Rome avait apporté un certain degré de civilisation dans l’Angleterre de l’époque – mais avec la chute de l’empire, la culture et le savoir-faire romain ont disparu du sol britannique… pour longtemps.
Peu après la réponse sans appel de l’empereur Honorius à l’Angleterre de l’époque, le règne romain a pris fin dans la région (l’Irlande, pour sa part, n’a jamais été colonisée par les Romains). Il en est allé de même pour l’économie de l’époque romaine, avec ses biens de consommation, son argent, ses savoir-faire et ses technologies, ses marchés, ses entreprises commerciales… et son confort.
Durant une période de 300 ans environ, la taille de pierre a disparu d’Angleterre. Pendant la période romaine, on trouvait des milliers d’artisans expérimentés qui savaient extraire la pierre… brûler de la chaux pour faire du mortier… mais aussi tailler et assembler les pierres pour faire d’élégantes villas.
Ils savaient comment construire une maison pavée de mosaïques, avec chauffage au sol – et un toit de tuiles d’argile.
Au VIème siècle, ils avaient oublié. Au VIIème siècle, on ne trouvait peut-être pas une seule personne, en Bretagne anglaise, qui sache comment faire du mortier de chaux – ou tourner un pot.
Il n’y avait plus d’importations de la Méditerranée – vin, huile d’olives, vaisselle, bijoux, épices, blé. Il n’y avait plus non plus de marché où les acheter… ni d’argent pour cela. La seule monnaie encore en circulation avait été frappée avant l’effondrement de l’empire romain.
Les gens fabriquaient encore des pots et des bols en terre, mais ils étaient grossiers ; les potiers avaient oublié comment faire un tour, et comment obtenir l’argile fine dont ils avaient besoin.
Les techniques, les outils et l’organisation agricoles furent eux aussi heurtés de plein fouet – peut-être à cause du grand nombre de morts suite aux invasions barbares. Les récoltes avaient été volées ou détruites. Les granges, brûlées. Les vaches, les porcs, les chevaux et la volaille furent pris ou massacrés. Les champs, les prés, les domaines, les fermes et les jardins « retournèrent à la nature ».
La vie élégante et ordonnée de l’époque romaine avait disparu pour toujours – emportant avec elle l’eau courante (froide et chaude), les patios et les fresques.
A la place, on trouvait des huttes de bois au sol en terre battue. Les livres et les essais avaient eux aussi disparu… tout comme les idées et les histoires.
Une abbaye en ruine
On trouve aujourd’hui quelque 1 200 œuvres écrites de la période classique – la Rome et la Grèce antique – ayant survécu. Il existe quelques ouvrages provenant de l’époque médiévale – mais ils sont rares, et ce sont principalement des textes religieux. Pas d’Euclide ou d’Aristote. Pas de Plutarque ou de Pline.
Bon nombre de ces œuvres « classiques » n’ont survécu au Moyen-Age que parce qu’elles étaient cachées dans des monastères… qu’elles avaient été traduites en arabe… ou copiées par des moines qui n’avaient peut-être pas la moindre idée de ce qu’ils écrivaient.
L’un de ces monastères, le long de la rivière Blackwater, juste en bas de la colline près de chez nous, était appelé Molana.
L’abbaye de Molana (Source : Geograph.ie)
Il a été fondé en 510, mais les ruines visibles aujourd’hui ont été construites par Raymond Le Gros, l’un des conquérants normands du XIIème siècle. Raymond était lieutenant du chef normand Richard de Clare, dit Strongbow.
On pense également qu’il a construit le château de l’autre côté de la route, devant le pavillon de notre ferme. La maçonnerie – ainsi que la taille de l’édifice – sont différentes de la plupart des bâtiments et des murs qu’on voit en Irlande. Le château est plus vieux. Plus grand. Les murs sont aussi plus épais et plus hauts.
Les murailles sont encore là… en ruines à certains endroits, sur le point de s’effondrer à d’autres. Elles aussi ont connu des hauts et des bas.
Il a dû falloir une armée de maçons – ou d’esclaves – pour les mettre sur pied. Peut-être que lorsque les derniers assaillants vikings sont apparus sur la rivière, les autochtones sont allés s’abriter derrière les murs du château. Ou peut-être les ont-ils utilisés pour se protéger des Anglais, qui sont venus envahir plus tard.
Ou encore pour se protéger les uns des autres, les clans irlandais étant perpétuellement en conflit – les O’Brien contre les O’Donnell contre les O’Toole contre les McMahon… contre les McSweeney… contre les McCravashy et les Sheehan… et ainsi de suite.
Eux aussi ont connu des hauts et des bas. Il est stupéfiant de voir qu’ils ont survécu jusqu’à aujourd’hui.