Les menaces de Trump sur les tarifs douaniers sont devenues réalité, déclenchant une guerre commerciale à l’échelle mondiale.
Les guerres commerciales ont commencé !
Après des mois de menaces de tarifs douaniers contre les partenaires commerciaux des Etats-Unis durant sa campagne présidentielle de 2024, Donald Trump est finalement passé à l’action.
Samedi 1er février, il a annoncé l’imposition de droits de douane de 25% sur toutes les importations en provenance du Mexique et du Canada (à l’exception de l’énergie canadienne, taxée à 10%), et un tarif supplémentaire de 10% sur toutes les importations chinoises. Ces nouveaux tarifs sur la Chine s’ajoutent à ceux qu’il avait déjà instaurés en 2018, dont beaucoup étaient restés en place sous l’administration Biden.
L’ensemble de ces nouveaux tarifs devait entrer en vigueur dès le lundi 3 février.
La guerre commerciale s’intensifie
Le Canada a annoncé des mesures de rétorsion avec une taxe de 25% sur une liste d’importations américaines, et a averti les Américains que les actions de Trump auraient des conséquences bien réelles pour eux. Le Mexique a également déclaré qu’il imposerait des tarifs aux Etats-Unis, sans toutefois préciser les taux ni les produits concernés.
La Chine a elle aussi riposté en annonçant des droits de douane sur certains produits américains, intensifiant ainsi la guerre commerciale entre les deux pays. Certaines importations américaines en Chine seront désormais taxées jusqu’à 15%.
La guerre commerciale est en train de prendre une ampleur mondiale.
En plus des taxes mexicaines, canadiennes et chinoises, Trump a également annoncé des tarifs douaniers contre l’Union européenne, précisant qu’ils s’élèveraient probablement à 10%.
Même si le Canada et le Mexique ont récemment fait quelques concessions, Trump ne fait que retarder ses plans tarifaires par rapport aux négociations.
Ce qui est clair, c’est qu’une guerre commerciale à grande échelle est désormais en cours et elle pourrait être désastreuse pour les investisseurs qui ne sauront pas naviguer dans ce champ de mines.
Guerres de voisinage
Le Canada (419 milliards de dollars) et le Mexique (475 milliards de dollars) représentent près de 30% de tous les biens importés par les Etats-Unis. Le Canada, le Mexique et la Chine sont les trois plus grands partenaires commerciaux des Etats-Unis.
Evidemment, le Canada et le Mexique partagent une longue frontière avec les Etats-Unis. Les nouvelles guerres commerciales auront de nombreuses facettes, mais résoudre les problèmes liés au Canada et au Mexique constituera une part importante du puzzle mondial et établira des références par lesquelles les autres pays seront traités par les Etats-Unis.
L’ampleur du commerce entre le Canada, le Mexique et les Etats-Unis est difficile à surestimer : 23 des 50 Etats américains classent le Canada comme leur premier partenaire commercial en matière d’importations. Cela inclut toute la partie nord des Etats-Unis, de Washington au Maine (à l’exception de l’Idaho et du Michigan), ainsi qu’une grande partie du Midwest ; 10 des 50 Etats américains classent le Mexique comme leur premier partenaire commercial en matière d’importations. Cela inclut toute la partie sud des Etats-Unis (à l’exception de la Californie et de la Floride), ainsi que les Etats du Missouri, du Kentucky et du Michigan.
Des automobiles aux avocats, les importations canadiennes et mexicaines sont omniprésentes.
Trump a invoqué trois raisons pour imposer des tarifs au Mexique et au Canada : l’immigration illégale, le fentanyl et des pratiques commerciales déloyales. Les questions de l’immigration illégale et du fentanyl sont étroitement liées, car elles impliquent toutes deux de sécuriser la frontière.
Un problème plus vaste qui plane sur les négociations entre les Etats-Unis et le Mexique est l’ampleur de la mainmise des entreprises chinoises sur les entreprises mexicaines ou la construction de leurs propres usines au Mexique pour contourner directement les tarifs imposés à la Chine. Les Chinois installent des usines d’assemblage automobile au Mexique et exportent les voitures vers les Etats-Unis sans tarifs douaniers, en vertu de l’accord Etats-Unis-Mexique-Canada (USMCA, le successeur de l’ALENA).
