L’Union européenne et les Etats-Unis… et si on inversait les rôles ? Le Brexit aurait-il eu lieu ? Une nouvelle Guerre de sécession se serait-elle produite ?
Contrairement aux Etats-Unis, que nous avons passés en revue hier, en Europe, les programmes de redistribution sont presque exclusivement gérés et financés au niveau de chaque pays membre.
Le NHS [le système de santé publique du Royaume-Uni, NDLR.], même lorsque le Royaume-Uni faisait partie de l’Union européenne (UE), a toujours été un programme britannique. Il en va de même pour le système de pension de retraite du Royaume-Uni.
D’autres Etats membres fonctionnent de manière similaire. La France, par exemple, possède un immense Etat-providence, mais les citoyens qui perçoivent des aides par le biais du système de redistribution français ne dépendent pas au final du gouvernement de Bruxelles pour le versement de ces aides.
L’existence d’un Etat-providence au niveau fédéral constitue un obstacle considérable pour tout Etat américain qui aspirerait à quitter l’union.
Un Etat américain qui chercherait à quitter les Etats-Unis se heurterait, par exemple, à l’opposition des électeurs craignant la perte des avantages sociaux, en particulier la sécurité sociale, accordées par le gouvernement central.
Pas de Brexit ?
En fait, si l’Etat-providence européen avait été aussi unifié qu’il l’est aux Etats-Unis, le Brexit n’aurait probablement jamais eu lieu. Les retraités britanniques et les bénéficiaires des « aides sociales européennes » auraient eu trop peur de perdre leurs prestations, tout comme de nombreux opposants au référendum sur l’indépendance de l’Ecosse craignaient de perdre les aides versés par Londres.
Ce n’est pas une coïncidence si les personnes âgées résidant en Ecosse (et les « chômeurs indemnisés ») ont majoritairement voté contre l’indépendance de l’Ecosse.
Le cadre réglementaire en Europe est de plus en plus l’affaire des politiciens de Bruxelles. Pourtant, pour l’essentiel, les gouvernements des Etats membres restent maîtres de l’administration publique.
Bien qu’il existe un bras de fer permanent entre Bruxelles et les parlements nationaux, le fait est que les Etats membres conservent généralement un contrôle exclusif sur leurs budgets nationaux, sur les questions relatives à la justice et à la sécurité ainsi que sur les sujets de société. Par exemple, il n’existe pas d’équivalent européen du FBI.
De plus, dans le contexte du conflit qui fait rage au sein du bloc entre l’est et l’ouest sur le sujet des migrants, nous pouvons constater que les Etats membres de l’UE sont à la fois plus enclins et davantage capables de s’opposer aux directives du gouvernement central que les Etats américains.
Les Etats membres conservent même le contrôle unilatéral de leurs propres frontières nationales. Bien que la plupart des membres de l’UE sont soumis, de droit, à l’accord de Schengen et aux accords qui lui ont succédé, en réalité les Etats membres conservent de facto le contrôle unilatéral de leurs frontières.
Cela a été clairement démontré au cours des premiers mois de la panique liée au covid-19, lorsque de nombreux Etats membres de l’UE ont interdit la plupart des déplacements transfrontaliers.
La sortie est toujours possible
Rien n’illustre mieux le plus haut niveau de décentralisation qui caractérise l’UE que le fait que chaque Etat membre conserve le droit de quitter l’Union de manière pacifique et légale.
Cela a été démontré lorsque le Royaume-Uni a finalement quitté l’UE après plusieurs années de négociations suite au référendum national sur le Brexit qui a eu lieu en 2016. Bien que Bruxelles ait fait en sorte de rendre aussi difficile que possible le retrait du Royaume-Uni, il était impossible de nier le droit du Royaume-Uni de le faire légalement.
De plus, en pratique, l’UE ne pouvait finalement rien faire pour empêcher le Royaume-Uni de partir, principalement parce que les autres membres de l’UE n’auraient jamais voulu soutenir une action militaire pour forcer le Royaume-Uni à rester au sein de l’Union.
Bien sûr, la situation est très différente aux Etats-Unis. Chaque fois qu’un Américain fait allusion à la possibilité d’une sécession, les opposants à la sécession s’esclaffent en répondant que « la question de la sécession a été résolue par la guerre civile américaine ! »
Ceux qui affirment cela, bien sûr, indiquent ainsi qu’ils pensent que toute tentative de sécession justifierait une invasion et une occupation militaires.
Heureusement pour les Européens, l’UE n’en est pas encore au point de pouvoir mener des actions militaires contre sa propre population en toute impunité. En Amérique, à l’inverse, toute forme d’affirmation d’une volonté d’indépendance vis-à-vis de Washington entraîne des menaces de violence plus ou moins voilées.
Ce que les bureaucrates de Bruxelles veulent vraiment
Cela ne veut pas dire que les bureaucrates qui dirigent l’UE depuis Bruxelles ne désirent pas disposer de l’ensemble des pouvoirs dont jouit déjà actuellement le gouvernement américain.
Depuis des années, l’UE prend la direction d’un renforcement de ses capacités militaires, tout en demandant à disposer d’un plus grand pouvoir de supervision sur les politiques budgétaires et d’étendre la capacité d’action de la BCE en matière de politique monétaire.
Certains utilisent à présent la crise du Covid-19 comme prétexte pour justifier la création d’une « UE plus forte ».
Mais quelle que soit la vigueur avec laquelle les europhiles appellent à l’unité politique, les vieilles habitudes ont la vie dure. De nombreux Européens refusent toujours que leurs parlements nationaux deviennent de simples auxiliaires d’un gouvernement central qui gouvernerait depuis Bruxelles.
Les Américains, à l’inverse, n’ont jamais eu aucun scrupule à donner au gouvernement fédéral des pouvoirs qui feraient rougir d’envie tout bureaucrate europhile.
Il est désormais trop tard pour les Etats américains qui souhaiteraient pouvoir affirmer leur indépendance vis-à-vis du gouvernement fédéral sans faire face à une avalanche d’attaques juridiques, politiques et même militaires. Les Européens seraient avisés d’éviter de se mettre dans une situation similaire.
[Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.