Par Simone Wapler (*)
L’or se tapit sagement sous 900 $ l’once, tandis que la crise se développe. "La fin de monde n’arrive pas très souvent", remarque le dicton canadien. Le début de la fin semblait très proche sur les marchés actions jusqu’au 10 octobre et beaucoup attendaient l’or au tournant.
Déception : finalement l’once n’a même pas renoué avec son précédent sommet de 1 000 $. Au coeur de la tourmente, la relique barbare a rencontré plusieurs ennemis bien connus :
– des ventes d’or de la part des fonds ;
– une remontée inopinée du dollar ;
– une baisse des craintes d’inflation.
Mais avant de détailler ce qui précède, relativisons la médiocre performance de l’or. Tandis que tous les actifs papier et toutes les matières premières sont en recul depuis douze mois, l’or est le seul qui reste en territoire positif.
Sur un an, le Dow Jones a perdu 32%, Cac 40 45% et le pétrole 7% alors que l’or gagnait 12%. L’or brille donc de quelque feu modeste au milieu d’un océan de pertes.
Plus intéressant, son statut de valeur refuge, et non pas de simple matière première, se raffermit. Car tous les métaux précieux sont en fort recul sur le même période. Ainsi l’argent affiche -19%, le platine -27% et le palladium -45%.
Mais pourquoi ne s’envole-t-il pas au moment où les marchés suent la peur ? Il est maintenant temps de nous pencher sur les facteurs évoqués plus haut.
Des fonds spéculatifs et des fonds de couverture ont dû se séparer d’or pour dégager des liquidités afin de couvrir leurs pertes. Ceci a conduit à une situation très étonnante sur le marché de l’or. Le Comex, le plus gros marché américain et le plus gros marché du monde, voit se déboucler de grosses positions des courtiers. Il y a maintenant de moins en moins d’acteurs sur ce marché des contrats à terme. Les comptoirs des négociants des grandes banques d’investissement sont déserts. Ceci pousse les prix à la baisse.
L’activité est à son niveau le plus bas depuis octobre 2006. Le corollaire de cette situation est que le poids du Comex sur le marché de l’or est en voie de diminution. Mais parallèlement, le marché comptant de l’or physique connaît une affluence record. En fait, il n’y a pas assez d’or physique pour satisfaire la demande des investisseurs.
Comment le sait-on ? "Il suffit de lire les avis de rupture de stock des plus gros bullions aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Europe", indique Gene Arensberg, spécialiste de l’or du site canadien Resource Investor.
Autre indicateur "la prime historiquement haute", poursuit-il. Cette prime est la différence entre le prix de l’once et le prix de l’or physique sous forme de pièce ou lingot. Elle se négocie au-dessus de son poids en or. Aujourd’hui la prime est positive — les pièces de paient plus cher que leur poids en or — et atteint des sommets historiques.
Tandis que les prestidigitateurs du papier et des effets de levier poussent les prix de l’or à la baisse, aucun possesseur d’or physique ne souhaite se séparer du métal à un prix aussi vil et les investisseurs se bousculent au portillon. Ce paradoxe ne pourra pas durer indéfiniment. Le prix de l’or physique disponible et immédiat et le prix "comptant"du marché papier devront un jour converger.
La suite dès demain.
(*) Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières, Simone Wapler est passionnée par les investissements "tangibles".
Elle analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances – La Lettre du Patrimoine.