Dans un monde où l’Occident confisque des avoirs souverains, où les BRICS réarment leur crédibilité et où le dollar ne vaut plus que ce qu’on veut bien lui accorder, l’or redevient une arme stratégique.
La vraie règle d’or ? Celui qui possède l’or dicte les règles.
Mais l’or ne reste jamais éternellement dans une même poche. Il circule, change de mains. Et dès qu’il bouge, c’est un autre qui fixe les règles.
Reuters rapporte :
« L’or a atteint un sommet historique jeudi, après que la Réserve fédérale américaine a laissé entendre qu’elle pourrait abaisser ses taux d’intérêt à deux reprises cette année. Une perspective qui renforce l’attrait du métal précieux, dans un contexte de tensions géopolitiques et économiques persistantes. L’or au comptant a progressé de 0,1%, atteignant 3 050,94 $ l’once à 5 h 20 GMT, après avoir touché un record absolu de 3 057,21 $ plus tôt dans la séance. »
Historiquement, une puissance montante commence par accumuler de l’or. Autrefois, cela se faisait par la force : elle conquérait, puis renvoyait le butin dans sa patrie. D’autres fois, elle exigeait un tribut – en or – de ses vassaux. Ou bien elle monnayait la paix contre un paiement.
Dans sa version moderne, une puissance politique découle surtout de sa puissance économique. Les économies dynamiques vendent plus de biens, plus de services. Pendant une bonne partie du XXe siècle, les Etats-Unis étaient le premier fabricant, le principal exportateur et la première puissance financière mondiale.
Ces avantages ont été particulièrement importants pendant les deux guerres mondiales. Les alliés comptaient sur les industries américaines pour leur fournir des biens essentiels. Les producteurs américains prenaient les commandes, expédiaient les marchandises et recevaient (éventuellement) un paiement en or.
Jusqu’en 1971, les déséquilibres commerciaux étaient réglés en or. Mais après 1971, tout ce que le vendeur pouvait obtenir pour ses dollars excédentaires, c’était davantage de dollars excédentaires, considérés comme étant « aussi bons que l’or ».
Aujourd’hui, c’est la Chine qui occupe la première place : premier producteur, premier exportateur mondial. Et pour sa peine, elle se retrouve avec des montagnes de dollars.
Bien sûr, elle pourrait les échanger contre de l’or. Mais si elle voulait le faire maintenant, elle y réfléchirait sans doute à deux fois : le prix de l’once dépasse désormais les 3 000 dollars.
Elle fait face au même dilemme que nous tous : acheter de l’or n’a plus rien d’une évidence.
Et pourtant, l’or continue de grimper.
MarketWatch rapporte :
« La montée de l’or à un niveau record de plus de 3 000 dollars l’once cette semaine a certainement fait tourner les têtes. Mais sa valeur reste encore inférieure d’environ 16% à son sommet historique de 1980, une fois corrigée de l’inflation. »
Son prix a augmenté de 39% au cours des 12 derniers mois. Et notre ratio Dow/or nous indique qu’il a encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais il n’y a pas de garanties.
Jusqu’à présent, la fièvre de l’or n’a pas contaminé les particuliers. Ce sont surtout les banques centrales qui semblent s’activer en coulisses, accumulant discrètement des réserves. Dans le grand tourbillon qui s’annonce, l’or pourrait bien être la seule chose à laquelle elles puissent encore se raccrocher.
Ajoutez des dollars, les prix montent. Injectez-les à Wall Street, les actifs grimpent, et tout le monde se sent plus riche. Injectez-les sur Main Street (l’économie réelle), les dépenses de consommation s’envolent, et avec elles, le PIB et les bénéfices des entreprises.
Ce n’est que lorsque l’inflation finit par atteindre les prix à la consommation que les choses commencent à se gâter. Et alors, selon l’ordre naturel des choses, l’épingle finit par trouver la bulle, et tout l’édifice des valeurs gonflées s’effondre. L’or monte, les actifs réels dégonflent.
Mais cette fois, les Etats-Unis ont introduit un objet tranchant bien à eux. Ils ont utilisé leur système de monnaie fiduciaire pour forcer les autres nations à s’aligner. Glenn Diesen explique :
« Les BRICS stockent de l’or pendant que le G7 militarise la finance.
La décision de l’Occident de geler – et désormais de légaliser le vol – des fonds souverains russes a, sans surprise, sérieusement entamé la confiance dans le système financier occidental. Résultat : une forte demande d’or et de métaux précieux comme valeur refuge. L’or ne génère aucun rendement, mais il conserve sa valeur lorsque tout vacille. Et l’histoire continue de se corser : la demande d’or physique explose. Et les détenteurs préfèrent désormais le stocker sur leur propre sol… car même le stockage de l’or en Occident est devenu, lui aussi, sujet à la méfiance.
Ce qui a été fait à la Russie peut arriver à n’importe qui. Un adversaire comme la Chine est évidemment le prochain sur la liste, car la coercition économique visant à empêcher la poursuite de son développement s’intensifie. L’UE demande à la Chine de payer un ‘coût plus élevé’ pour son soutien à la Russie, établissant un lien entre la Russie et la Chine apparemment dans le but de convaincre Trump de poursuivre la guerre en Ukraine. Même des pays amis comme l’Inde pourraient être visés à tout moment par des sanctions secondaires s’ils ne se plient pas aux exigences de Washington.
La Chine se fait expédier des centaines de tonnes d’or de l’Occident vers la Chine. A elle seule, la Suisse a envoyé 524 tonnes d’or à la Chine en 2022. L’Inde a ramené 100 tonnes d’or du Royaume-Uni en 2024, la première expédition importante depuis 1991. Le transfert et le stockage de ces métaux ne sont ni pratiques ni bon marché, mais l’effondrement de la confiance exige des mesures drastiques. Bloomberg rapporte que Singapour construit un entrepôt de six étages ‘conçu pour contenir 10 000 tonnes d’argent, soit plus d’un tiers de l’offre annuelle mondiale, et 500 tonnes d’or’. »
Nous ne savons pas jusqu’où tout cela nous mènera. Qui fixera les règles dans dix ans ? Nous ne le savons pas non plus.
Alors, en attendant, nous allons simplement conserver notre or encore un peu… et voir ce qu’il advient.