▪ Axel Weber — patron de la Bundesbank, membre du collège des gouverneurs de la Banque centrale européenne, favori à la succession de J.C. Trichet et l’un des conseillers les plus écoutés d’Angela Merkel — multiplie les déclarations. Il confirme la ferme opposition de l’Allemagne au processus des rachats de dette publique par les banques centrales des pays de la Zone euro opérant pour le compte de la BCE.
Nul n’ignore que Nicolas Sarkozy a tordu le bras de la Chancelière pour obtenir — non pas l’approbation, c’était mission impossible, mais au moins que l’Allemagne n’oppose pas un veto formel à ce qui demeure à ce jour une entorse au Traité de Lisbonne. Rappelons que ce dernier interdit toute monétisation de la dette émise par l’un des signataires du Traité de Maastricht… et à plus forte raison, celle de l’un des 16 pays ayant adopté l’euro, même pour un montant limité et temporaire, à la manière d’un « crédit relais », comme l’évoque désormais Axel Weber.
Certains de ses proches collaborateurs de la Bundesbank, furieux du passage en force de la France, n’hésitent pas à parler de complot contre les intérêts de l’Allemagne. Ils dénoncent un risque pour la crédibilité politique de l’euro et la stabilité des prix, objectif principal de la BCE — comme si les marchés n’avaient pas déjà exprimé ce qu’ils pensaient de l’absence de gouvernance économique de l’euro… comme si l’inflation était un souci majeur depuis l’éclatement de la bulle des dérivés de crédit en 2007, alors que la dépression demeure toujours menaçante !
Mario Draghi, autre éminent gouverneur de la BCE, tente de calmer le jeu. Il affirme que le programme de rachats de dette publique serait supprimé « dès que les marchés reprendront spontanément les transactions sur les titres des pays en question ». C’est-à-dire aux calendes grecques (c’est de circonstance) !
J.C. Trichet propose de traiter les causes plutôt que les effets. Il avance une solution qui brosse les marchés dans le sens du poil : « nous sommes une fédération monétaire. Nous avons maintenant besoin d’avoir l’équivalent d’une fédération budgétaire en termes de contrôle et de surveillance de l’application des politiques de finances publiques ».
▪ Nous faisons le pari que l’euro-fédéralisme ne va pas voir le jour avant longtemps. Il faudrait en effet modifier les traités actuels et amender la constitution de nombreux pays, ce qui va s’avérer compliqué dans un contexte où l’euro-scepticisme n’a jamais été aussi élevé !
La tragédie grecque qui déchire le couple franco-allemand pourrait n’être qu’un hors-d’oeuvre si les marchés prennent conscience du véritable ressenti de la population et des milieux d’affaire espagnols. Un pessimisme noir — qui n’est en rien exacerbé par la presse locale à des fins purement politiques — règne depuis le début de l’année dans la péninsule, la récente nationalisation de la Cajasur n’étant que l’écume des choses.
Le marché immobilier est au point mort… les transactions se font au compte-gouttes… des centaines de milliers de logements encore inachevés sont invendables… Le gouvernement espagnol peut au mieux gagner un peu de temps en annonçant une succession de mesures de réduction des déficits avant que les spéculateurs ne prennent conscience que le pays sombre dans la dépression et ne s’en sortira pas en décourageant la consommation et en coupant massivement dans les dépenses à caractère social.
▪ La première à s’en émouvoir est la Chine. Son Premier ministre, Wen Jiabao, n’écarte pas le scénario d’une reprise mondiale contrariée par les plans d’austérité qui viennent d’être annoncés dans de nombreux pays (ou risquent de l’être à brève échéance).
