** La principale information à retenir de cette journée du mardi 23 juin, ce n’est pas la mollesse des marchés action, ni le buzz au sujet du "Grand Emprunt" évoqué par Nicolas Sarkozy (le dernier du genre, l’Emprunt Giscard, est demeuré célèbre pour avoir provoqué le doublement du cours mondial de l’or en 1981). Non, la véritable information-clé était l’envol de l’euro face au dollar (+1,75%).
Le soudain appétit — dévorant — pour la monnaie unique aurait été déclenché par les propos de l’Allemand Axel Weber. Selon lui, la Banque centrale européenne (BCE) a suffisamment pris d’initiatives à ce jour pour juguler la crise financière.
Voilà de quoi alimenter l’hypothèse d’une interruption du cycle de baisses de taux directeurs, bien que Jean-Claude Trichet ait récemment laissé la porte ouverte à un nouvel assouplissement monétaire, compte tenu des "très grandes incertitudes" qui affectaient nos économies (toujours en pleine déprime, du point de vue de l’activité réelle et de l’emploi).
Le patron de la BCE ajoutait ce mardi que de nouvelles turbulences sur les marchés sont possibles. Il attire l’attention des gouvernements sur le fait que les niveaux de déficits actuels ne laissent aucune marge de manoeuvre supplémentaire en matière d’endettement pour combattre la crise ; une remarque certainement pas innocente qui devrait faire grincer des dents du côté de Bercy et de l’Elysée au lendemain des annonces faites à Versailles.
Le rebond de l’euro nous semble bien plus révélateur de la vulnérabilité du dollar que d’un regain de confiance dans l’arrivée à maturation des "jeunes pousses" qui bourgeonnent en Europe depuis le début du deuxième trimestre 2009.
** Hier, les chiffres du jour n’incitaient guère à déclencher une grande vague d’arbitrages au profit du billet vert. Selon les résultats préliminaires de l’enquête Markit/PMI, établis sur la base d’informations collectées auprès de près de 2 000 entreprises de la Zone euro, il ressort que l’indice mensuel mesurant l’évolution du secteur des services a reculé à 44,5 en juin contre 44,8 au mois de mai.
Ce score est bien inférieur au consensus de 45,8 prévu par les économistes. Il préfigure une baisse de 0,5% à 0,6% du PIB dans l’Eurozone au deuxième trimestre — le seul aspect encourageant étant un ralentissement de la contraction de l’activité dans le secteur tertiaire en fin de trimestre.
Les estimations préliminaires des PMI allemand et français mettent en évidence d’importantes disparités entre les deux premières économies de la Zone euro. Si l’indice composite atteint dans l’Hexagone un plus haut d’un an à 47,7 en juin contre 46,6 en mai, le PMI a reculé en Allemagne à 43,4 contre 44 en mai. Selon l’institut Markit, il est à craindre que l’Allemagne connaisse une contraction de son PIB à l’issue de chacun des quatre trimestres de l’année 2009.
Mis à part un phénomène de reconstitution des stocks, il est difficile d’entrevoir un redressement de l’activité industrielle en Europe… et cela ne suffira pas à compenser la faiblesse de la consommation. Les porte-monnaie sont restés cadenassés en France le mois dernier, avec un recul de 0,2% des dépenses des ménages : heureusement, les soldes démarrent ce mercredi même. Du côté de l’Allemagne, les revenus réels des salariés ont chuté de -0,4%, le taux d’épargne progressant symétriquement.
** La teneur des statistiques américaines ne saurait expliquer le plongeon du dollar : les chiffres du jour ressortaient en demi-teinte, avec des ventes de logements anciens qui ont certes progressé de +2,4% en mai (à 4,77 millions d’unités en rythme annualisé) — mais ce score s’avère légèrement inférieur à la prévision moyenne des économistes.
La seule véritable déception a trait au chiffre du mois d’avril : il a été revu à la baisse, à +2,4% contre une estimation initiale de +2,9% par rapport à mars.
Mais les cambistes ont également quelques motifs de se montrer prudents, car nous avons assisté hier à la mise en place du premier volet d’une des plus grosses adjudications de T-Notes de l’histoire des Etats-Unis par le Trésor américain. Il s’agit d’une masse de 40 milliards de dollars de bons à deux ans ; une quantité presque équivalente de bons à cinq ans sera mise aux enchères aujourd’hui. Enfin, le programme — d’un montant global de 104 milliards de dollars — sera complété ce jeudi par la vente de T-Bonds 2016 (de maturité à sept ans).
Il est à noter que des émissions d’OAT et de bons du Trésor italien ont reçu un très bon accueil ce mardi : un galop d’essai encourageant pour la méga-émission obligataire de l’automne à l’initiative de la France ? Les détenteurs d’euro, en tous cas, ne semblent plus s’émouvoir de son air… "emprunté".
** Aucun suspense en revanche concernant l’attitude de la Fed : elle va continuer de faire tourner la planche à billets. La réunion de son comité de politique monétaire s’achèvera ce soir, et un statu quo "à taux zéro" est unanimement anticipé.
Ben Bernanke devrait confirmer la poursuite du cycle d’assouplissement quantitatif dans un contexte d’inflation sous contrôle — avec des pressions déflationnistes persistantes du côté de l’immobilier, des biens intermédiaires et des biens de consommation durable.
** Si les indices boursiers se sont montrés peu volatils mardi, la séance fut assez nerveuse sur le NYMEX : le baril de pétrole est revenu s’appuyer sur 66,8 $ avant de reprendre 2%, à 68,9 $, en l’espace d’une demi-journée de transactions. L’or noir s’est imposé comme valeur refuge dès que le dollar a commencé à se replier sous les 1,40/euro.
Les fluctuations en forme de montagnes russes n’ont guère perturbé les places européennes. Le rebond de la mi-journée s’est interrompu vers 15h30 en raison du manque de tonus de Wall Street dès l’ouverture.
Les indices américains ne se sont maintenus dans le vert que l’espace de quelques minutes, avant d’amorcer un net mouvement de repli à partir de 16h (publication des chiffres concernant les reventes de logements anciens).
Le Dow Jones reperdait une cinquantaine de points vers 17h15… Le CAC 40, revenu d’un plus haut de 3 143 points, n’a pas tardé à revenir tester le seuil des 3 100 points (zénith du 17 puis des 24 et 27 avril dernier) à un quart d’heure de la clôture.
Au final, le CAC 40 ne lâchait que 0,21% à 3 116 points — un niveau équivalent au plancher de la mi-mai. Ce score reflète parfaitement la moyenne des variations observées sur le Vieux Continent (-0,25% pour l’Euro-Stoxx 50)… et qui furent le plus souvent insignifiantes avec -0,15% à Amsterdam, -0,1% à Londres, +0,1% à Madrid et +0,3% à Francfort.
Il ne reste que quatre séances aux gérants pour mettre la dernière main à l’habillage des bilans en fin de semestre. Pour notre part, nous conseillons une tenue permettant d’affronter les grands froids car l’été 2009 pourrait bien ressembler à celui qui avait glacé les indices boursiers l’an dernier.
Avec les chiffres du chômage US publiés après-demain, nous saurons très bientôt si Wall Street met le cap au sud pour un nouvel été austral… le sud étant symboliquement la direction que prennent — à l’image d’un baromètre — les marchés dits baissiers.
Philippe Béchade,
Paris