Il se pourrait que les constructeurs automobiles américains (Ford, GM) puissent continuer à importer des voitures aux Etats-Unis sans droits de douane, alors que les entreprises chinoises au Mexique seraient pénalisées.
Cela laisse en suspens la question des constructeurs automobiles européens ayant des usines au Mexique. J’ai récemment parlé à une source bien informée chez Audi. Ils sont très inquiets. Ils viennent de construire une usine de plusieurs milliards de dollars au Mexique pour y assembler le SUV Q5 (leur modèle le plus populaire). Ils s’attendent à ce que les nouveaux tarifs mexicains le rendent trop cher sur le marché (comparé aux Toyota et Nissan fabriquées aux Etats-Unis).
Volkswagen, propriétaire d’Audi, pourrait être en difficulté financière à cause de cette erreur d’Audi. Il s’agissait clairement d’une gaffe majeure de Volkswagen de ne pas avoir installé leur usine Audi au Tennessee ou en Caroline du Sud, comme l’ont fait d’autres constructeurs automobiles étrangers.
La situation commerciale avec le Canada est plus problématique.
Même avec un délai d’un mois avant l’imposition des tarifs sur le Canada, les problèmes restent les mêmes. Trudeau n’est pas en position de force pour négocier, car il a déjà accepté de démissionner de ses fonctions de chef de parti et de Premier ministre.
Les élections nationales au Canada sont prévues pour le 20 octobre 2025, mais pourraient avoir lieu plus tôt. L’élection nationale pourrait opposer Chrystia Freeland, cheffe du Parti libéral, et Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur. Poilievre est beaucoup plus raisonnable sur les questions commerciales que Freeland.
Le plan Freeland pour combattre Trump comprend des représailles tarifaires dollar pour dollar, une coalition commerciale internationale anti-Trump incluant le Mexique, le Danemark, le Panama et l’UE, une interdiction d’achat de produits américains par toutes les agences gouvernementales canadiennes, une interdiction aux entreprises américaines de soumissionner aux marchés publics canadiens, une interdiction pour les entreprises américaines de participer aux projets financés par le Canada, ainsi qu’un soutien au secteur culturel canadien contre les « milliardaires amis de Donald Trump ».
Le Premier ministre radical de l’Ontario, Doug Ford, a proposé d’arrêter les exportations d’énergie du Canada vers les Etats-Unis et de « déchirer » le contrat du gouvernement d’Ottawa avec l’entreprise Starlink d’Elon Musk.
Les exportations canadiennes vers les Etats-Unis sont dominées par les produits énergétiques (environ 165 milliards de dollars), suivis des automobiles et pièces détachées (environ 83 milliards de dollars) et des biens de consommation (environ 70 milliards de dollars). L’électronique, l’alimentation, les produits de la mer et l’aéronautique représentent une part relativement faible du total.
Les investisseurs doivent s’habituer aux guerres commerciales permanentes et à la volatilité des marchés qui en découle. Mais cela signifie aussi qu’il y aura des opportunités de profit à mesure que Trump appliquera son art de la négociation commerciale.
Pourquoi des tarifs plus élevés ?
Trump veut que l’Amérique entre dans un « nouvel âge d’or ». Il veut y parvenir grâce à une renaissance du système américain.
Une partie de ce système consiste à imposer des tarifs élevés sur les importations pour soutenir l’industrie manufacturière et les emplois bien rémunérés aux Etats-Unis. Vous pouvez voir sur le graphique ci-dessous comment l’Amérique enregistrait des excédents commerciaux lorsque des tarifs élevés étaient en place.

