On relance, on gonfle, et le fête continue… jusqu’au jour où il faut gérer les conséquences : parlez-en à Tchang Kaï-Chek (et à quelques autres).
« La Chine prévoit des relances », titrait Bloomberg mardi matin.
Les casinos sont fermés à Macao… mais ils sont en pleine forme sur les marchés boursiers.
Tant que cette panacée universelle – la relance inflationniste – est disponible… on actionne le levier… on achète les creux… et la fête continue !
Rien n’arrête la machine infernale
Le Dow Jones a grimpé de 407 points en 2020. Le Nasdaq a atteint un nouveau sommet. Amazon est passée au-delà des 1 000 Mds$ – rejoignant Apple et Microsoft dans le « club à 13 chiffres ».
La valorisation cumulée de ces trois entreprises est supérieure au PIB de la Grande-Bretagne, de la France ou de l’Inde. En se basant sur les PER actuels – qui mesurent combien les investisseurs paient pour un 1 $ de bénéfices d’une entreprise – un actionnaire d’Amazon devra attendre 87 ans pour que l’entreprise mérite le prix de son action.
Oui, cher lecteur, on ne laissera rien entraver toute l’affaire – la grêle, le gel ou les ténèbres nocturnes n’y feront rien. Pas plus que les actes divins ou les coups de la nature. Ni les invasions de sauterelles en Afrique ou les incendies rugissant en Australie… et certainement pas la peste en Asie.
Quelle que soit l’affliction ou la malédiction qui affecte les marchés boursiers, que le président se cogne le petit orteil ou que des extraterrestres envahissent la Terre, les banques centrales ont juré de faire tout ce qu’il faut – injecter de l’argent… par sacs… par tonnes… – pour y remédier.
Eau bénite moderne
Tout le monde adore l’inflation. Les hommes d’affaires gonflent leurs chiffres. Les politiciens gonflent leurs promesses. Les hommes veulent gonfler leur compte en banque et leur… eh bien, vous voyez l’idée.
On compte sur l’inflation, aujourd’hui, comme on dépendait autrefois de l’eau bénite et du signe de la croix. On pense qu’elle écarte le démon, la dépression… le coronavirus… le chômage… la récession et (plus important encore) les baisses boursières. En ce qui concerne les vampires, on en est toutefois resté à l’ail.
L’inflation tient le dessus du panier. Parce qu’une fois qu’on s’est lancé sur cette route, le seul autre choix, c’est la déflation. L’inflation ou la mort – et qui voudrait mourir ?
Mais attendez. L’inflation est facile. Selon l’ancien président de la Réserve fédérale Ben Bernanke, « un gouvernement déterminé peut toujours créer de l’inflation ».
Dans ce cas, comment se fait-il que nous n’en fassions pas plus ? Comment se fait-il que l’inflation n’ait pas empêché la mort de l’économie allemande en 1923 ? Ou l’économie zimbabwéenne de succomber en 2006 ? Ou l’économie vénézuélienne d’étouffer aujourd’hui ?
Le cuivre agonise
En attendant, le cuivre a clôturé en baisse lundi, pour la 13ème séance consécutive ; c’est le plus long retournement de son histoire. Inutile d’être un génie pour comprendre pourquoi. Le plus grand utilisateur de cuivre, c’est la Chine. Si l’économie chinoise ralentit, la demande de cuivre fait de même.
On dit parfois que le cuivre est « diplômé d’économie ». On l’achète bien avant le réfrigérateur ou le tuyau ou l’automobile dans lesquels il termine. Par conséquent, une grosse chute du prix du cuivre ressemble à une mort. Cela nous dit que la fin est proche.
Avec 44 000 Mds$ de dette, des millions d’appartements vides et un excès de capacité dans quasiment tous les secteurs majeurs, la Chine est elle aussi dans le piège « l’inflation ou la mort ».
Si elle laisse les marchés « normaliser » son économie, cela engendrera une contraction économique désastreuse – et peut-être la fin du contrôle du parti communiste. Elle n’a pas le choix : il lui faut de l’inflation.
Pas une panacée universelle
Mais l’inflation porte en elle une mèche allumée.
En 1927, le gouvernement de Tchang Kaï-Chek était lourdement endetté. Près de la moitié de ses dépenses étaient couvertes par l’emprunt.
Il n’a fallu que quelques années aux prêteurs pour reculer, refusant de prêter plus d’argent au gouvernement chinois. Tchang – qui était à la tête du gouvernement de l’époque – a alors mis en place une loi exigeant qu’ils achètent des obligations gouvernementales.
Jusqu’en 1935, la monnaie chinoise était réelle – adossée à l’argent-métal. Ensuite, les banques ont été progressivement reprises par le gouvernement, qui leur a donné l’autorisation d’émettre leur propre devise légale. On considérait cela comme une étape vers un système monétaire moderne, très similaire à ce que les Etats-Unis ont fait en 1971.
Les Japonais ont envahi la Mandchourie en 1937. La Chine a riposté avec la planche à billets. Les imprimeurs locaux n’arrivaient pas à suivre le rythme, de sorte qu’il fallait imprimer l’argent en Angleterre et l’expédier par avion au-dessus des montagnes himalayennes.
Les Japonais se sont rendus en 1945, mais l’inflation a continué – finançant désormais une nouvelle guerre entre les nationalistes et les communistes. Mais à ce moment-là, le yuan avait chuté, passant de trois par dollar en 1934 à 23 000 par dollar en 1949.
Les gens en avaient assez de se faire arnaquer par Tchang et son inflation. Ils se sont tournés vers Mao. Ses successeurs mènent encore le spectacle en Chine – et c’est désormais eux qui escroquent les citoyens grâce à l’inflation.
Oui, cher lecteur, l’inflation n’est pas la panacée universelle. Ce n’est qu’une arnaque.