▪ Allons, allons, approchez mesdames et messieurs, faites vos jeux, choisissez votre indice favori et tentez un pari, ça gagne à tous les coups. Allons, allons, mesdames et messieurs, misez quelques pièces d’argent, pas de perdants, que du retour sur investissement.
Quoi, qu’entends-je à ma droite ? Un sceptique qui exige des preuves ! Ah, vous tombez bien, vous allez être édifié ! Tenez justement, prenez le Nasdaq depuis le 31 janvier : pas un seul coup perdant en 11 séances !
Comment, vous me traitez d’imposteur ? Quoi ? Un repli de 0,29% le 9 février coupe la série haussière pour cause d’émeutes au Caire !
Ah ah ah… j’attendais cette objection ! Non monsieur, ce n’est pas l’exception qui confirme la règle ! Je vois que vous êtes très ignorant du fonctionnement du marché en unités de temps réduites (deux à cinq minutes, NDLR.) car regardez attentivement ce qui s’est passé ce 9 février en début de matinée.
Ne constatez vous pas que le Nasdaq est allé chercher 2 799 points contre une clôture à 2 797 au plus haut la veille ? Si vous aviez misé sur la hausse dès l’ouverture, vous empochiez deux points. Certes, ce n’est pas grand’chose… mais tous les acheteurs de la veille se sont bien retrouvés créditeurs et ont eu largement le temps de se couvrir avec des « stops suiveurs ». De toute façon, 48 heures plus tard, pfutt… envolées les pertes du 9 février, adieu Moubarak et bonjour aux 2 810 puis aux 2 820 points.
Je vous le dis, c’est strictement impossible de perdre de l’argent en bourse… Regardez donc le graphique du Nasdaq : sur les 16 dernières séances (depuis le 24 janvier), il n’a terminé que deux fois dans le rouge !
Et ce n’est pas fini, il peut encore mieux faire ! Tenez, du 4 octobre au 10 novembre 2010, sur 29 séances, il n’avait terminé en baisse qu’à quatre reprises ; il n’avait perdu plus de 0,8% que deux fois, sans jamais aligner deux séances de repli consécutif.
Avec un ratio de sept séances de hausse pour une seule de repli, vous voyez bien qu’il est impossible de perdre. Même un parfait idiot peut gagner de l’argent en investissant sur n’importe quoi, à n’importe quel moment de la séance, de la semaine ou du mois en cours.
▪ Comment dites-vous… cela sent l’arnaque, c’est trop beau pour être vrai ? Alors là, je vous interdis de parler d’arnaque : le Nasdaq monte grâce au bon argent frais imprimé tous les matins par la Federal Reserve. Et croyez-moi, cinq milliards de dollars par jour, ça fait un sacré paquet !
Comment ça, d’où sort cet argent ?
Mais vous posez des questions stupides ! Tout le monde — à part vous, peut-être — sait bien que la Fed a le droit d’en imprimer autant qu’elle veut… Juste comme ça, et hop ! Un petit vote majoritaire des collaborateurs des Ben Bernanke et c’est réglé. Y’a aucune limite !
Regardez le bilan de la Fed : il pesait 750 milliards de dollars à l’été 2008… Il explosera la barre des 3 000 milliards (20% du PIB américain) d’ici juin 2011… Et tout le monde s’en fiche — on en redemande !
Je vous le dis, Wall Street ne peut que prolonger son rally haussier, continuer de battre des records de nombre de séances dans le vert et dépasser le ratio de 90% de hausse au mois de février.
De toute façon, à moins de compter parmi la centaine de millions de futurs retraités américains à qui les brasseurs d’argent refourguent les actions au prix fort (rassurez-vous, ils n’ont pas le droit de les revendre à moins de mettre un terme à leur carrière… c’est trop fort comme carambouille, non ?), vous n’avez strictement rien à craindre !
Le fardeau de la dette pléthorique des Etats-Unis et le risque de baisse des actions, c’est l’épargnant américain qui l’assume à 100%. Pourquoi voudriez-vous que ça tourne mal ?
▪ Et effectivement, tout continue d’aller pour le mieux !
Les indices américains veulent ignorer la morosité des places européennes. A la mi-séance hier, le Nasdaq (+0,35%) pulvérisait un nouveau record annuel à 2 821 points — à 0,5% de son record historique d’octobre 2007. Le S&P prenait 0,15% et franchissait les 1 331 points, soit +100% en 23 mois, record absolu de hausse sur un intervalle aussi court. Enfin, le Dow Jones revenait à l’équilibre à 12 271 points.
Paris a clôturé en léger repli (-0,1%) à l’issue d’une séance où la volatilité semble avoir été mise sur pause dès 11h hier matin, juste après que le CAC 40 a inscrit un nouveau record annuel à 4 130 points.
Le marché n’a pas tenu compte d’un nouvel affaiblissement de l’euro qui s’est enfoncé sous 1,35 $, à 1,3475 $. Le Brent de Mer du Nord poursuivait de son côté son ascension à Londres, franchissant le cap des 103 $ : mauvaise nouvelle pour les automobilistes et l’industrie en général.
L’optimisme des places européennes s’inspirait d’une entame de semaine tonitruante en Asie : un gain de 1,15% à Tokyo, 1,3% à Hong Kong, 2,55% en Chine (voilà que Shanghai se remet à croire à une inflation limitée), 2,7% à Bombay et surtout un surprenant 4,7% à Séoul.
▪ Nous osons à peine vous exposer pour quel motif les indices européens sont repassés en territoire négatif (enfin, heureusement, pas l’Eurotop 100, qui engrange 0,2%). Il s’agit de la raison la plus stupide du monde… et Wall Street s’en moque tellement que c’est presque ridicule d’en parler.
Enfin bon, nous n’avons pas l’habitude de cacher quoi que soit… alors même si c’est complètement hors de propos et sans aucune pertinence, sachez simplement que le taux des emprunts à 10 ans s’élevait à 11,5% environ pour la Grèce (défaut de paiement assuré d’ici 18 mois), à 8,9% pour l’Irlande (même topo), à 7,25% pour le Portugal (ouille !), à 5,4% pour l’Espagne et près de 4,8% pour l’Italie.
Et pourquoi pas évoquer les T-Bonds US 2020 à 3,6% pendant que nous y sommes ?