Balance commerciale des Etats-Unis (1895-2015)
Tarifs douaniers élevés / Accords de Bretton Woods / Tarifs douaniers bas
1971 : fin des accords de Bretton Woods
Les entreprises étrangères seront libres de vendre des biens aux Américains, mais seulement s’ils sont fabriqués aux Etats-Unis. Cela entraînera une vague d’investissements entrants aux Etats-Unis, une réduction des déficits commerciaux américains, un dollar plus fort (puisque le monde demandera des dollars pour investir ici) et des salaires plus élevés pour les travailleurs américains.
Des salaires plus élevés augmenteront les revenus réels, stimuleront la consommation, réduiront les inégalités de revenus et élargiront la base fiscale pour aider à réduire les déficits sans augmenter les taux d’imposition. Le plan de Trump vise à reconstruire les usines américaines, l’économie américaine et à soutenir les travailleurs américains.
L’augmentation des investissements aux Etats-Unis accélèrera également leur avance en haute technologie, y compris dans les semi-conducteurs, l’intelligence artificielle, la nanotechnologie et l’informatique quantique. La Chine a suivi le rythme dans ces domaines en volant la propriété intellectuelle et en bénéficiant d’un soutien gouvernemental massif. Désormais, les Etats-Unis peuvent creuser l’écart avec la Chine en important une partie de cette technologie et en s’appuyant sur l’investissement privé ainsi que sur le soutien gouvernemental.
Les critiques contemporains des tarifs (tous les économistes traditionnels) affirment que ces tarifs entraîneront des représailles de la part des partenaires commerciaux et pourraient provoquer un effondrement du commerce mondial similaire à celui des années 1930.
Cette analyse erronée ignore les conditions initiales décrites ci-dessus. La Chine est dans la position inverse des Etats-Unis. Elle produit trop et ne consomme pas assez. La meilleure approche pour la Chine serait de baisser ses tarifs, d’encourager la consommation de ses citoyens et de tenter de renforcer sa monnaie afin que ses consommateurs puissent se permettre d’acheter plus de biens importés.
En réalité, nous nous attendons à ce que la Chine fasse exactement l’inverse et s’enferme dans son approche néo-mercantiliste en dévaluant sa monnaie et en cherchant à inonder le monde avec encore plus d’exportations.
Si la Chine adopte cette dernière stratégie, elle échouera. Ce ne sera pas la faute des Etats-Unis, mais bien son propre échec. La politique américaine n’a pas pour but de rendre à la Chine sa grandeur, elle doit s’en charger elle-même.
La politique des Etats-Unis vise à rendre aux Etats-Unis leur grandeur. Cela signifie des tarifs élevés, des impôts plus bas, des investissements plus productifs (y compris des investissements publics) et des emplois bien rémunérés qui soutiendront la consommation en parallèle à l’augmentation des investissements.
Les guerres mondiales des tarifs et des finances verront les pays tenter de voler la croissance de leurs partenaires commerciaux. Il y aura de la douleur, mais aussi des opportunités. Certains secteurs s’en sortiront mieux que d’autres dans cette partie d’échecs.
2 commentaires
Et si on remplaçait les guerres classiques, que nous n’avons pas cessé de connaître depuis des siècles, comme la guerre actuelle, stupide en Ukraine, par des guerres commerciales ? L’humanité serait-elle perdante ?
La vision que nous avons de la guerre est trop restrictive : c’est une vision qui voit des hommes armés jusqu’aux dents en découdre sur des champs de bataille, des tanks, des navires de guerre, des avions et, depuis peu, des drones.
Il y a bien d’autres moyens de faire la guerre, parmi ceux-ci la guerre informatique ou la guerre commerciale.
Trump, loué par ses partisans (sans doute à tort) comme le seul président n’ayant jamais été impliqué dans une guerre, est probablement un peu trop limité pour comprendre les subtilités d’une guerre informatique. Il maîtrise cependant parfaitement l’art de la désinformation (quoique davantage en mode matraquage et clairement de façon moins subtile que les méthodes russes) et dégaine aussi vite que Wild Bill Hickock quand il s’agit de guerre commerciale.
Et l’on pourrait avancer, sans trop prendre de risques, qu’il a déclenché la troisième guerre mondiale. Sans distinction entre les ennemis et les amis.