▪ La guerre des devises actuelle a débuté en 2010. Mon premier livre, Currency Wars, est sorti peu après. Dans ce livre, j’insistais entre autres sur le fait que le monde ne se trouve pas toujours en état de guerre des devises. En revanche, lorsque c’est le cas, ces guerres peuvent durer longtemps : 5, 10, voire 15 ans, et parfois plus longtemps.
Il n’est pas étonnant que nous parlions de guerres des devises en 2016 car c’est la même guerre qui perdure.
Le climat d’investissement actuel est le plus difficile que nous ayons jamais connu, du moins depuis la fin des années 1970 — et peut-être même depuis les années 1930. Cette situation tient au fait que l’inflation et la déflation sont deux issues possibles à court terme. La plupart des investisseurs peuvent se préparer soit à l’une, soit à l’autre… mais il est beaucoup plus difficile de se préparer aux deux en même temps.
▪ La raison de ce contexte difficile n’est pas très compliquée à comprendre
Depuis six ans, les analystes et les chroniqueurs de la TV se demandent pourquoi la relance n’est pas plus forte. Ils continuent d’annoncer qu’un regain de croissance est pour bientôt. D’année en année, leurs prédictions échouent et leur confusion grandit. Peut-être êtes-vous un peu perdu, vous aussi : de multiples cycles d’activité et de crédit, normaux, sont apparus et ont disparu sous vos yeux pendant des décennies.
Si le présent « cycle » vous paraît étrange, c’est qu’il y a une bonne raison. Le ralentissement économique actuel n’est pas cyclique, mais structurel. Il s’agit d’une nouvelle dépression qui risque bien de s’éterniser si aucun changement structurel n’est apporté à l’économie. Ces changements structurels pourraient, par exemple, comprendre la réduction ou la suppression des taxes sur les plus-values, des impôts sur les sociétés et des types de réglementation les plus coûteux.
Il pourrait s’agir, par exemple également, de la construction du pipeline Keystone (qui semble peu probable, désormais), de la réforme des dépenses sociales, et de la révocation de l’Obamacare. Il s’agit de mettre en place des changements structurels qui n’ont rien à voir avec l’impression d’argent à laquelle se livre la Fed. Voilà pourquoi le recours à la planche à billets n’est pas parvenu à remettre l’économie sur les rails. Sans changements structurels en perspective, il faut s’attendre à ce que la dépression se poursuive.
Sans changements structurels en perspective, il faut s’attendre à ce que la dépression se poursuive |
Quelle est la première chose qui vous vient à l’esprit lorsque vous pensez à une dépression ?
Si vous êtes comme la plupart des investisseurs avec lesquels je me suis entretenu, cela vous rappelle sûrement les vieilles photos en noir et blanc des années 1930, où l’on voit des chômeurs faire la queue à la soupe populaire. Ou encore à une baisse des prix. Pourtant, si vous regardez autour de vous, vous ne voyez personne faire la queue à la soupe populaire, vous lisez [dans la presse] que le chômage n’est que de 4,9% aux Etats-Unis et vous constatez que les prix sont globalement stables.
▪ Alors… comment peut-il y avoir une dépression ?
Eh bien, passons chaque élément en revue.
Les gens font en réalité la queue à la soupe populaire. Aux Etats-Unis, le gouvernement délivre des bons alimentaires sous forme de carte de paiement, dont les plus démunis se servent pour payer leurs provisions.
Contrairement à ce que les gens peuvent penser, le chômage a atteint le même niveau que dans les années 1930. Si le BLS (Agence américaine de statistiques sur l’emploi) utilisait la même méthode de calcul qu’à l’époque de la dépression, le chômage serait nettement supérieur à 4,9%. De plus, aujourd’hui, des millions d’Américains demandent des pensions d’invalidité lorsqu’ils arrivent en fin de droits. Lorsque les handicaps ne sont pas réels, ou pas graves, comme c’est souvent le cas, c’est juste une autre forme de chômage.
Qu’en est-il des prix ? Dans ce domaine, l’histoire diffère de celle des années 1930. De 1929 à 1933, les prix avaient diminué nettement : de 25% environ. Or depuis 2009, ils sont relativement stables.
Lutter contre la déflation ne résout pas en soi les problèmes structurels de l’économie qui provoquent une faible croissance |
Le responsable ? La Réserve fédérale, et l’argent qu’elle a imprimé ! Au début des années 1930, la Fed appliquait une politique monétaire ultra-rigide mais depuis 2009, elle emploie une politique plus accommodante que jamais. Ben Bernanke, alors président de la Fed, a réagi à la politique des années 1930 menée par la Fed, la considérant comme erronée.
Lors d’un discours prononcé en 2002, à l’occasion du 90e anniversaire de Milton Friedman, Bernanke a déclaré à ce dernier : « en ce qui concerne la Grande Dépression, vous avez raison, c’est nous qui en sommes responsables. Nous en sommes infiniment désolés mais, grâce à vous, nous ne referons plus la même erreur ».
Cela ne signifie pas pour autant que Bernanke à lui seul ait découvert le remède contre la dépression. Lutter contre la déflation ne résout pas en soi les problèmes structurels de l’économie qui provoquent une faible croissance. Au lieu de cela, Bernanke, et à présent Janet Yellen, ont créé une dynamique instable.