Le gouvernement français ne sait pas pour l’instant comment il va pouvoir à son tour passer d’une rhétorique de rigueur à la mise en oeuvre d’une série de mesures qui s’annoncent très impopulaires. L’Allemagne, pourtant moins endettée que l’Hexagone, réfléchit de son côté à des mesures drastiques qui seront annoncées dès cet automne visant au retour à l’équilibre budgétaire à l’horizon 2012 : hausse de la TVA et de l’impôt sur le revenu, baisse des prestations sociales et des dépenses d’investissement.
Le ministre français du Budget, François Baroin, a estimé que l’objectif de conserver la note « AAA » de la France serait ardu. On peut facilement le croire si la France donne l’impression de tergiverser et prend du retard sur le calendrier d’économies que s’est fixée l’Allemagne.
Matignon et Bercy peuvent-ils parier que Fitch fera preuve de plus de mansuétude envers la France (qui n’a pas annoncé grand-chose pour l’instant) qu’elle n’en a montré pour l’Espagne ? Cette dernière a été privée vendredi soir de son « triple A » malgré une politique budgétaire destinée à plaire au FMI et aux détenteurs de dette allemands et anglo-saxons.
▪ La décision de Fitch ne semble pas avoir surpris les cambistes — c’est en tout cas ce que démontre un euro qui ne s’est guère écarté des 1,228 $/1,232 $. Certains économistes estiment que les agences de notation vont maintenant s’accorder un peu de temps avant de prévenir les marchés qu’elles envisagent de nouveaux abaissements notation. La tension pourrait donc retomber d’un cran sur la dette des PIGS.
Charles Evans, président de la Réserve fédérale de Chicago, estime que la crise de la dette dans la Zone euro pourrait retarder le processus d’un resserrement monétaire aux Etats Unis.
Tant que l’inflation reste contenue (via la fiction statistique) et que la Chine achète sans broncher des bons du Trésor américains (parce que le dollar apparaît plus solide que l’euro), il n’y a en effet aucune urgence à normaliser la politique hyper-accommodante de la Fed.
De nouvelles tensions diplomatiques au Proche-Orient (l’alliance stratégique entre Ankara et Jérusalem menace de voler en éclats, Benjamin Netanyahu annule une visite qui s’annonçait soudain très délicate à Washington) ne peuvent que doper le billet vert.
Pour qu’il corrige face à l’euro, il faudrait une succession d’informations négatives concernant le marché du travail aux Etats-Unis. Elles pourraient tomber soit mercredi avec l’enquête de Challenger/ADP… soit jeudi avec les inscriptions hebdomadaires au chômage… soit vendredi avec les chiffres officiels des créations d’emplois.
▪ Le mot d’ordre, malgré une actualité internationale qui a pris une tournure plus dramatique entre dimanche et lundi dans les eaux internationales de la Méditerranée, était de ne rien faire sur les marchés.
Hier fut effectivement une journée pour rien et qui ne revêt techniquement aucune signification. Paris a oscillé toute la journée entre 3 500 et 3 525 points, avant d’en terminer en repli de 0,2%). Le score aurait aussi bien pu être légèrement positif comme cela a été le cas à Francfort ou Amsterdam… ou sur l’Eurotop 100, qui grappille 0,3%.
Ce scénario de stagnation des indices et des volumes (moins d’un milliard d’euros d’échanges réels à Paris) était cependant prévisible. Il s’avère récurrent lors de la célébration du Memorial Day aux Etats Unis (Wall Street était fermé hier) et du Spring Holiday (congé de printemps) en Angleterre (la City de Londres était également en congé).
▪ La façon dont Londres et New York vont réagir aux événements géostratégiques durant les prochaines heures (après une chute de 8% à 9% au mois de mai) pourrait préfigurer ce qui attend les marchés lors des semaines et des trimestres qui viennent. Un trop grand isolement diplomatique d’Israël induirait une attitude encore plus unilatérale et une perte d’influence de Washington auprès de son principal allié au Proche-Orient… ce dont les investisseurs auraient tout à redouter.
Tout cela fait beaucoup de couples au bord du divorce au même moment !