions réelles et matérielles de fonctionnement du système se sont irrémédiablement modifiées. La mondialisation s’est fracassée, l’offre de biens et de services s’est dérobée, les effets modérateurs de la mondialisation des chaînes de production ont été engloutis.
Parer au plus urgent
Le réel est entré en collision avec le monétaire et le financier, et un gouffre s’est ouvert sous nos pieds. Il a fallu parer au plus urgent.
Wall Street et Washington sont tous deux sortis du gouffre en dépensant, en empruntant, en imprimant, en régulant et en spéculant comme jamais cela ne s’était fait auparavant dans l’Histoire.
La BCE et le bloc européen ont fait encore plus, l’Allemagne ayant lâché prise. La Chine, qui est dans la même situation, tente une autre voie avec un retour en arrière socialiste, à la faveur de l’emprise que les dirigeants ont sur les populations. Toutefois, l’effet est le même : c’est là aussi une nouvelle ère.
La suite dépendra de ce que fera le centre du système économique mondial, les Etats-Unis…
Le « la » mondial est fourni par le centre du système économique, par les Etats-Unis.
Ils se trouvent maintenant dirigés par une administration déterminée à déclencher un « Greenmageddon » dans la poursuite du solutionnisme de la transition climatique, mais aussi à aggraver considérablement les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre par des mesures politiques régulièrement injustifiables voire inconstitutionnelles pour faire face à la pandémie.
Huit fois plus de dépenses que de pertes
Au cours des 18 derniers mois seulement, le Congrès américain a adopté 7 000 Mds$ de nouvelles dépenses pour compenser l’effet des confinements et le projet de loi sur les infrastructures de Biden.
Ces sommes énormes représentent une surpuissance époustouflante : c’est 8,8 fois les 800 Mds$ de perte de PIB au cours des six derniers trimestres. C’est aussi 54 000 $ pour chaque foyer aux Etats-Unis.
Pourtant, ce n’est pas fini.
Le soi-disant compromis de 1 800 Mds$ sur les droits sociaux et l’énergie soi-disant verte sont toujours en suspens, et l’ensemble coûtera en réalité plus probablement 4 000 Mds$ au cours de la prochaine décennie, lorsque les gadgets comptables disparaîtront.
C’est une débauche de dépenses unique dans toute l’histoire américaine, y compris pendant le New Deal et les excès du « guns and butter » du président Lyndon Johnson dans les années 1960, quand celui-ci voulait financer en même temps l’expansion militaire liée à la guerre du Vietnam et son programme social.
C’est une situation qui n’est comparable qu’aux périodes de guerre.
De plus, ce total de 11 000 Mds$ de potentielles nouvelles dépenses a été précipité par le Congrès sans pratiquement aucune audition ni analyse d’experts. Ce qui signifie que Washington a dû débloquer 85 000 $ de nouvelles dépenses par ménage américain sans le moindre égard pour les conséquences économiques et fiscales à long terme. C’est le vrai coûte que coûte, définitif.
Les dépenses passent au bilan de la Fed
De même, le bilan de la Fed est passé de 3,8 Mds$ – déjà gonflé par la réponse aux subprime et autres QE – en août 2019 à 8 600 Mds$ à l’heure actuelle. Au cours de la même période de 27 mois, la dette publique fédérale a augmenté de près de 5 200 Mds$.
Cela signifie que près de la totalité de l’explosion d’emprunts et de dépenses de Washington est monétisée, c’est-à-dire financée avec de faux crédits tombés du ciel, largués par la Fed.
Les monnaies sont des monnaies de crédit et elles ont pour contrepartie symétrique une montagne de dettes irrécouvrables.
Même en faisant monter les prix fictifs des actifs, les dettes sont radicalement irrécouvrables pour une raison fondamentale, à savoir que, sur le long terme, les dettes ne peuvent être honorées que par des flux, par des cash flows.
Nous en sommes déjà au stade ou, pour soutenir l’illusion de la valeur des monnaies il faut soutenir la pyramide de dettes. La création monétaire ne sert plus qu’à une chose : soutenir la monnaie.
Les monnaies telles que nous les connaissons sont condamnées.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]
2 commentaires
J’aurais aimé la réponse à cette question : TOUTES les monnaies sont condamnées ? ou bien certaines, ( si il en existe), non basées sur la dette , survivront ?
J’ai en tête le Franc suisse …..
A Mr TAMINO, J’ ai dans l’ idée que toutes les monaies seront détrruites. Pour le franc Suisse, ils ne
peuvent pas se permettre d’ être encore plus chers. S’ ils ont achetés de F35 au U.S. c’ est bien pour
encore se calérsur l’ USD, tant que tout s’ effondre. In God we trust..The other pay cash !