▪ Une différence cruciale
Les dépressions sont déflationnistes par nature. Lors d’une dépression, les débiteurs vendent leurs actifs pour récupérer des liquidités et payer leurs dettes. Cela fait donc baisser le prix des actifs. La chute du prix des actifs met alors d’autres investisseurs en difficulté, ce qui provoque de nouvelles ventes d’actifs. Ils sont pris dans une spirale de baisse des prix.
L’impression d’argent, en revanche, est inflationniste par nature. En lâchant davantage d’argent sur une quantité donnée de biens et services, les prix de ces derniers ont tendance à augmenter.
La relative stabilité des prix que vous connaissez aujourd’hui est le produit de la déflation et de l’inflation qui agissent simultanément. Les prix sont loin d’être stables, bien au contraire : on assiste à une situation extrêmement instable. Considérez que les forces de la déflation et de l’inflation sont deux équipes qui s’opposent au tir à la corde.
A la fin, il n’y aura qu’un vainqueur, mais la bataille peut durer longtemps avant qu’une équipe ne l’emporte.
Si les Banques centrales cessent de provoquer l’inflation, la déflation ne mettra pas longtemps à submerger l’économie. Si les Banques centrales persévèrent et continuent à imprimer de l’argent pour stopper la déflation, elles finiront par obtenir plus d’inflation que prévu.
▪ Pour vous investisseur, les deux issues sont très dangereuses
L’économie est en équilibre instable sur la corde raide entre une déflation destructrice et une inflation galopante. A tout moment, les prix pourraient rapidement basculer d’un côté ou de l’autre.
Les Banques centrales entretiennent une idée fausse, à savoir qu’elles sont capables de « régler avec précision » l’économie. En cas de surchauffe (c’est l’inflation), elles baissent le thermostat. En cas de refroidissement (c’est la déflation), elles remontent le thermostat. La réalité, elle, est différente. L’économie n’a rien d’un système linéaire réglable à coups de thermostat.
Il s’agit d’un système dynamique complexe qui s’apparente plus à un réacteur nucléaire. Une fois que la fusion a commencé, on a beau appuyer sur tous les boutons, rien ne peut arrêter le phénomène. Une récession mondiale s’est amorcée et les Banques centrales bricolent les thermostats en imprimant de l’argent.
Cela ne veut pas dire qu’il faut baisser les bras et jeter l’éponge. De nombreux analystes vous diront pourquoi il faut craindre l’inflation. Et de grands responsables politiques tels que Christine Lagarde, du FMI, et Mario Draghi, de la BCE, nous mettent en garde contre la déflation.
Toutefois, l’analyse ne saurait se limiter à une question d’intuition ou à un parti pris. La bonne analyse, c’est que la déflation et l’inflation peuvent toutes les deux se produire. Si quelqu’un vous met uniquement en garde contre l’une ou bien l’autre, alors il lui manque la moitié du puzzle.
▪ Comment vous préparer ?
Si vous saviez qu’une déflation allait se produire, vous n’auriez pas de mal à vous constituer un portefeuille rentable. Vous auriez des liquidités et vous investiriez essentiellement sur des obligations. Car en cas de déflation, la valeur de l’argent augmente au fur et à mesure que les prix baissent, et les obligations grimpent au fur et à mesure que les taux d’intérêt diminuent.
Il se pourrait que vous souhaitiez aussi acquérir des terrains non viabilisés. Il faut savoir qu’en période déflationniste, si la valeur nominale des terrains chute, les coûts de viabilisation baissent encore plus vite. La solution serait alors de profiter de ces coûts peu élevés afin de les faire viabiliser avant un nouveau cycle de hausse.
L’analyse ne saurait se limiter à une question d’intuition ou à un parti pris. La bonne analyse, c’est que la déflation et l’inflation peuvent toutes les deux se produire |
En revanche, si vous saviez qu’une inflation allait se produire, il vous serait facile de vous constituer un solide portefeuille. Il suffirait d’acheter des matières premières telles que l’or et le pétrole, et des titres de sociétés ayant des actifs tangibles dans des secteurs tels que les transports, l’énergie, les ressources naturelles et l’agriculture.
Vous pourriez également investir dans des oeuvres d’art, qui constituent un excellent moyen de préserver votre argent dans un contexte inflationniste.
Cette tendance actuelle du dollar fort pourrait brutalement faire volte-face. C’est l’un des chocs auxquels les investisseurs doivent s’attendre.
Alors que faire quand on est sur la corde raide et que l’on peut basculer soit du côté de la déflation, soit du côté de l’inflation ?
Dans ce cas, il faut se préparer aux deux, ouvrir grand les yeux et avoir l’esprit vif. Certaines forces sont à l’oeuvre et pourraient aboutir à un retournement rapide, notamment en ce qui concerne le taux de change dollar/euro. C’est ce qu’il faut surveiller de très près.
Votre portefeuille de base doit comporter de l’or, des oeuvres d’art, du foncier, des liquidités, un peu d’obligations, certaines actions et autres alternatives telles que les hedge funds dits « macro » et le capital-risque. Toutes ces stratégies ne se révèleront pas payantes, mais certaines seront assez rentables pour compenser les autres et préserver votre argent.
[NDLR : Jim est là pour vous aider à appliquer efficacement ces stratégies… et mieux comprendre ce qui est en train de se passer. Pour en savoir plus, cliquez ici]