Depuis 50 ans, le dollar est désolidarisé de l’or ; depuis 50 ans, on croit que l’argent est illimité. Aujourd’hui, les conséquences de cela commencent à se faire sentir.
La croyance en l’argent tombé du ciel est bien ancrée. Elle prend diverses formes, les unes vulgaires, comme celle d’un Mélenchon, les autres plus sophistiquées, comme celle d’un Draghi ou d’une Lagarde.
L’idée est toujours la même, stupide : « de l’argent il y en a, il suffit de le prendre » – soit là où il est, soit à ceux qui l’ont !
Hélas, l’argent n’est rien : ce n’est qu’une ombre, un fétiche. Ce qui existe, c’est la contrepartie de l’argent – c’est-à-dire les marchandises, les biens et les services. L’argent, la monnaie ne sont que des signes, des équivalents-signes des marchandises.
Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas confisquer la fortune tombée du ciel des Arnault, Pinault et autres : non, on peut et on doit le faire parce qu’une grande partie de cette fortune est un enrichissement sans cause. Leur fortune est une bulle qui a gonflé à la faveur du pillage d’un bien commun, la monnaie.
C’est parce que les banques centrales ont gonflé la monnaie que les hyper-fortunes ont été multipliées par quatre en 10 ans. La confiscation d‘une partie de cet enrichissement sans cause pour venir réduire une autre masse de signes, ces signes que sont la masse de dettes de la France, par exemple, serait justifiée.
Signes contre signes, cela marche : on est bien dans l’univers du fictif. Leur fortune gonflée peut servir à dégonfler la dette du pays – et donc retourner à la communauté puisqu’elle vient de cette communauté.
Un cadeau tombé du ciel… et irréel
L’argent tombé du ciel, c’est toujours de l’argent qui, en dernière analyse, a été pris à quelqu’un ; c’est toujours un transfert. Ce transfert peut prendre la forme d’une dilation – cela s’appelle l’effet Cantillon.
S’il y a une richesse matérielle réelle de 1 000 et, en correspondance, 1 000 signes monétaires émis, alors chaque signe monétaire a droit à une unité de richesse réelle.
En revanche, si la banque centrale crée 1 000 signes monétaires de plus qui sont donnés, sous forme de crédit quasi-gratuit, à des intervenants déjà très solvables, alors chaque signe monétaire ne donne plus droit qu’à la moitié d‘une unité de richesse réelle.
Et si les 1 000 signes supplémentaires sont donnés à une classe sociale au détriment d‘une autre – aux kleptocrates, comme c’est bien le cas – ceux qui ont reçu ce cadeau tombé du ciel peuvent acheter beaucoup plus de biens réels que les autres. En particulier, les biens capitaux qui donnent droit au profit du système, à l’immobilier etc.
Ainsi, les kleptos accaparent les richesses réelles par ce que l’on appelle la dilution de la valeur de la monnaie que les autres détiennent.
Comme ils accumulent des biens capitaux – qui produisent un profit et donc s’auto-additionnent – et de l’immobilier qui lui, augmente en continu, ces privilégiés gonflent sans arrêt leur part de la richesse nationale. Cela produit ce que l’on appelle les inégalités, celles que l’on voit exploser depuis 10 ans.
Rien ne se perd, rien ne se crée… et « deux plus deux ne feront jamais cinq » – que l’on soit de droite, de gauche ou les deux « en même temps » comme Emmanuel Macron.
Un socialisme de façade
Ce qui est extraordinaire, c’est que les riches sont maintenant très friands de socialisme. Pas celui qui confisque, pas celui qui réforme radicalement le système, non : celui qui le corrige en utilisant la monnaie. Ce socialisme pourri de centre droit et de gauche, le keynésien par exemple, ou plutôt le fabien.
Peu de gens comprennent pourquoi.
Tout simplement parce que les mécanismes de la monnaie, les mécanismes de l’inflationnisme monétaire jouent en leur faveur. Les politiques monétaires non conventionnelles et les monnaies fiduciaires sont au service des ultra-riches.
Il y a un lien entre les politiques monétaires actuelles, l’argent gratuit, l’argent tombé du ciel et la production des inégalités – et, « en même temps », le regain des idées socialistes.
L’inflationnisme nourrit la fortune des kleptocrates et « en même temps » alimente les idées des socialistes. En même temps, c’est tout une forme de pensée, une Gestalt.
Quelles sont les causes de la confiance apparemment infondée dans le socialisme que nous rencontrons de plus en plus dans les médias et parmi les militants politiques ?
Dans le mouvement Extinction Rebellion, financé par les riches comme Soros et sa clique, par exemple, les militants sont persuadés qu’il existe une alternative aux marchés comme moyen de produire la prospérité économique. Ils croient qu’il y a un moyen qui n’implique pas de répondre aux besoins légitimes de ses semblables tels qu’ils sont manifestés sur le marché.
Ce n’est probablement pas une coïncidence si la plupart des personnes vivant aujourd’hui ont passé la plus grande partie de leur existence dans un monde dominé par la monnaie fiduciaire.
Un monde sans précédent
Cela fait maintenant presque 50 ans que les Etats-Unis ont brisé tous les liens entre le dollar et l’or. Cela fait encore plus longtemps que les autres principales monnaies étaient liées à l’or.
Par conséquent, nous vivons maintenant dans un monde où la création de la richesse est considérée par beaucoup comme n’exigeant rien de plus que la création de plus de monnaie.
Dans ce genre de monde, pourquoi ne pas aller vers le socialisme ? Si nous manquons d’argent, nous pouvons toujours en imprimer plus. Pourquoi hésiter ?
L’argent illimité nourrit le mythe des ressources réelles illimitées.
C’est un mythe solidement ancré dans la tête de nos concitoyens – en particulier chez les plus jeunes d’entre eux.
Le monde fonctionnait sur une version diluée de l’étalon-or jusqu’en 1971, lorsque les Etats-Unis ont renoncé à leur promesse solennelle – l’accord de Bretton Woods de 1944 – de soutenir le dollar avec de l’or à 35 $ l’once.
La convertibilité, le lien entre l’or et une monnaie, a fourni une base intellectuelle solide à une réalité que très peu d’entre nous reconnaissent : nous vivons dans un monde caractérisé par la rareté et l’incertitude.
Le lien entre l’or et la monnaie renforçait l’idée que la richesse doit être produite. Elle ne peut pas plus tomber du ciel, à partir de rien, que l’or ne peut être invoqué à partir de rien.
A la base de la richesse, il y un travail, un effort, du temps, de l’incertitude. Et la monnaie, par son équivalence avec l’or, rappelait tout cela. C’était en quelque sorte du travail cristallisé.
La monnaie fiduciaire, cependant, peut être inventée/créée de toutes pièces et en quantités énormes. Plus une monnaie fiduciaire se pose comme la monnaie du pays, plus on est amené à croire que rien dans ce pays ne devrait être rare, puisque tout est acheté avec cette monnaie et que cet argent étant mis en circulation a discrétion et à volonté, il n’a pas besoin d’être rare.
Ceux qui ne connaissent que la monnaie fiduciaire illimitée exigent la gratuité des soins de santé, celle de l’enseignement supérieur… et beaucoup d’autres chose encore.
Pourquoi pas, après tout ? L’argent illimité va payer pour tout cela.
A suivre…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]