Le 18ᵉ « paquet de sanctions » visant la Chine, l’Inde et les autres alliés de Moscou pourrait bien avoir des conséquences bien plus graves que prévu.
Jean-Noël Barrot, notre ministre des Affaires étrangères, formé à l’école diplomatique américaine (ah non, je n’ai pas dit formaté), était très fier d’annoncer à la veille du week-end un 18ᵉ paquet de sanctions à l’encontre de la Russie (le précédent remontait au 20 mai dernier).
En additionnant toutes les résolutions figurant dans les 17 « paquets » précédents, on en était déjà à 25 847 sanctions… mais manifestement, on était passé à côté de quelque chose, puisqu’un 18ᵉ s’avère indispensable (pour rendre plus efficace le 19ᵉ, puis le 20ᵉ ?).
Celui-ci prévoit un abaissement du prix du pétrole russe autorisé à l’exportation, de 60 $ vers 45 $ (alors que le WTI américain se négocie à 66 $, soit 10 % plus cher que le brut vendu par Moscou à ses alliés) – ce qui paraît assez étrange car les acheteurs font bien ce qu’ils veulent dès lors que le tarif proposé par la Russie leur convient.
Et c’est là que Donald Trump intervient pour faire basculer les sanctions dans une nouvelle dimension : il a prévenu que, si aucun accord pour mettre fin à la guerre en Ukraine n’était trouvé d’ici 50 jours entre Moscou et Kiev, il mettrait en place des droits de douane secondaires visant les alliés commerciaux de Moscou.
Avec son sens de la nuance habituel, Trump a déclaré, à la faveur du déplacement du secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, à la Maison-Blanche : « Si Poutine ne plie pas d’ici 50 jours, c’est très simple : les droits de douane seront portés à 100 % pour ceux qui achètent son pétrole, et c’est comme ça. »
Les principaux pays visés sont la Chine et l’Inde, mais cela concernerait également la Turquie et l’Azerbaïdjan (jamais sanctionné pour l’invasion et l’annexion d’une province arménienne il y a deux ans).
Trump aura beau jeu de prétendre qu’il fait preuve de modération avec ses 100 % de droits de douane, puisque le projet de loi présenté par les sénateurs Lindsey Graham (le warmonger du Deep State) et Richard Blumenthal proposait d’imposer 500 % de droits de douane aux pays « complices de l’enrichissement de la Russie et de son effort de guerre ».
Pour l’heure, toujours aucune sanction chinoise, indienne, turque, etc., contre les Etats-Unis qui soutiennent un pays ayant attaqué le Liban il y a un an, puis l’Iran il y a un mois, sans provocation militaire – tuant des centaines de civils en violation de toutes les règles du droit international – ce que Pékin a dénoncé, soulignant le « deux poids, deux mesures » permanent des Occidentaux, puis ayant envahi il y a une semaine la partie de la Syrie située au sud de Damas (aucune réaction de l’ONU à ce jour), poursuivant l’offensive qui a permis l’annexion de la région du mont Hermon (de façon probablement définitive, comme le Golan occupé depuis 58 ans et annexé de façon tout aussi illégale que définitive depuis 1981).
Il semble évident que Pékin fait preuve de retenue, se conformant au principe selon lequel « tout ce qui est excessif est négligeable » (tant qu’il reste de l’espace pour négocier).
Mais il ne fait aucun doute que si des sanctions de 100 % frappent Pékin d’ici fin août, Xi Jinping ripostera et pourrait plonger, via des embargos ciblés, les Etats-Unis dans un chaos logistique (pénuries de terres rares, de composants automobiles, de microcontrôleurs, de pièces détachées pour l’électroménager, les éoliennes, les ascenseurs, etc.).
De son côté, la Russie va évaluer l’impact des restrictions visant ses exportations pétrolières. Mais on apprenait, peu avant le 18ᵉ paquet, qu’elle s’apprête à lancer sa propre plateforme de négociation d’or, totalement indépendante – et donc concurrente – de la Bourse de Londres et de la LBMA, ce qui priverait le cartel financier occidental basé à Londres de son monopole sur la fixation du prix de l’or (même si Hong Kong propose une alternative asiatique, qui apparaît toutefois très « chinoise »).
En cas de succès, cette nouvelle plateforme d’échange pourrait mettre fin à la fraude de « l’or papier », c’est-à-dire la manipulation des cours, via les marchés à terme, orchestrée depuis Londres et Wall Street.
Il est probable que Pékin regarde avec intérêt cette initiative, et il est trop tôt pour déterminer combien d’autres nations suivront… mais elles pourraient être nombreuses : il suffit de compter le nombre de pays qui se sont engagés dans une dédollarisation et dont les banques centrales ont commencé à remplacer une partie de leurs réserves en billet vert par de l’or physique.
Donald Trump est à deux doigts, par ses menaces et ses éventuelles sanctions, d’expédier le dollar en enfer (effet boomerang), et de faire basculer les Etats-Unis – surendettés à l’excès – dans un scénario digne de la crise argentine.
3 commentaires
La domination américaine sur le Monde, que nous vivons depuis des décennies, commençait à devenir lassante, même pour les alliés. Heureusement un lent déclin s’est amorcé depuis quelques années (au moins en termes relatifs, si l’on tient compte de la montée en puissance de la Chine ou même de l’Inde, encore à venir sans doute)
Et si l’on peut remercier Trump pour quelque chose, c’est d’y mettre un grand coup d’accélérateur . Hélas en mode « wrecking ball », ce qui ne sera pas sans dommages…ici aussi, même pour les alliés, ou ceux qui pensaient encore l’être.
L’insolence américaine avec un fantasque à sa tête achèvera la démolition programmée de ce qui doit l’être. Vive une tectonique des plaques géopolitique. Que les orgueilleux soient envoyés dans la fange ( même s’ils y sont déjà ) et qu’émerge le pouvoir de nouvelles bricques pour refaçonner les échanges mondiaux. Trop de fausseté qui permet à la crapule financière de s’engraisser à bon compte!
Heu… Non Béchade, ce n’est pas Israël qui a attaqué le Liban, mais très exactement le contraire, à la date du 8 octobre, au lendemain du pogrom du 7 octobre perpétré par le Hamas contre des civils israéliens. Béchade n’en est plus à 1 approximation près…